Cet article fait partie du dossier : Bâtiment: le Cerema et l'expérimentation E+ C- (Energie +, Carbone-)
Voir les 12 actualités liées à ce dossierCet article est issu d'un vaste dossier sur les matériaux et la Construction Biosourcés, réalisé en collaboration avec la plateforme Construction 21. L'ensemble des articles est disponible sur le site de Construction 21:
Le programme Objectif Bâtiment Énergie Carbone (OBEC), porté par l'Ademe depuis fin 2016, a permis d'accompagner l'expérimentation "Energie-Carbone" (E+C-) du Ministère en charge de la construction auprès des professionnels à travers trois tâches réalisées dans chacune des 13 régions métropolitaines par des groupements experts sélectionnés par l’Ademe :
- le calcul via l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) de 20 opérations déjà réceptionnées ;
- l’assistance et le suivi de 10 opérations en phase conception (revue de projet, vérification des calculs et des variantes, réponse aux questions) ;
- la formation/sensibilisation des acteurs à la nouvelle approche Énergie-Carbone.
Toutes les actus E+C-:
Quels résultats quantitatifs sur les performances énergie-carbone ?
Le Cerema a réalisé deux synthèses (synthèse qualitative et synthèse quantitative) grâce aux données transmises par les différents groupements régionaux sur plus de 200 bâtiments. La moitié environ de ces bâtiments correspond à des bâtiments résidentiels. Par ailleurs, la très grande majorité de ces bâtiments est réceptionnée (23 bâtiments sont encore en cours de conception).
45% des bâtiments de l’échantillon OBEC atteignent un niveau énergétique E2 et 74% un niveau carbone C0 (le niveau C1 n’est donc pas atteint). Une différence est à noter avec l’observatoire E+C- qui montre que le niveau le plus souvent atteint par l’ensemble des bâtiments testés est E2C1.
Les résultats du BilanBEPOS obtenus pour les bâtiments résidentiels sont resserrés variant entre 105 et 125 kWhep/(m²SRT.an) pour 50% de l’échantillon. Pour les bâtiments tertiaires, les résultats sont plus variables : les bureaux ont un BilanBEPOS médian à 130 kWhep/(m²SRT.an) alors que les bâtiments d’enseignement ont les valeurs de BilanBEPOS les plus faibles (médiane à 70 kWhep/(m²SRT.an)).
Le niveau carbone moyen pour l’indicateur Eges est équivalent entre chaque usage et se situe autour des 1 500 kgeq.CO2/(m²SdP.an) ±500 kgeq.CO2/(m²SdP.an), mais il est très variable. Les résultats de l’indicateur EgesPCE sont légèrement plus faibles pour les bâtiments résidentiels, mais la valeur médiane est similaire pour les différentes typologies de bâtiments étudiés et vaut 1 050 kgeq.CO2/(m²SdP.an). De manière générale, le seuil sur les produits de construction est le facteur limitant pour atteindre le niveau carbone supérieur.
Une grande quantité de matériaux à évaluer ?
En approfondissant certaines analyses, il est apparu que le nombre de produits / équipements à prendre en compte pour réaliser une ACV de bâtiment est très variable et peut être assez important : la modélisation nécessite en moyenne 274 produits / équipements à saisir, cette valeur pouvant dépasser les 500 produits / équipements pour certains bâtiments.
Ce chiffre mis en regard avec les recherches qui doivent être faites afin d’associer une donnée environnementale à un matériau (voir paragraphe ci-dessus), entraîne un temps d’étude long pour réaliser une ACV.
Par ailleurs, il a été montré que, contrairement aux attentes, la valeur de l’indicateur EgesPCE n’augmente pas nécessairement avec le nombre de matériaux pris en compte. Cela pose donc la question du niveau de détail de la saisie à effectuer.
La complétude des études ACV, est-ce suffisant ?
Le taux d’incomplétude [1] a pu être calculé pour 180 bâtiments et sa valeur médiane est de 24% (ie. 24% des produits/équipements de construction n’ont pas de données environnementales qui puissent être associées).
