Actualité de l'Equipe projet de recherche EL : Équipe de recherche Éclairage et Lumière
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Le Cerema a créé l’équipe de recherche "Eclairage et lumière" (EL) au 1er janvier 2023. Florian Greffier, chercheur en éclairage routier qui en est le responsable, présente dans une interview les enjeux dans ce domaine et les travaux menés par son équipe.
Bonjour, pouvez-vous nous expliquer comment et pourquoi cette équipe de recherche a-t-elle été constituée ?
Nous avons lancé les travaux de préfiguration début 2022 pour former cette équipe de recherche dont l’objectif est d’étudier les conditions de visibilité des usagers de la route et des espaces publics, particulièrement en conditions nocturnes sous éclairage artificiel. La recherche dans le domaine de l’éclairage est depuis plusieurs années très active au Cerema. Pour autant, elle s’effectuait dans notre équipe, qui n’était pas encore une équipe de recherche, ou de manière confidentielle dans des équipes de recherche qui traitent principalement d’autres sujets. Les choses sont désormais plus en ordre.
En parallèle de cette préfiguration, nous avons également travaillé à la constitution d’une équipe de recherche commune (ERC) nous associant au laboratoire PICS-L de l’Université Gustave Eiffel (Perceptions, Interactions, Comportements & Simulations des usagers de la route et de la rue) et à l’équipe de recherche STI (Systèmes de Transports Intelligents) du Cerema, avec la perspective de faire examiner nos travaux de recherche d’ici deux ans dans le cadre de l'évaluation par l'HCERES du département COSYS et de ses ERC.
Aujourd’hui, on parle beaucoup d’économies d’énergie dans l’éclairage public : ce sont des enjeux qui sont totalement intégrés dans nos travaux. Nous travaillons notamment sur les luminaires, afin qu’ils n’émettent pas trop de lumière lorsqu’ils sont allumés, et pour cela nous développons des outils qui permettent de reproduire le fonctionnement du système visuel humain afin d’étudier comment il perçoit l’espace public éclairé. Nous travaillons aussi sur les revêtements, par exemple à travers l’expérimentation Lumiroute à Limoges qui a permis de tester de nouveaux types de revêtement et de luminaires pour réduire les consommations énergétiques liées à l'éclairage routier.
Le pari de nos recherches est ainsi de revenir aux fondamentaux de la perception visuelle pour donner aux usagers la juste quantité de lumière quand le besoin d’éclairage est avéré.
Les questions liées à la lumière et à l’éclairage sont également très transversales, et notre équipe intervient sur différents projets, comme l’étude de l’impact de l’éclairage public sur la biodiversité, ou des expérimentations de signalisation au sol lumineuse, par exemple pour les piétons et cyclistes, en s’interrogeant sur des solutions alternatives à l’éclairage public dans des contextes spécifiques.
Nous menons des partenariats avec des collectivités, dans lesquelles des méthodologies innovantes sont mises en œuvre comme pour Angers Loire Métropole pour optimiser l’éclairage de la plateforme du tramway, Nantes Métropole sur les nuisances lumineuses ou Saint-Malo pour un appui dans la définition d’une stratégie pluriannuelle de modulation de ses installations d’éclairage en croisant des mesures objectives et le ressenti des usagers. Nous collaborons aussi avec des entreprises, notamment dans le cadre de Clim’Adapt, le dispositif Carnot du Cerema.
Une grande partie de votre travail porte sur la mesure de la lumière, pouvez-vous nous expliquer quels sont les enjeux pratiques ?
L’objectif des méthodes et outils de mesure que nous développons est d’améliorer le dimensionnement des installations d’éclairage, en optimisant le flux des luminaires pour offrir la bonne luminance aux usagers. C’est principalement elle que nous mesurons puisque c’est elle que nous voyons. Nos travaux s’inscrivent également dans une réinterrogation des standards actuels susceptible de faire évoluer les méthodologies de mesure. Aujourd’hui l’éclairage en ville est toujours dimensionné pour les conducteurs de véhicule en considérant qu’ils regardent la route avec un angle d’observation de 1° sous l’horizontale.
Cette géométrie a été définie pour des vitesses de l’ordre de 90 km/h. Mais en milieu urbain, là où l’essentiel de l’éclairage public est installé, la vitesse moyenne est de 50 voire 30 km/h, si bien que cette géométrie n’est plus adaptée. Et l’éclairage est à destination de tous les usagers, les conducteurs mais aussi les piétons ou les cyclistes. Notre équipe de recherche travaille donc sur la définition de nouvelles géométries qui vont permettre de réviser les niveaux de luminance des voiries urbaines.
Un autre levier d’optimisation repose sur la mesure des propriétés optiques des revêtements contrairement aux pratiques actuelles qui consistent à utiliser des modèles de réflexion établis dans les années 1970. Même si leur obsolescence a fait l’objet de nombreux travaux ces dernières années, ce sont toujours eux qui sont utilisés dans les logiciels de dimensionnement des installations d’éclairage. Les techniques routières ont pourtant évolué depuis 50 ans et nous avons une diversité de revêtements, particulièrement en milieu urbain. L’expérimentation Lumiroute ou les travaux du groupe Revêtements et Lumière nous enseignent qu’il est possible de réduire la consommation d’énergie de 50 % en adaptant le couple revêtement/luminaire et en arrêtant d’utiliser les vieux modèles.
Tous ces travaux visent à amplifier les effets des rénovations en cours. Aujourd’hui, pour réduire la consommation électrique liée à l’éclairage public, on remplace les anciens luminaires par des LED. Cette action peut permettre de diviser la puissance électrique par 2 à 4, alors que 75 % du parc a encore des luminaires classiques. Cependant avec les LED, il faut aussi être prudent quant aux enjeux de biodiversité car leur impact est plus fort que les ampoules classiques en raison d’une lumière plus blanche, avec une température de couleur plus froide. Dans le cadre du collectif AUBE, cet impact est un des sujets sur lesquels nous travaillons.
Notre équipe de recherche contribue aussi à des travaux sur la perception de la signalisation horizontale, notamment dans le cadre du projet SAM sur le véhicule autonome. L’objectif est ici de s’intéresser à l’adaptation des critères de performance et de la normalisation pour que les marquages soient visibles, à la fois pour l’œil humain et pour les capteurs des véhicules autonomes.
Nos travaux en matière de modélisation de la vision humaine servent donc différentes problématiques, l’optimisation des installations d’éclairage ou l’évaluation de la visibilité des différents éléments de l’infrastructure routière.
Un aspect important de vos travaux porte sur le développement de méthodes et d’outils. Pouvez-vous nous présenter un de ces outils mis au point par l’équipe de recherche EL?
S’il faut en choisir un, je dirais le système d’imagerie HDR à 4 caméras pour la mesure de la luminance et de la couleur, que nous développons depuis maintenant plusieurs années. Avec 4 caméras, ajustées photométriquement sur des plages successives et complémentaires, on peut enregistrer une très grande plage de luminance, fidèlement à ce que l’œil humain perçoit, voire même au-delà. Les images fournies par les quatre caméras sont ensuite fusionnées pour obtenir une unique image HDR. Cela nous permet ensuite de caractériser les conditions de visibilité des usagers ou de modéliser des mécanismes physiologiques comme l’adaptation visuelle ou l’éblouissement.
Le système peut être embarqué dans un véhicule pour faire des mesures en condition dynamique jusqu’à 50 km/h. C’est un outil de diagnostic qui permet de mieux adapter l’éclairage, en prenant en compte les trois composantes du système. A notre connaissance il n’a aujourd’hui pas d’équivalent.