24 décembre 2024
Village dans les champs avec un parc éolien au second plan
Cerema
L’électrification des usages combinée aux délais de mise en service de futurs réacteurs nucléaires conduit à un "mur énergétique". Pour le franchir, deux leviers sont actionnés : la sobriété et le développement des énergies renouvelables. Ce dernier volet est le but de la loi d’accélération des énergies renouvelables, votée en mars 2023. Pour accompagner les collectivités dans leurs démarches, le Cerema et l’IGN ont mis en ligne un portail du potentiel local des énergies renouvelables, à l’échelle nationale. Comme un cadastre solaire, mais pour toutes les énergies, et toute la France.

Cet article a été publié par notre partenaire TechniCités.

 

Planifier pour accélérer 

La transition énergétique engagée consiste en un triple mouvement : 

  • la baisse de nos consommations d’énergie (sobriété, efficacité),
  • la suppression d’ici à 2050 du recours aux énergies fossiles (notamment via l’électrification des usages),
  • l’augmentation de la production d’énergies renouvelables (ENR). 

Cette situation nous place devant ce que certains ont pu qualifier de "mur énergétique" dont l’échéance se situe entre 2030 et 2035. Ainsi, dans le Guide pour les élus publié en juillet 2023, la ministre de la Transition énergétique expose que "l’accélération du déploiement des énergies renouvelables à court terme est absolument nécessaire pour garantir notre sécurité d’approvisionnement énergétique, décarboner notre économie et maintenir la compétitivité de nos territoires et de nos entreprises d’ici à 2030".

C’est tout l’enjeu de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper, du 10 mars 2023 : apporter des outils opérationnels pour réussir cette transition. En particulier, son article 15 introduit un tout nouvel objet dans la planification territoriale : la zone d’accélération des énergies renouvelables (ZAER). Cette zone, définie par les communes, est un outil clé pour leur permettre de s’approprier la transition énergétique sur leur territoire. Violaine Tarizzo, de la sous-direction des systèmes électriques et des énergies renouvelables de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de la Transition écologique explique que "le législateur a voulu confier aux communes l’initiative de définir les zones d’accélération sur leur territoire, dans un mouvement de planification ascendante. Les ZAER témoignent de la volonté politique de la commune d’implanter telle ou telle filière d’énergie renouvelable sur une partie du territoire de la commune plutôt qu’une autre".

 

Outre leurs effets légaux, tels qu’un raccourcissement de certains délais d’instruction ou bien des incitations financières spécifiques, 

ces zones d’accélération présentent des bénéfices bien concrets :

  • la commune ayant conduit une concertation avec les habitants, les zones retenues bénéficient d’un dialogue local qui laisse présager une meilleure acceptabilité des projets ;
  • la visibilité donnée aux développeurs sur les ZAER les incite à se diriger en priorité vers ces zones ;
  • les ZAER donnent une visibilité sur les objectifs de développement des ENR de la commune à différents horizons temporels, ce qui facilite le dialogue entre les parties prenantes ;
  • ces zones d’accélération ne sont pas exclusives : il reste tout à fait possible de développer des projets en dehors de ces zones. Ils ne bénéficieront tout simplement pas des conditions a priori favorables et devront, pour les plus importants, organiser un comité de projet à leurs frais. Toutefois, ce dispositif des ZAER ne vaut pas quitus. 

Violaine Tarizzo explique ainsi que "définir une zone d’accélération n’entraîne aucun engagement quant aux projets qui pourraient être déposés dans cette zone : ils resteront soumis à l’ensemble des procédures d’instruction réglementaires en vigueur".

 

Interview : Le portail va encore évoluer"

Le portail cartographique des énergies renouvelables a été élaboré par le Cerema avec l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Les précisions de Yélise Akol, chargée des relations partenariales sur la thématique énergie, et Terry Moreau, chargé de la mise en place du portail.

 

Vous portez, au sein de l’IGN, la mise au point du portail ; quelles sont les principales nouveautés de cette version ?

Yélise Akol : L’IGN s’est engagé, auprès de la ministre de la Transition énergétique, à mettre à disposition des communes le 11 décembre 2023 une nouvelle version du portail cartographique améliorée sur l’ergonomie et sur le fonctionnel. Elle est plus simple dans la manipulation des données de potentiels et – c’est totalement nouveau – elle permet de gérer et faire remonter les zones d’accélération aux différents acteurs locaux identifiés dans la démarche de planification énergétique. 

