Cette évaluation a été confiée par la Délégation à la sécurité routière au Cerema, en collaboration avec l’Université Gustave-Eiffel et la société Ergocentre. Plusieurs aspects ont été abordés : comportements des conducteurs, acceptabilité de la mesure, formation en école de conduite, accidentalité ou encore signalisation de la pratique.
Définition de la circulation inter-files pour l'expérimentation
Pour rappel, un 2RM est dit en CIF lorsqu’il roule entre les deux files de véhicules motorisés les plus à gauche de la chaussée en cas de congestion routière sur le réseau défini précédemment dont la vitesse maximale autorisée (VMA) est supérieure ou égale à 70 km/h. La vitesse des 2RM en CIF doit être inférieure à 50 km/h et ne pas dépasser de plus de 30 km/h celle des véhicules adjacents. La vitesse limite du boulevard périphérique parisien était de 70 km/h pendant l'évaluation.
Par exemple, sur une autoroute à 2×3 voies, où, dans une circulation encombrée sur toutes les voies de circulation, les véhicules roulent à une vitesse moyenne de 10 km/h, un 2RM est en CIF lorsqu’il circule entre les deux files de véhicules les plus à gauche de la chaussée, à une vitesse inférieure à 40 km/h. Si la vitesse des véhicules en files est de 30 km/h alors le 2RM roulant entre deux files doit circuler à une vitesse inférieure à 50 km/h pour être considéré en CIF.
Résultats des évaluations
L’accidentalité relative aux 2RM évolue peu et concerne principalement les réseaux franciliens
Sur les réseaux routiers concernés par l’expérimentation de la CIF, nommés ici "réseaux CIF", l’accidentalité relative aux 2RM, comme celle impliquant au moins un 2RM en CIF, est restée stable durant la seconde expérimentation. Le nombre d’accidents mortels impliquant un usager à 2RM en CIF probable varie entre 1 et 6 tués par an, sur l’ensemble des périodes expérimentales, de 2016 à 2022. 40 % de ces accidents sont situés en Île-de-France.
Lors de la première expérimentation de la CIF, une forte hausse de l’accidentalité relative aux 2RM a été constatée dans le département de la Gironde. Pendant la seconde expérimentation, cette hausse disparaît au profit d’une stabilisation, probablement due à la fin des travaux sur la rocade de Bordeaux. Par ailleurs, aucune hausse de l’accidentalité lors des expérimentations de la CIF n’est remarquée dans d’autres départements, qu’importe l’ancienneté de l’expérimentation. L’entrée en vigueur de l’autorisation de la CIF sur un territoire n’a donc pas ou peu d’impact sur l’accidentalité.
Un respect minoritaire de la vitesse maximale autorisée fixée à 50 km/h par les 2RM en inter-files, mais en progression
Malgré une baisse des vitesses moyennes constatée au cours de la seconde expérimentation de la CIF, 1 conducteur de 2RM sur 2 ne respecte pas la VMA fixée à 50 km/h lorsque la CIF est praticable. En effet, lorsque les conditions de circulation permettent la pratique de la CIF, les conducteurs de 2RM rejoignent en majorité l’inter-files le plus à gauche (IF₁) et circulent à une vitesse généralement comprise entre 40 km/h et 70 km/h, alors que leur vitesse devrait rester inférieure à 50 km/h. Ce non-respect de la VMA est corrélé au fait que les conducteurs affirment ne pas craindre d’être contrôlés lors de leur conduite en inter-files.
Toutefois, en cas de CIF autorisée, la différence de vitesse de 30 km/h avec les véhicules adjacents est respectée par au moins 9 conducteurs de 2RM sur 10 roulant à moins de 50 km/h dans l’IF₁. Quant aux conducteurs de 2RM en inter-files qui circulent à plus de 50 km/h, ils ont un écart de vitesse supérieur à 30 km/h dans 40 % des cas. En outre, lorsque la circulation redevient fluide, les conducteurs de 2RM rejoignent les voies normales de circulation.
Rappelons que l'analyse approfondie des accidents de 2RM circulant entre deux files lors de la première expérimentation a montré le rôle clé d'une vitesse du 2RM au-delà de la limitation prévue dans le cadre de la CIF dans le mécanisme et la gravité de l'accident. Trop souvent une vitesse élevée en circulation inter-files ne permet pas au 2RM de pouvoir anticiper et d'avoir une réaction adaptée dans un contexte où de fait la chaussée est partagée avec les autres véhicules qui doivent pouvoir changer de file pour rejoindre par exemple une sortie. La vitesse réelle et le différentiel de vitesse sont confirmés comme deux éléments clés à respecter.
Un enjeu sur le contrôle de la vitesse des deux-roues motorisés
En effet, le scénario-type des accidents impliquant un 2RM en inter-files, mis en évidence lors de la première expérimentation, montre que les facteurs d’accidents sont principalement des vitesses excessives chez les 2RM. À cela peut s’ajouter un manque de vigilance chez les automobilistes. Ces accidents engendrent principalement des blessés. Les accidents mortels constatés sont peu nombreux et ne relèvent pas pour la plupart d’un 2RM respectant les règles de la CIF, notamment la limitation de vitesse pour la pratique de la CIF. Les tests réalisés ont montré que la présence des forces de l'ordre ne modifie que très peu les comportements en termes de respect des vitesses. Ceci est explicité dans les enquêtes déclaratives pour lesquelles les conducteurs de 2RM expriment leur connaissance de l'inapplicabilité de la possibilité de contrôle de la circulation inter-files par les forces de l'ordre, l'interception étant obligatoire et très compliquée à mettre en œuvre dans une circulation où les automobiles sont congestionnées. Pour autant, les conducteurs de deux roues motorisés sont conscients de prendre des risques pour eux-mêmes.
Des expérimentations connues des formateurs de conduite, mais peu du grand public
Les moniteurs s’informent et diffusent les connaissances relatives à la CIF à l’ensemble de leurs élèves, y compris à ceux formés au permis B. La signalisation routière, introduite lors de la seconde expérimentation, est quant à elle comprise par l’ensemble des usagers et participe à la sensibilisation aux règles de pratique de la CIF. Enfin, le faible nombre de panneaux installés sur les "réseaux CIF", à des moments différents, ne permet pas d’évaluer leur rôle dans une éventuelle évolution des comportements des conducteurs de 2RM et des autres usagers des infrastructures concernées. Il est à noter que la formation ne s'adresse qu'à une classe d'âge et que toutes les personnes déjà formées ne bénéficient pas des messages pédagogiques des formateurs de conduite ayant déjà leur permis de conduire. Ce qui renforce le besoin de formation continue des usagers de la route et des rues pour diffuser les évolutions comme proposé par le comité des experts auprès du conseil national de sécurité routière, repris par une recommandation du même conseil de sécurité routière.
Conclusions et perspectives
La CIF des 2RM avec les règles expérimentales est bien acceptée, y compris par les conducteurs de voitures. Les comportements observés montrent des effets positifs, malgré un respect minoritaire des règles chez les conducteurs de 2RM. La pédagogie est renforcée, en particulier dans les centres de conduite.
Un élément clé révélé par cette évaluation porte sur le cadre réglementaire quant à l’opérationnalité de la potentialité du contrôle des règles de conduite, notamment la vitesse pour laquelle des évolutions seraient bienvenues. L’amplification de la communication a porté ses fruits, la pratique étant largement enseignée. Il serait souhaitable de pouvoir l'étendre à une plus large part de la population.
Enfin, il serait intéressant de créer un panneau permettant de signaler les points singuliers où la CIF n’est pas possible, par exemple lors de franchissement d’ouvrage avec des largeurs de voies réduites.
Pour davantage d'informations, le rapport de synthèse, ses annexes ainsi qu'une fiche de synthèse sont accessibles.