Cet article fait partie du dossier : Le Cerema accompagne les territoires de montagne dans leurs transitions, en intégrant leurs spécificités et leur diversité
Voir les 34 actualités liées à ce dossierEn France, le tourisme, c’est plus de 7 % du PIB national, et une activité essentielle pour les zones de montagne comme l'a rappelé Atout France. Pour ces territoires, la mobilité sur le lieu de séjour est un enjeu à double titre : il s’agit de permettre à l’accès aux espaces touristiques modestes comme aux sites plus emblématiques et, dans le même temps, de préserver certains espaces menacés par la surfréquentation, tant du point de vue environnemental que pour l’expérience touristique des visiteurs, et dégradés par l’affluence ou la gestion des accès. C’est cette double dimension que ce webinaire aborde.
Au-delà des expériences particulières, trois points clés traversent les différentes présentations et semblent être des repères dans la mise en place d’une mobilité touristique durable.
Penser la mobilité comme un service
Les services de mobilité alternative à la voiture individuelle sont nombreux (transport collectif, location de vélo, covoiturage…) et doivent se penser sous forme de bouquet, d’éventail de possibilités coordonnées avec les équipements et les aménagements du territoire.
Mais les inscrire dans une approche de mobilité touristique durable nécessite de les penser comme des services, à la fois pour les touristes et les habitants à l’année. Dans la communauté de communes Montagnes du Giffre, les navettes (permettant l’emport de vélo) servent à la fois les touristes, mais aussi les habitants, permettant par exemple l’accès aux espaces de baignade pour les jeunes du territoire. Florence Girault montre également qu’à Luitré-Dompierre, une aire de mobilité fonctionne à la fois comme un service aux habitants, avec un service de location de vélo, un espace covoiturage, 2 véhicules électriques en autopartage et comme un espace touristique avec une aire dédiée aux camping-cars. Ces touristes peuvent ainsi bénéficier des services de mobilité proposés aux habitants, ainsi qu’à d’autres services installés sur cette aire mais gérés par les commerçants du centre-bourg, facilitant ainsi le lien entre les touristes et les commerçants.
L’objectif de combiner les services se retrouve dans la volonté de ne pas faire de la mobilité un service à part, mais de l’inscrire dans une offre globale destinée aux touristes. Ainsi, les Offices de Tourisme peuvent devenir des maisons de la mobilité, comme c’est le cas à Annemasse. De même, dans la communauté de communes Pyrénées Haut-Garonnaises, le temps de déplacement avec la navette électrique se fait en présence d’un médiateur de l’office de tourisme, à même d’informer et de conseiller les randonneurs.
Plus encore, on peut penser le déplacement alternatif à la voiture individuelle comme une activité touristique à part entière : c’est le cas lorsqu’il s’agit de restreindre voire d’interdire l’accès à certains sites en voiture, et de faire de ce trajet d’approche à pied ou en vélo une véritable expérience touristique. C’est ce qu’a fait le grand site du Canigò évoqué par Sandrine Rousic. Les études menées en Montagnes du Giffre montrent d’ailleurs que 70 % des touristes pratiquent la balade à pied à faible dénivelé, correspondant bien à l’accès à certains sites.
Organiser
Les expériences présentées ont permis de mettre en avant l’importance de l’organisation, à tous les niveaux :
Organisation de la gouvernance :
Avec une compétence mobilité relevant parfois des communautés de communes, parfois des Régions, une compétence tourisme dans laquelle Région, Département, EPCI et communes ont leur place et une compétence voirie pouvant également être répartie entre différents acteurs, la question de la gouvernance est essentielle. La communauté de communes Montagnes du Giffre, bien que non-compétente en matière de mobilité, dispose d’une convention cadre avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de conventions ad hoc. Elle a mis en place une commission au sein de l’EPCI, a désigné une vice-présidence dédiée et rassemble, dans une dynamique de coopération, les acteurs économiques, touristiques, les opérateurs de transport, les offices de tourisme ou les associations d’habitants.
