Un travail collaboratif a été conduit avec les élus, les techniciens ainsi que les acteurs de l’aménagement et de la mobilité pour définir un plan d’actions sur le long terme et partagé avec les habitants.
Ce projet mené à Pont de l’Arche, une commune normande de 4 200 habitants, a été réalisé dans le cadre d’une convention de partenariat avec le Cerema. L’objectif était de croiser les enjeux de mobilité et d’aménagement pour mener une réflexion en profondeur sur les mobilités actives, l’aménagement des espaces publics et le cadre de vie du territoire. Des objectifs et un plan d’actions ont été définis pour agir sur les 5 à 10 prochaines années.
L’enjeu est de décloisonner les approches "mobilité" et "aménagement" pour une meilleure cohérence entre les deux et conduire à une plus forte incitation à l’usage de la marche et du vélo dans la Ville.
Une démarche collaborative pour identifier les leviers d’action
La ville a initié depuis plusieurs années des actions destinées à améliorer le cadre de vie en agissant sur les espaces publics et l’apaisement de la circulation, et a répondu en 2020 à un appel à projets de l’Agence Régionale de la Santé et de la DREAL Normandie dans le cadre du 3e Plan Régional Santé-Environnement, sur la thématique du 1er objectif qui consiste à aménager un environnement et un cadre de vie favorables à la santé. Pont de l’Arche a présenté un projet visant à aménager la ville pour favoriser les mobilités actives au bénéfice de la santé des habitants - pratique d’une activité physique, amélioration de la qualité de l’air…- dans le cadre d’un "Grenelle" de la mobilité et de la sécurité avec les habitants et les acteurs concernés.
Les sujets que la commune souhaitait aborder portaient sur la circulation apaisée, la place et la pratique des modes actifs, la sobriété dans l’aménagement et d’éventuelles expérimentations frugales d’aménagements pour réduire la vitesse dans le centre-ville.
C’est dans ce contexte qu’elle a fait appel au Cerema, qui l’a accompagnée dans sa démarche et a produit une étude fixant les grands principes d’aménagement que la ville devrait mettre en œuvre pour ses espaces publics et l’organisation des mobilités, avec une attention en faveur de la marche et du vélo. Ce travail permet de poser une vision stratégique et un cadre pour les actions à venir.
Le Cerema a d’abord organisé la réflexion collective avec les élus et les équipes techniques de la ville, par une acculturation aux enjeux de mobilité durable et à la méthode du diagnostic “en marchant” participatif. Ce dernier a pour objectif d’effectuer un itinéraire avec les élus et les habitants afin de recueillir les points de vue et sentiments au fil du parcours et de réaliser un diagnostic de la situation en termes de mobilités et d’espaces publics.
Une analyse de l’organisation structurelle du territoire a permis d’identifier 4 secteurs d’intervention à l’échelle du périmètre de la ville, définis par leurs fonctionnalités dominantes et les besoins actuels et à venir. Dans chacun, un diagnostic ambulatoire a été effectué par les élus et les habitants :
- Secteur hyper-centre,
- Secteur résidentiel,
- Secteur en devenir (reconstruction d’un collège)
- Secteur est (dit des "Damps").
Les diagnostics ambulatoires avaient pour objectif de qualifier les usages, la fonctionnalité des lieux et leur qualité environnementale, tout en observant les comportements des usagers et faire émerger les points positifs et points faibles des espaces publics.
Un premier itinéraire a été réalisé par le Cerema avec les élus et techniciens afin de les former à la méthode, puis ceux-ci ont organisé 4 autres parcours, sur chacun des secteurs identifiés, avec les habitants en mai et juin 2021. La difficulté est souvent de mobiliser un large panel de citoyens, surtout en période de pandémie Covid 19, mais les retours sont toujours intéressants et permettent d’identifier des difficultés et orientations qui n’apparaissaient pas forcément évidentes. Un compte-rendu par itinéraire a été réalisé, reprenant ce qui a été relevé rue par rue.
Au-delà des échanges sur les mobilités, ces diagnostics ambulatoires ont aussi permis des échanges fructueux entre habitants et élus pour mieux comprendre la démarche d’aménagement de la ville. Cette approche facilite l’acceptabilité et l’appropriation des projets par les habitants mis en œuvre ultérieurement.
Un questionnaire élaboré par la ville a été diffusé auprès des habitants pour mieux cerner les enjeux et leurs attentes sur les sujets des mobilités tels que la vitesse des véhicules motorisés, le stationnement des véhicules, le sentiment de sécurité des usagers des modes actifs aux abords des axes principaux ou aux entrées de ville, les transports collectifs… Cette consultation a également été l’occasion de recenser les leviers permettant d’envisager une modification des pratiques de mobilité des habitants.
Grâce aux retours des 5 diagnostics “en marchant” et à l’analyse des réponses au questionnaire, le Cerema a pu établir un diagnostic pragmatique de la situation. Un travail sur l’interconnexion entre les secteurs a également été intégré dans la démarche afin de proposer une stratégie cohérente à l’échelle de la ville.
Avec ces informations, le Cerema a organisé un atelier réunissant élus, techniciens de la ville et de l’Agglomération Seine-Eure et habitants en octobre 2021, pour établir des orientations d’action ayant conduit à la réalisation d’un recueil de 14 fiches-actions. Des fiches par secteur ont été réalisées pour préciser les enjeux et orientations spécifiques à chaque secteur et une approche thématique applicable à l’ensemble du territoire a été développée. Un troisième volet reprend des actions transversales venant compléter les deux premiers volets.
