
Le Service de Prévision des Crues (SPC) Garonne-Tarn-Lot, chargé de la prévision des crues sur le bassin du Gers, et le Cerema, collaborent depuis de nombreuses années pour améliorer la prévision des crues dans la région. Cette étude s’inscrit dans la continuité de travaux précédents, et vise à construire un nouveau modèle robuste de propagation des crues entre deux stations de mesure, en raison de nombreuses incohérences et difficultés de prévision relevées par le SPC.
Une modélisation 2D pour estimer les apports d’eau lors de crues

Le Gers est surveillé par le réseau Vigicrues et compte 5 stations hydrométriques de mesure de hauteur d’eau entre Auch, à l’amont, et Agen avant la confluence avec la Garonne. La prévision des propagations de crues entre les stations de Fleurance (amont) et Lectoure est difficile à réaliser, en raison des effets de laminage [1] entre les deux villes. La zone modélisée couvre une surface de 160 km², dans laquelle le cours d’eau est canalisé dans un étroit chenal de 5 à 10 m de large, pour un lit majeur de 500 à 1000 m, constituant ainsi une vaste plaine d’inondation permettant d’atténuer la propagation des crues par laminage.
Plusieurs méthodes ont été déployées pour améliorer la prévision : techniques empiriques, modélisation simplifiée unidimensionnelle (1D), puis une première modélisation hydraulique bidimensionnelle (2D) classique par le Cerema en 2023.
La présente étude de modélisation comprend :
- La construction d’un maillage sur la totalité du bassin versant du Gers entre les stations de Fleurance et Lectoure ;
- Une modélisation hydrologique et hydraulique à l’aide du logiciel Telemac 2D avec injection de pluie sur l’ensemble du modèle, couplé à un apport de débit à l’amont du Gers (au niveau de la station de Fleurance) ;
- Un calage du modèle sur 9 crues débordantes récentes mesurées sur le secteur.
Méthode de construction du modèle hydraulique et hydrologique

Un maillage 2D a été réalisé pour l’ensemble du secteur, avec 300 000 nœuds de calcul. Les dimensions des mailles sont :
- 3 m en lit mineur du Gers ;
- 20 m dans le lit majeur ;
- 50 m maximum dans le reste du domaine modélisé.
Le Modèle Numérique de Terrain (MNT) utilisé a été construit à partir de données topographiques aériennes de type Lidar de l’IGN, combinées à des levés terrestres dans les fonds de cours d’eau.
Le calage du modèle hydraulique consiste à définir la valeur du coefficient de frottement du fond (coefficient de Strickler) en fonction de la nature du sol et des freins à l’écoulement de l’eau. Celui-ci varie de 30 en lit mineur à 10 en lit majeur.
L’outil Telemac 2D a permis de réaliser une modélisation hydrologique pluie/débit avec une fonction de production de type SCS (Soil Conservation Service du département de l’agriculture des Etats-Unis : USDA).
Le calage du modèle hydrologique est réalisé essentiellement sur le coefficient "Curve Number" (CN). Celui-ci permet de convertir une pluie "brute" (précipitations sur le bassin) en pluie nette (par des précipitations qui ruissellent), en fonction de la nature du sol en surface comme en profondeur. Ce paramètre a été également ajusté à l’aide d’un coefficient d’humidité du sol (AMC), permettant de différencier un sol sec, humide ou normal.
Les résultats montrent que la modélisation permet de simuler les apports en débit des bassins versants intermédiaires. Elle représente bien les pics de crue, aussi bien en termes d’intensité que de dynamique, avec des marges de progrès néanmoins sur la reproduction des phases de montée et décrue.
Bilan de l’étude
Le modèle hydrologique et hydraulique construit permet de simuler les apports intermédiaires sur le tronçon Fleurance / Lectoure et ainsi de fiabiliser les prévisions, et l’interprétation des mesures de débits sur les deux stations hydrométriques.
Le coefficient CN du modèle hydrologique SCS est l’élément principal de calage pour modéliser différentes gammes de crues. Il semble varier de 70 (équivalent à 80 en condition sèche) à 100 sur les crues étudiées. Il pourrait même prendre des valeurs inférieures sur des crues estivales.
Dans une optique d’utilisation du modèle développé en phase opérationnelle (prévision en temps réel), il pourrait être intéressant d’effectuer une corrélation entre les valeurs du CN et le paramètre d’humidité des sols produit par Météo France.
Après une phase de prise en main du modèle par le SPC, l’objectif pour ce dernier sera de généraliser ce type de modélisations hydrologique et hydraulique très prometteuses sur d’autres cours d’eau de leurs territoires présentant les mêmes caractéristiques (par exemple sur l’Osse).
[1] Amortissement d'une crue avec diminution de son débit de pointe et étalement de son débit dans le temps, par effet de stockage et de déstockage dans un réservoir (source Géorisques).