Terry Moreau : Pour les fonctionnalités, la première nouveauté est l’authentification des utilisateurs : après avoir créé un compte, ils s’authentifient et profitent des nouvelles fonctionnalités. La principale est de concevoir et de saisir géométriquement et sémantiquement (c'est-à-dire en remplissant les attributs associés comme la filière de production énergétique) des zones d’accélération, d’importer des zones préalablement saisies (notamment sur la version bêta), et surtout de retrouver et de suivre l’avancement des zones d’accélération de la commune. Second objectif, la simplicité d’utilisation : l’ergonomie du portail a été revisitée, et elle est conforme avec le design système de l’État.

 

 

Ce portail permet-il de gérer les processus d’avis et d’approbation des zones d’accélération ?

Terry Moreau : Oui, les élus ont la possibilité de demander aux acteurs locaux de la planification énergétique (comme les établissements publics de coopération intercommunale, les directions départementales des territoires, les Dreal [Ndlr : directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement], les gestionnaires d’espaces protégés…) des avis sur une zone en particulier. C’est bien la commune qui a la main sur la gestion de ce mode « avis » et elle peut ensuite proposer ses zones d’accélération au référent préfectoral via le portail. Une fois arrêtée, la zone intégrera la base nationale des zones d’accélération, qui a vocation à être disponible au grand public.

 

Un portail cartographique des ENR 

Les communes ont l’initiative de leur planification des ENR… et pour leur permettre d’agir de façon éclairée et en toute connaissance de cause, le législateur a demandé à l’État de mettre à leur disposition toutes les données nécessaires : c’est le portail cartographique français des ENR. Trois jours après la publication de la loi, la ministre Agnès Pannier-Runacher confiait à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et au Cerema la mission de créer le portail, avec l’appui de la DGEC.

 

Aussi, le portail a été conçu dans l’optique de pouvoir s’adapter à cette grande variété de situations:
  • il peut être utilisé en toute autonomie et sans compétence SIG, allant de la prise de connaissance des potentiels du territoire en passant par les enjeux environnementaux et la situation des réseaux, jusqu’au tracé des propositions des zones d’accélération;
  • des données locales peuvent y être importées pour être croisées avec les autres données ou même en alternative à des données élaborées au plan national et qui seraient moins précises; 
  • à l’inverse, les données du portail, dont certaines étaient inédites jusqu’alors, sont en open data et peuvent être téléchargées pour s’intégrer dans les SIG des collectivités.

Une toute première version du "portail ENR" a été mise en ligne dès le 10 mai 2023, deux mois après la publication de la loi Aper. Bien que publiée en version "bêta", elle s’est voulue d’emblée opérationnelle et utilisable en autonomie quelle que soit l’échelle de la collectivité. Il est régulièrement enrichi de nouvelles fonctionnalités.

Elle comporte à la fois : 

  • de nouvelles fonctionnalités techniques de gestion des couches de données, avec une interface entièrement revue ;
  • les outils de saisie et d’import/export des zones d’accélération, y compris des attributs ;
  • une gestion intégrée du processus administratif des ZAER ; proposition des zones d’accélération auprès du référent préfectoral, demandes d’avis, notamment à l’EPCI.

La nouvelle version du portail permet de saisir les attributs descripteurs de chaque zone d’accélération, comme un focus sur le champ "filière énergétique".

Sur la base des travaux d’un groupe de travail réuni par l’IGN et le Cerema et associant des collectivités, leurs fédérations et des opérateurs, un gabarit ainsi que des attributs types ont été définis pour les zones d'accélération et publiés sur le site du portail. Pour ceux qui choisissent de concevoir les zones d’accélération dans leur propre outil SIG, les saisir en respectant ce gabarit standard permet de les importer dans le portail national pour poursuivre leur instruction au plan communal. 

Du côté des données, le portail propose des informations cartographiques totalement nouvelles au plan national, comme la couche "clé en main" pour l’éolien terrestre construite par l’IGN à partir des analyses établies par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), et désormais disponible également en outre-mer. Il propose encore une cartographie simplifiée des potentiels solaires des 48 millions de bâtiments en France produite par le Cerema, ou les données sur le potentiel de développement des réseaux de chaleur. 

Le portail s’est enrichi de nouvelles données tout au long de l’année, en collaborant avec les grands producteurs de données énergétiques : agence ORE, la plateforme ODRE (Open data réseaux énergies), RTE (Réseau de transport de l’électricité), Enedis, GRTgaz, BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières), OFB (Office français de la biodiversité), France chaleur urbaine, mission connaissance du Commissariat général au développement durable (CGDD), etc... 