Des fiches pour accompagner les décisions futures
A l’issue de ces travaux, 14 fiches ont été réalisées par le Cerema, pour présenter des actions à mener dès maintenant ou à plus long terme :
- 5 fiches thématiques qui présentent un regard stratégique et les grandes orientations sur 5 grands thèmes : apaisement de la vitesse, diagnostic/ connaissance du territoire, stationnement, accessibilité/ qualité d’usage et frugalité. Elles permettent une approche thématique et différenciée des projets concernant la ville et fixent un socle de fondamentaux sur la conception de l’espace public.
- 4 fiches sectorielles qui présentent les grands principes retenus dans ces 5 thèmes, à travers une approche globale et pluri-thématique pour que les objectifs fonctionnels soient clairement posés et assurer une cohérence d’aménagement de l’espace public. Ces principes sont : renforcer l’identité du centre-ville, concilier les fonctions dans les quartiers résidentiels, intégrer le secteur en devenir, et connecter la frange est de la ville au territoire.
- 5 fiches d’accompagnement qui proposent des actions complémentaires à une intervention physique sur l’espace public à travers un traitement global des déplacements et une plus grande lisibilité de l’action publique aux yeux des habitants et visiteurs : développer un système vélo, renforcer la place des transports collectifs, dynamiser l’intermodalité, connaître, expérimenter et évaluer, et enfin communiquer, informer pour convaincre.
Une série de cartographies complète le document, présentant différents axes de la stratégie de mobilités.
Retrouver les fiches en open source sur CeremaDoc:
Interview d’Anne-Sophie De Besses, adjointe au maire de Pont de l’Arche en charge du développement durable et de la promotion de la santé
Pouvez-vous nous expliquer quels étaient votre démarche et votre besoin lorsque vous avez fait appel au Cerema ?
Pont de l’Arche est une commune de 4 200 habitants où beaucoup de trajets se font en voiture même pour de petits déplacements, avec de forts enjeux en termes de mobilité et de santé : les questions de santé et d’environnement sont pleinement intégrées dans nos politiques.
Une analyse réalisée par le Cerema a montré que tous les habitants de la commune habitent à moins de 15 minutes à vélo du centre-ville. La commune souhaite développer les mobilités actives et nous voulions avoir le point de vue, le ressenti des habitants sur les espaces publics avec une forte attente sur la sécurité des déplacements des modes actifs. Nous allons fait appel au Cerema pour son expertise grâce à un financement de l’ARS et de la Dreal dans le cadre du Plan régional Santé-environnement 3.
Il en est ressorti que la vitesse est un problème remonté par de nombreux habitants, et cela alimente la réflexion des élus autour de la Ville à 30 km/h et de l’apaisement de la circulation dans le centre-ville et l’ensemble des quartiers de la commune. C’est un sujet sensible et sur lequel il était important de recueillir l’avis des habitants.
Avec l’appui du Cerema, nous avons donc envoyé un questionnaire aux habitants transmis dans le magazine municipal, organisé des marches exploratoires ou diagnostics "en marchant" dans 5 quartiers de la ville ainsi qu’un atelier de co-construction avec les élus et les habitants pour échanger sur l’aménagement de la ville et récolter la matière qui a servi au Cerema pour réaliser la feuille de route composée de 14 fiches-actions.
Pouvez-vous nous dire sur quels aspects le Cerema a permis de faire avancer votre démarche ?
Ce travail nous définit un cadre clair qui nous facilite la mise en œuvre des prochaines actions à mener. Nous allons présenter cette feuille de route et faire part de notre ambition de développer les mobilités à nos partenaires qui ont des compétences dans ce domaine : l'Agglomération Seine-Eure pour les compétences voiries, transports collectifs, aménagements cyclables, le Département de l’Eure pour l’appui aux communes, la compétence routes départementales et déploiement de la Seine à vélo, la Région pour sa compétence transports interurbains et infrastructures ferroviaires. Seule la commune ne peut pas agir sur l’ensemble des mobilités. En montrant toute la démarche de Grenelle de la mobilité et de la sécurité routière qui a été menée, nos demandes auront plus de chances d’aboutir.
Pont de l’Arche est également lauréate du programme Petites Villes de Demain et l’équipe municipale a finalisé récemment l’Opération de Revitalisation de Territoire (ORT) qui inclut l’aménagement d’espaces publics et des actions autour des mobilités. Un axe est consacré à “créer un environnement favorable à la santé”.
Nous nous sommes lancés dans la réalisation de la fiche-action “déployer un écosystème vélo” en répondant à l’appel à projets Avélo2 de l’Ademe dont la commune est lauréate. Grâce à ce financement, la ville va acquérir une flotte de vélos, poursuivre le déploiement du stationnement vélo, mettre en oeuvre un vélo-bus pour les déplacements domicile-école, organiser des opérations de remise en selle et des animations avec une association du territoire qui assure la vélo-école, soutenir l’association ATLEA qui organise chaque mois des séances de Repair Café pour l’apprentissage à la réparation de son vélo…
Une dynamique s’est réellement mise en place dans la commune, autour des actions en faveur de la santé, de l’environnement, des mobilités actives. Un des axes politiques de l’équipe municipale est la ville collaborative et participative, c’est pour cela que nous avons souhaité organiser ce Grenelle en y associant les habitants. La ville a également mis en place le “forum des archépontains” pour inviter les habitants à réfléchir à l’avenir du territoire lors de rencontres régulières.