10 octobre 2024
Le hameau léger "test" constitué des prototypes d’habitats réversibles en juillet 2023 (source : Cerema)
Le hameau léger « test » constitué des prototypes d’habitats réversibles en juillet 2023 (source : Cerema)
Le Cerema apporte son expertise technique depuis 2022 sur le projet de création d’un hameau de 7 habitats réversibles et écologiques dans la commune de Commana dans le Finistère : il évalue l’impact environnemental du projet et en réalise l’évaluation générale (réussites, axes d’améliorations...)

La commune de Commana située dans les Monts d’Arrée (29) a souhaité s’engager en 2022 dans un projet d’habitat participatif innovant, écologique et solidaire, permettant de diversifier l’offre de logements et de contribuer à la revitalisation de son territoire : en louant un terrain de la commune pour y implanter un hameau de 7 habitats légers et réversibles porté par un collectif de nouveaux habitants. L’évaluation de ce projet a été confiée au Cerema.

 

Une nouvelle façon d'habiter pour mieux réduire l'impact environnemental

En 2022, la Commune de Commana, dans le Finistère, a lancé avec le Cerema et l’association Hameaux légers, un projet de création d’un hameau léger sur un terrain disponible de 3800 m² appartenant à la commune. Ce projet est soutenu par l’État dans le cadre du dispositif "Démonstrateurs de la ville durable" de France 2030 et bénéficie à ce titre de financements opérés par la Banque des territoires (Caisse des Dépôts) pour mener les études et travaux de sa phase incubation (2022-2024) puis réalisation (2024-2027).

 

 
Les 4 objectifs principaux du projet :

 

  • minimiser l’empreinte carbone, l’impact sur le sol, la biodiversité, la consommation de ressources (axe environnemental)
  • faciliter les parcours résidentiels, permettre à tous d’accéder, faciliter l’évolution des usages (axe social)
  • contribuer à la revitalisation des territoires ruraux (axe territorial)
  • renforcer le vivre-ensemble, faciliter les transitions dans les modes de vie (axe gouvernance)

 

Un hameau léger est un regroupement d’habitats écologiques (conçus à partir de matériaux naturels), réversibles (c’est-à-dire démontables, transportables), développé sous forme d’habitat participatif, accessible financièrement au plus grand nombre (non spéculatif), aménagé dans un territoire qui l’accueille (territoire volontaire). 

Cet habitat peut prendre plusieurs formes : tiny house, roulotte, mobile home, yourte, maison nomade…  

Des informations sur le projet de Commana sont sur le site internet de l’association Hameaux légers.

A gauche : Démonstration de sciences participatives (juillet 2023) / A droite : Blaireau européen pris par un piège photographique

Le diagnostic a donc pu montrer l’absence d’enjeux particuliers importants vis-à-vis des espèces et des habitats, notamment du fait du caractère très remanié du site. Toutefois, un enjeu modéré de trame écologique reste à souligner au vu de son positionnement dans le paysage (réseau de haies et continuité humide). Cet état initial a ainsi permis d’émettre un certain nombre de recommandations sur le permis d’aménager, avant son dépôt en mai 2023.

Une démonstration du programme de "sciences participatives au jardin" portant sur les papillons et les bourdons a également été faite en présence du collectif et d’un membre du conseil municipal afin de les impliquer dans le suivi à plus long terme prévoyant notamment de reconduire des inventaires plus exhaustifs au bout de 2 ou 3 ans, une fois les habitations terminées.

 

2/ L’analyse du cycle de vie des 4 prototypes d’habitat réversibles

Dans le cadre du projet de Commana, le programme investissement d’avenir de la Banque des Territoires a permis de financer la conception et la fabrication de 4 prototypes d’Habitats Légers, afin de :

  • Faire connaître ce type d’habitat aux habitants de la commune et à toute personne intéressée par les formes alternatives d’habitat.

  • Permettre aux futurs habitants du hameau léger de tester durant un été ces typologies d’habitats.

  • Faire progresser l’évaluation et la connaissance de l’impact environnemental de ces habitats, et en particulier, leur impact carbone.

  • Disposer d’habitats légers démonstrateurs dans le cadre de l’éco-centre de Saint-André Des Eaux.

Les 3 premiers prototypes ont été conçus et réalisés par les architectes de l’atelier Toboggan à Redon (44), et le dôme géodésique a été réalisé par Maxime Craipeau de l’Atelier du dôme à Chastel (43).

Afin de déterminer si les habitats légers ont un impact carbone plus faible qu’une maison construite en 2022 (soumise à la RE 2020), le Cerema a utilisé les données récoltées sur ces 4 prototypes, afin de réaliser 4 Analyses du Cycle de Vie.

Une analyse du cycle de vie (ACV) de bâtiment est une évaluation de l’impact environnemental d’un projet, tout au long de son cycle de vie, sur une période de 50 ans : depuis l’extraction des matières premières, jusqu’au démontage du bâtiment, selon les étapes schématisées ci-dessous :

 

Les phases du Cycle de Vie d'un bâtiment. Source: Ministère de la Transition Ecologique

 

 

Les calculs ont été réalisés par le Cerema en 2023 et 2024 dans le logiciel Pléiades Comfie, en utilisant les conventions de calcul de la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020). Seule l’ACV des composants du bâtiments (matériaux et équipements) a été réalisée. Les émissions de GES dues aux consommations d’énergie des habitats en occupation n’ont pas été calculées.

 

Les résultats des analyses de cycle de vie de ces 4 habitats réversibles montrent que les émissions de gaz à effet de serre de ce type de logement sont très faibles. Pour rappel, la RE 2020 impose des seuils d’émissions de GES de plus en plus exigeants pour toute construction neuve, au fil du temps entre 2022 et 2031.

Les résultats des ACV des 4 prototypes pris seuls (sans l’impact de la maison commune) montrent que ces habitats légers obtiennent de meilleures performances qu’une maison visant le seuil réglementaire très exigeant de 2031 :

 

Les habitats légers mobilisent des leviers inspirants pour arriver à de faibles émissions de gaz à effet de serre :
  1. Recours aux matériaux biosourcés (issus de la matière première végétale comme le bois, la laine de bois...)
  2. Recours au réemploi de produits de constructions
  3. Mutualisation des besoins des habitants (à travers la maison commune)
  4. Sobriété dans les surfaces déployés dans les habitats.

Le Cerema a rédigé en 2024 une fiche pour savoir si, et comment la Re 2020 s’applique aux « résidences démontables à vocation d’habitat permanent ».

Les principaux enseignements à retenir sont :

  • La RE 2020 ne s’applique pas pour les projets d’installation d’au moins 2 résidences démontables à vocation d’habitat permanent, qui sont soumises à un permis d’aménager ou à une déclaration préalable d’aménagement.
  • Mais elle s’applique pour le cas de l’installation d’une seule résidence.

La fiche publiée par le Cerema détaille l’interprétation de ces différents cas et précise les exigences de performance thermique alternatives concernant l’installation d’une seule résidence de moins de 50 m² : Fiche "Modalités d'application de la RE 2020 aux résidences démontables à vocation d'habitat permanent"  RE 2020 et résidences démontables.

 

4/ Le confort thermique et les consommations d’énergie

Construction d'un des habitats - Mairie de Commana

Le Cerema (Robin Chatton) a également réalisé des simulations thermiques dynamiques sur les 3 prototypes d’habitats légers conçus par l’atelier Toboggan, afin de répondre à des questions posées par la légèreté de ces habitats (légèreté qui fait partie du cahier des charges de ces habitats qui devaient être réversibles et manu-transportable sans grue). A ce stade d’incubation du hameau léger de Commana et étant donné que les habitats ne sont pas encore occupés, les réponses apportées sont basées sur des simulations théoriques par le logiciel Pléiades Comfie. Des mesures sur les habitats finaux seront effectuées en 2025 et 2026 pour confirmer ces données.

Est-ce que ces habitats réversibles consommeront beaucoup d’énergie en hiver ?

Pour rappel, les 3 prototypes bénéficient d’une isolation thermique de 200 mm de laine de bois en plancher bas et plancher haut, de 100 mm de laine de bois ou de mouton dans les murs, et de menuiseries PVC de réemploi récentes dont le Uw est estimé à 1,3 m².K/W.

La simulation par le logiciel Pléiades des 3 prototypes donne une consommation moyenne  de chauffage de 1300 kWhef/an, soit 75 kWhef/m²shab.an, ce qui représente une facture de chauffage de moins de 350€/an (moins de 30€/mois). (pour un hypothèse d’un chauffage assuré par un panneau rayonnant électrique, et un coût de 25 centimes d’euros du kWh électrique).

Les 3 prototypes ont donc une consommation de chauffage prévisionnelle plutôt faible.

 

Est-ce que les températures atteintes en été dans les habitats ne sont pas trop élevées ?

Cette question est légitime, étant donnée la très faible inertie thermique des 3 prototypes, composés essentiellement d’une ossature bois et d’isolant thermique intégré à la paroi.

La simulation par le logiciel Pléiades des 3 prototypes avec une occupation de base (non optimisée) donne une moyenne de 230 heures où la température dépasse 28°C durant les heures d’occupation (soirée, nuits et we), avec le fichier météo de la ville de Rennes (hypothèse défavorable par rapport au climat estival de Commana qui est moins chaud qu’à Rennes).

Ce résultat est plutôt élevé.

Les campagnes de mesures réelles menées dans les maisons et appartements BBC lors du programme PREBAT 2012-2017, avait relevé des mesures comprises le plus souvent entre 50 et 200 heures par an supérieures à 28°C. Le seuil en dessous duquel le confort est considéré comme assuré est de 50h/an.

Cependant, les 230 heures obtenues avec les simulations des 3 prototypes l’ont été avec une occupation de base non optimisée. La combinaison de 3 solutions simples permet déjà de faire baisser de 60 % l’inconfort simulé :

: Simulation du confort d'été avec le module 4 placé à l'ombre une partie de la journée
  • Une ouverture des fenêtres traversante lors des moments où la température extérieure est inférieure à la température intérieure.
  • La fermeture des occultation lors de la journée (pendant l’absence des occupants).
  • Et le fait de positionner les habitats sur les emplacements bénéficiant de l’ombrage des arbres de la parcelle de Commana, particulièrement côté Est.

La combinaison de ces 3 solutions permet d’aboutir à seulement 109 heures >28°C en moyenne, ce qui est un bon résultat pour un habitat sans inertie.

Les autres solutions à mettre en place sont sans doute d’apporter de l’inertie thermique "amovible" au sein de ces habitats, qui puisse accumuler de la chaleur en journée et la relarguer en soirée lorsque l’habitat est ventilé par de l’air plus frais. Par exemple par l’installation d’une réserve d’eau sous le plancher bas, servant à la fois de stockage et de dalle inertielle, comme suggéré par l’atelier Toboggan.

 

Et demain ?

Avancement de l'un des habitats "paillourte" septembre 2024, photo collectif Ti Dourig

A l’issue de cette première phase d’incubation et d’études préalables, le financement du projet de la commune de Commana a été reconduit par la Banque des Territoires pour sa phase réalisation : le site a donc été aménagé en 2024 et le bâtiment commun est en cours d’achèvement. Les 3 premiers foyers sont en cours d’installation et seront rejoints par les autres membres du collectif en 2025. 

Les activités de maraîchage et plantations d’arbres fruitiers sur la seconde partie du terrain ont également démarré pour permettre au collectif de produire une partie de sa nourriture. Un projet de ré-implantation d’activité économique dans le bourg a également avancé (bar-restaurant).

Le Cerema va poursuivre l’évaluation, la capitalisation et la diffusion du projet de 2025 2027, grâce au financement apporté par la Banque des Territoires à travers le programme investissement d’avenir, selon les missions suivantes :

  • Evaluation de la démarche selon différentes dimensions : écologique, territoriale, économique et sociale, de gouvernance, d’innovation et de réplicabilité.
  • Evaluation du confort thermique (été et hiver) et des consommations d’énergie des habitats du collectif.
  • Evaluation de l’empreinte carbone du hameau léger par rapport à d’autres formes d’habitat : lotissement, écoquartier, réhabilitation…
  • Etude de la faune et de la flore du site 6 mois et 2 ans après le début des implantations d’habitats.
  • Diffusion des enseignements de cette expérimentation, dans une logique d’essaimage à d’autres territoires volontaires au plan national.
  • Co-élaboration avec l’association Hameaux légers d’une formation à destination des élus et des techniciens des collectivités locales  et de l’État sur la création de futurs hameaux légers.