Il apparaît que ¼ des produits / équipements ne se sont pas vu attribuer de données environnementales.
En région Corse, Occitanie et PACA, le groupement expert a distingué pour chaque produit la cause de non attribution d’une donnée environnementale : l’insuffisance d’information de description du produit dans les documents du projet ou l’inexistence de donnée environnementale dans la base INIES.
Sur les 53 bâtiments évalués, environ 65% des produits n’avaient pas de données environnementales adaptées sur la base INIES.
La complétude du calcul d’ACV est un indicateur important de la qualité et de la fiabilité des résultats obtenus, mais elle ne doit pas pour autant entraîner une utilisation massive de données environnementales par défaut.
Les données par défaut, une surévaluation possible des impacts ?
Les données par défaut sont les données environnementales les plus utilisées : elles représentent, en valeur moyenne, 62% des données environnementales attribuées dans l’ACV d’un bâtiment.
Mais cette valeur varie selon les régions ou la personne qui modélise : elles représentent 80% des données en Grand Est, 50% en Auvergne Rhône-Alpes, 70% en Ile-de-France, etc.
En effet, une hétérogénéité des méthodes de choix des données environnementales entre les différents groupements existe.
Ce fort pourcentage de recours aux données environnementales par défaut, qui sont pourtant pénalisantes, peut expliquer des résultats plutôt décevants au niveau de l’indicateur carbone.
En région Grand Est, il a été observé que, sur les lots équipements, la méthode simplifiée (lots forfaitaires) et la méthode détaillée n’aboutissaient pas à des résultats très différents. Par contre, avec la méthode détaillée, le taux d’incomplétude est important et vaut en moyenne 47%. Ainsi les valeurs forfaitaires des lots techniques (équipements) semblent aujourd’hui sous-estimées mais cette conclusion est à moduler en fonction des typologies de bâtiments et des équipements mis en œuvre.
Et les matériaux biosourcés ?
Il y a peu de retours quantitatifs du programme OBEC concernant l’intégration des matériaux biosourcés, mais leur prise en compte dans les analyses de cycle de vie de bâtiments a donné lieu à de nombreux questionnements et opinions de professionnels : la performance environnementale des matériaux biosourcées n’est pas lisible, ce qui interroge l’adoption de l’approche E+C-.
Concepteurs, constructeurs et maîtres d’ouvrage motivés ont porté depuis plusieurs années les matériaux biosourcés comme des solutions vertueuses et ne voient pas leurs choix valorisés dans l’évaluation proposée. La méthode d’évaluation des impacts environnementaux et notamment les émissions de gaz à effet de serre ainsi que les FDES disponibles dans la base INIES ne semblent pas toujours favorables à l’utilisation de matériaux biosourcés.
Ce constat pourrait cependant évoluer car certaines FDES de matériaux biosourcés commencent à bien se positionner pour réduire l’impact carbone des bâtiments : paille, certaines laines de bois, etc.
Le programme OBEC a permis à de nombreux professionnels de la construction de participer à l’expérimentation E+C-, en testant le référentiel et les méthodes de calcul, en participant à des journées d’information et de sensibilisation, en se formant à de nouveaux outils et surtout en partageant leurs retours d’expérience sur le sujet.
De nombreuses questions qualitatives et quantitatives ont pu être transmises aux groupes de travail ministériel, par les expérimentateurs mais aussi via la synthèse de ce programme et ainsi alimenter les réflexions en cours sur la future réglementation environnementale des bâtiments neufs de demain (RE2020) : qualité et complétude des calculs, disponibilité des données environnementales spécifiques, recours aux données par défaut, place des matériaux biosourcés, etc.
[1] Le taux d’incomplétude est le rapport entre le nombre de produits / équipements pour lesquels une donnée environnementale n’a pas été attribuée (que ce soit une donnée spécifique ou une donnée par défaut) et le nombre total de produits / équipements du bâtiment (ie. le nombre de lignes des DPGF). Cette définition n’a pas été cadrée et partagée en amont des études réalisées par les groupements et peut donc varier selon les groupements.
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