Le même souci d’organisation se retrouve dans la communauté de communes Pyrénées Haut-Garonnaises : convention entre la région (AOM locale) et la communauté de communes, implication de l’office de tourisme comme acteur de cette mobilité, articulation avec la SNCF et le service de transport régional (LIO). Cette gouvernance peut être imaginée site par site, comme c’est le cas dans le PNR du Mont-Ventoux, pour s’adapter aux particularités de chaque site : sur les gorges de Toulourenc, un comité de suivi et de gestion a été créé, réunissant, outre le PNR, l’État (sous-préfectures, DREAL, DDT), la Région, 2 Départements, les EPCI, les communes, les offices de tourisme, la gendarmerie, la fédération de pêche, le syndicat de rivière...
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Organisation de la connaissance :
Pour bien agir, il faut bien connaître les pratiques et les besoins. Tant dans les montagnes du Giffre que les Pyrénées Haut-Garonnaises, la connaissance des pratiques et de l’utilisation de services proposés a permis une adaptation fine aux besoins. Ainsi, en connaissant les activités des vacanciers, il a été possible de proposer des services vers les sites plébiscités à des horaires adaptés.
Dans le PNR du Mont-Ventoux, le suivi de la fréquentation s’accompagne aussi d’un suivi des impacts sur l’environnement, et va s’inscrire dans l’étude de mobilité à l’échelle du massif de la Communauté d’Agglomération de Carpentras.
Organiser les déplacements :
Celle-ci passe par la mise en place d’une mobilité plus durable et décarbonée, comme le font les Pyrénées Haut-Garonnaise avec des navettes électriques. Cela passe aussi par leur restriction, par exemple via une réservation, comme c’est le cas dans le parc national des Calanques, ou en limitant drastiquement les possibilités de stationnement.
Cette organisation nécessite la mise en place d’équipements, permettant de limiter l’emprise de la voiture à des zones spécifiques, et de protéger les espaces sensibles de la surfréquentation comme dans le PNR du Mont-Ventoux. Cela peut également permettre de séparer les flux et d’augmenter la place des cyclistes et piétons. Toutes ces opérations, visant à limiter la place des voitures mais aussi la fréquentation générale d’un site, permettent d’améliorer l’expérience visiteur et de restreindre l’impact sur les milieux naturels.
Communiquer
Florence Girault et Sandrine Rousic ont rappelé que la dimension "communication" est essentielle. On la retrouve dans chacun des projets évoqués :
Il s’agit d’abord d’informer en temps réel sur l’affluence et le taux de remplissage des espaces de stationnement du site, comme c’est le cas au Mont-Ventoux avec une application spécifique.
Au-delà de la diffusion de l’information, la communication sur le service doit être ciblée, pensée en fonction du public visé. Ainsi, les fiches horaires des navettes des Montagnes du Giffre ont été pensés comme des fiches d’information de transports urbains, afin de faciliter leur appropriation par les vacanciers.
Au-delà du service de déplacement, la communication peut se déployer durant le service. C’est ce que proposent les Pyrénées Haut-Garonnaises et l’office du tourisme 31 dans leurs navettes électriques, avec la présence d’un médiateur, chargé de sensibiliser à l’environnement des sites, à la sécurité des randonneurs, etc.
Communiquer, c’est enfin orienter vers d’autres sites que les plus emblématiques, pour limiter la surfréquentation (et la dégradation des sites qui l’accompagne) et diffuser le tourisme sur toutes les parties du territoire.
Ce webinaire a également permis de rappeler que la mobilité n’est pas une question annexe, mais une problématique centrale du tourisme, avec des impacts forts sur l’environnement, sur la qualité de l’expérience touristique mais aussi sur celle des habitants. Elle doit se situer au cœur des projets touristiques, de leur conception à leur gestion quotidienne.
Le replay :
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