Le portail s’est également mis au service des collectivités en proposant la mise en visibilité de leurs propres cadastres solaires dans une couche dite "couche nationale des cadastres solaires en toitures locaux". Les environnements techniques de travail sont très différents entre de petites communes sans moyens techniques ni personnel compétent à ceux de métropoles aguerries dans les systèmes d’information géographiques (SIG).

 

>>Portail ENR

Ce portail, c’est :
  • un outil pour concevoir et renseigner ses zones d’accélération, pour en assurer le processus administratif ;
  • une communauté d’entraide "entre pairs" ;
  • des données statistiques de consommation et de production d’énergie, pour chaque filière et par communes. 

EnRezo, pour développer les réseaux de chaleur et de froid 

Lancé en avril 2023, EnRezo associe l’ensemble des acteurs impliqués dans le développement des réseaux de chaleur et de froid (représentants des filières d’énergies renouvelables (ENR) et de récupération, bureaux d’études, collectivités et entreprises). Ce service vise à cartographier au niveau national les potentiels de développement des réseaux de chaleur et de froid en croisant les besoins, les réseaux existants et les gisements d’ENR et de récupération

Il a pour principal objectif d’accompagner les collectivités dans leur stratégie de développement de la chaleur et du froid renouvelables, et s’adresse aussi aux bureaux d’études, aux services de l’État, aux observatoires de l’énergie ou tout propriétaire ou usager d’un site ayant une consommation ou un potentiel de valorisation de chaleur et de froid. 

Partout en France, le projet EnRezo du Cerema facilite la réalisation des études d’opportunité, des schémas directeurs et permet d’engager plus rapidement des études de faisabilité sur les secteurs identifiés par les acteurs locaux. Ces possibilités techniques, amenant à une décision politique plus rapide, participent à l’objectif de massification des réseaux de chaleur et de froid et de décarbonation du secteur de la chaleur en France. 

 

>>Plateforme EnRezo

 

Un écosystème d’outils et d’accompagnement 

Parce qu’il ne suffit pas de mettre à disposition des données pour atteindre l’objectif, c’est tout un dispositif d’ensemble qui est mobilisé pour réussir cette étape cruciale de planification. Le volet accompagnement se décline à tous les niveaux : 

 

Le portail se décline aussi localement, avec la mobilisation du réseau des générateurs de l’Ademe, des directions territoriales du Cerema et les conseillers territoriaux d’Enedis. Il a également l’appui des EPCI et de toute l’ingénierie locale : syndicats d’énergie, agences locales et, bien entendu, de l’ingénierie privée.

 

Le portail a également été conçu comme partie intégrante de tout l’écosystème des outils et données existants dans le vaste domaine des ENR

Si le portail en lui-même est totalement "autoportant" et permet de conduire de bout en bout la démarche de conception et de gestion des ZAER, il n’en demeure pas moins que pour des approches plus approfondies, on peut recourir à des outils dédiés spécifiques. 

 

Ainsi, par exemple, pour une approche fine des protections patrimoniales, on pourra consulter l’atlas des patrimoines du ministère de la Culture ; pour le détail des différentes technologies de géothermies, on pourra aller sur le site Geothermies opéré par le BRGM ; en matière de réseaux de chaleur de froid, le service EnRezo, etc. Il existe aussi des outils complémentaires, par exemple la feuille de calcul développée par l’Association des maires ruraux de France, qui permet de construire une perspective sur des trajectoires chiffrées.

Des données, des outils, des guides, un portail national, oui. Mais, actuellement, on assiste surtout à une réelle et inédite dynamique collective autour de la planification des ENR. Nombre de collectivités sont d’ores et déjà en train de concerter sur leurs projets de zones d’accélération, d’autres s’y préparent, les écosystèmes locaux de l’ingénierie, publique comme privée, sont sur le front. Jusqu’à 2 500 visiteurs viennent chaque jour sur le site du portail national des ENR. Cette dynamique nous oblige, et elle a de quoi motiver tous ceux qui œuvrent pour davantage d’ENR dans notre pays.

 

Par Myriam Lorcet, responsable d’opération "énergies renouvelables terrestres", Didier Soulage, chargé de mission climat et responsable du secteur d’activité "énergies renouvelables", et Luc Petitpain, chef de projet réseaux de chaleurs et de froid au Cerema en région Provence-Alpes-Côte d’Azur dans un premier temps, prochainement ouvert sur la France entière.