Cette journée a démontré que l’envie d’innovation existe, que les idées pour servir les objectifs du développement durable foisonnent, que les outils réglementaires et juridiques progressent et que l’enjeu actuel est de le faire savoir.
Forte de la présence des représentants des exploitants de réseaux routiers des départements, des métropoles, de l’État, des entreprises, de l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (IDRRIM) et des experts du Cerema, cette journée riche de débats et d'échanges a permis d'apporter des pistes de solutions aux enjeux actuels entre infrastructures-mobilités et innovation.
Donner un cadre à l’innovation
Si les maîtres d’ouvrage de réseaux sont prêts à innover, si les entreprises sont en mesure de proposer de nouvelles techniques, de nouveaux produits, il est important de donner un cadre à l’innovation pour la développer tout en minimisant les risques.
Les objectifs et le fonctionnement du Comité Innovation Routes et Rues ont été rappelés en insistant sur la nécessité de mettre en relation les entreprises porteuses d’innovation et les maîtres d’ouvrages prêts à tester ces produits, et d’assurer une évaluation précise des services rendus par ces nouveaux produits.
Pour soutenir la démarche d’innovation, l’IDRRIM a publié un vademecum pour la gestion d’un chantier innovant qui traite notamment de la passation de contrat pour l’innovation : https://www.idrrim.com/publications/6177.htm
Des ateliers pour réfléchir par métiers aux enjeux de l’innovation
Gestion et exploitation de la route
Deux points importants relatifs aux innovations permises par la géolocalisation ont été soulevés :
- ne pas s’arrêter au seul recueil de données et construire un outil capable de les exploiter , notamment pour assurer la lecture par itinéraire en convertissant les coordonnées GPS en abscisse sur un linéaire (PR) ;
- travailler sur l’acceptabilité de l’outil en s’appuyant sur la localisation qui est entrée dans les mœurs et en prévoyant des dispositifs de déconnexion.
Ces outils apportent une sécurité juridique aux interventions. Les nouveaux outils doivent aussi permettre d’harmoniser les pratiques. La question restée en suspens est celle de la publication des données recueillies : comment et jusqu’où l’utiliser pour communiquer avec les usagers ?
Mobilité
Certaines de ces préoccupations se retrouvent en matière de mobilité, où le plus grand enjeu se situe sur la donnée et sa propriété avec un besoin de cadrage.
L’observation et la connaissance des mobilités sur un territoire restent les préalables indispensables à l’identification des réels besoins des usagers (habitants, en transit ou en situation de tourisme ou d’excursion), dans les espaces urbains et métropolitains ou dans les espaces peu denses ou ruraux.
De nouveaux outils de construction dynamique délivrant en temps réel, des données mobilités émergent progressivement comme le projet européen C the Difference ou le partenariat R&D entre IBM et le département de la Gironde autour des données produites par les acteurs de la filière automobile : Peugeot Citroën et DS ont plus de 3000 véhicules connectés en Gironde.
Ces outils innovants donnent à lire des valeurs et des comportements de mobilités pouvant appeler des réponses en matière d’infrastructures (sécurité routière, analyse des éléments de la congestion, voie dédiée, parc relais, aire de covoiturage, par exemple) ou en matière de services de mobilité (pôle d’échange, carrefour intermodal, covoiturage organisé)
Ouvrages d'art
Pour les ouvrages d’art, les enjeux de l’innovation portent sur l’entretien et la surveillance davantage que sur les matériaux. De nouveaux outils d’auscultation et de surveillance comme les drones et les cordes optiques, apportent de nouvelles réponses. Encore faut-il savoir quoi mesurer. Ce domaine, encore immature mais en forte et rapide évolution, nécessitera une veille.
Sécurité et route communicante
En matière de sécurité et de route communicante, l’innovation prépare l’avènement du véhicule autonome, dont les experts s’accordent à penser que sa généralisation ne peut être envisagée que s’il communique avec l’infrastructure.
Le flux des données s’ajoutera à celles, aujourd’hui physiques et sensorielles, déjà échangées au sein du triptyque véhicule-conducteur-infrastructure. Aux préoccupations existantes viendront s’ajouter des enjeux en termes de sécurité informatique.
La diversité des réseaux, de l’équipement des véhicules, la capacité des conducteurs à intégrer les nouvelles technologies, la compatibilité des standards de communication et la protection des réseaux d’échanges de données, constituent des enjeux à maîtriser pour des gestionnaires d’infrastructures appelés à voir élargir le champ de leur responsabilité en terme de sauvegarde et de sécurité des usagers.
Entretien routier
L’enjeu de l’innovation dans le domaine de l'entretien des routes est de répondre à l’optimisation des opérations d’entretien dans un contexte économique contraint.
Les évolutions technologiques en matière de capteurs, d’outils numériques, de traitement d’image ont permis le développement de nouveaux outils d’évaluation du réseau pour lesquels les gestionnaires s’interrogent.
Comment déterminer les relevés et les méthodes adaptés aux spécificités et à l’importance du réseau à évaluer ? Comment assurer la continuité avec les campagnes de mesure précédentes ? Comment choisir des indicateurs qui permettent ensuite de définir une politique d’entretien optimale ? Ne faut-il pas envisager une labellisation des outils ?
Accompagner l’innovation
Pour les techniques routières, l’expérimentation des nouveaux produits bénéficie du cadre réglementaire de la Loi de Transition énergétique. Leur promotion passe par une relance des conventions d’engagement volontaire, l’inscription d’objectifs dans les plans énergie climat par exemple notamment pour la valorisation des matériaux locaux.
Les participants ont identifié comme un frein à l’innovation le manque de connaissance de ce qui a été expérimenté et exprime le besoin d’une base nationale ou régionale des expérimentations.
À l’accompagnement technique, pour lequel l’importance de l’apport du Cerema a été évoqué, il convient d’ajouter un accompagnement administratif et juridique.
L’innovation repose sur un partenariat dans lequel le partage des responsabilités doit être clair et équilibré. Les possibilités réglementaires sont multiples mais il n’y a pas de solution passe-partout. Il est recommandé de faire précéder la réflexion par du parangonnage et un sourçage*, puis de démarrer modestement en incluant progressivement des exigences de développement durable, en s’assurant d’être en mesure d’en contrôler la mise en œuvre.
* Le concept de sourcing (ou sourçage) a été consacré par l’article 4du décret du 25 mars 2016 qui affirme que « l’acheteur peut effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences ».