L’exigence de décarbonation des mobilités confère aujourd’hui une ambition renouvelée aux pôles d’échanges. Leviers de l’intermodalité, ils permettent de faciliter le report vers des modes moins émissifs que l’automobile. Ils permettent aussi aux populations des territoires moins denses d’accéder à d’autres solutions de mobilité pour leurs déplacements.
L’ENJEU DE DÉCARBONATION DES MOBILITÉS : DE NOUVELLES AMBITIONS ET DE NOUVEAUX DÉFIS POUR LES PÔLES D’ÉCHANGES
Pôles ou aires de mobilité dans les secteurs périurbains ou ruraux, pôles-gares des grandes agglomérations ou des villes moyennes, pôles d’échanges organisés autour d’aires de covoiturage ou de petites gares, stations multimodales sur autoroutes, les figures des pôles d’échanges se sont considérablement diversifiées en l’espace de deux décennies.
Malgré cette diversité, et parce qu’ils organisent des services de mobilité portés par de multiples acteurs, les pôles d’échanges ont pour caractéristique commune d’être des objets dont la gouvernance est complexe. Certains sujets requièrent également une attention forte : la cohérence de l’aménagement et sa lisibilité pour l’usager, la qualité de la conception, du confort et de l’information, l’insertion urbaine du pôle ou encore la gestion, l’entretien et la maintenance des équipements. À ces préoccupations récurrentes s’ajoutent aujourd’hui de nouveaux défis :
- Défis environnementaux, autour de la présence du végétal, de la gestion du cycle de l’eau ou de la lutte contre les phénomènes d’îlots de chaleur ;
- Défis énergétiques, autour de la maîtrise des consommations mais également de la nécessité de prévoir des modalités d’alimentation et de production électrique ;
- Défis territoriaux, qui renvoient d’une part aux mobilités alternatives qu’il faut pouvoir offrir dans des territoires moins denses, où l’automobile reste jusqu’à présent prédominante, et d’autre part à la manière dont le pôle est relié au territoire environnant ;
- Défis en termes de sobriété également, qu’il s’agisse de sobriété foncière ou de sobriété carbone des matériaux ou des choix d’aménagement ;
- Les pôles d’échanges mettent enfin au défi notre capacité d’anticipation des pratiques de mobilité des usagers et de leurs attentes futures, notamment en matière de services.
L’intervention de la communauté de communes de la Plaine de l’Ain a illustré la manière dont un projet de pôle d’échanges en ville moyenne implique de proposer des réponses adaptées à ces défis. Le réaménagement complet du pôle gare d’Ambérieu-en-Bugey a notamment conduit à repenser l’organisation du stationnement automobile. La stratégie choisie a été d’aménager plusieurs espaces de stationnement, dont un parking gratuit qui sera réservé aux usagers du TER venus prendre leur train en covoiturage, et de réglementer le stationnement sur voirie aux abords du pôle. Par ailleurs, réemploi et approvisionnement local pour les matériaux, mobilisation des friches, modularité et évolutivité des structures, conservation des arbres existants et gestion des eaux pluviales sont des ingrédients constitutifs de ce projet qui sera terminé en 2026.
Le Cerema et la communauté de communes du Grand Autunois Morvan ont rappelé qu’il n’est pas toujours simple pour les collectivités d’impulser une démarche d’aménagement de leurs pôles d’échanges. Comment ces lieux souvent méconnus fonctionnent-ils au quotidien ? Comment remettre au centre des préoccupations ces secteurs longtemps délaissés par les politiques locales ? Que faut-il améliorer ? Quels partenaires mobiliser et comment ?
Une démarche exploratoire menée par le Cerema en 2022-2023, en partenariat avec quatre collectivités, a permis de conduire des diagnostics-flash de quatre pôles d’échanges à Autun, Bonson, Sérézin-du-Rhône et Entrelacs. Ces quatre expériences ont permis de renouveler le regard que les acteurs locaux portaient sur ces lieux et de jeter les bases d’une gouvernance jusqu’alors inexistante. Dans le cas d’Autun, la démarche a permis de faire un pas de côté en considérant que le site de la gare, même privé de dessertes ferroviaires depuis 2020, restait un lieu fortement investi et porteur d’enjeux de premier plan pour l’organisation des mobilités sur le territoire intercommunal.
DES PÔLES PÉRIPHÉRIQUES INSCRITS DANS UNE STRATÉGIE GLOBALE ET MULTIMODALE D’ORGANISATION DES MOBILITÉS
Les présentations du Grand Besançon et du Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG) ont toutes deux permis d’aborder les pôles d’échanges des secteurs périphériques. Sur le territoire de la communauté de communes du Grésivaudan, le SMMAG aménage des pôles d’échanges ayant vocation à organiser le rabattement sur les lignes de transport structurantes. Celui de la Bâtie, situé à proximité de l’autoroute A41, regroupe un parc de stationnement, une consigne et des arceaux à vélo, des arrêts de covoiturage et des arrêts de cars express localisés sur les bretelles d’accès. L’aménagement de liaisons cyclables et piétonnes pour relier les polarités a fait l’objet d’une attention particulière et a nécessité la pose d’une passerelle dédiée aux modes actifs au-dessus de l’autoroute.
Le Grand Besançon a également évoqué les nouveaux principes d’aménagement des "pôles de mobilité" périphériques. Le projet de pôle d’échanges en gare de Saône, à l’est de Besançon, vise à structurer les différents services de mobilité sur le site de la gare en améliorant les connexions cyclables et piétonnes aux tissus environnants. L’aménagement des espaces publics s’accompagne d’une réflexion sur les aspects environnementaux qui conduit à privilégier des surfaces désimperméabilisées ainsi qu’une certaine sobriété dans le choix des matériaux, au profit du végétal.
Les démarches de ces deux autorités organisatrices s’inscrivent dans des réflexions stratégiques plus larges. Le SMMAG élabore ainsi un schéma directeur des parcs-relais dont l’objectif est d’adapter les capacités de rabattement sur les lignes fortes aux objectifs de report modal. Le Grand Besançon propose, dans son plan de mobilité en cours de finalisation, une vision hiérarchisée et partagée des pôles d’échanges de son territoire, qui s’inscrit dans l’armature territoriale du SCoT et répond au besoin d’offrir des solutions de report modal et des alternatives à l’automobile dans les différentes polarités.
DES EXIGENCES FORTES EN MATIÈRE D’ÉCOCONCEPTION
Pour Gares & Connexions, les nouveaux défis environnementaux conduisent à repenser profondément les modalités de conception des pôles gares et à faire évoluer les savoir-faire en la matière. Les services de maîtrise d’œuvre de la filiale dédiée aux gares utilisent aujourd’hui par exemple une grille d’analyse des projets permettant de répondre à des critères couvrant cinq grands domaines (énergie, matière, carbone, climat, biodiversité). Des méthodes simplifiées d’estimation des bilans carbone des projets permettent également d’éclairer différentes options. L’écoconception des pôles gares implique aujourd’hui notamment d’intégrer ces enjeux environnementaux en équipes transversales et ce dès les premières réflexions sur les programmes.
LES COLLECTIVITÉS FACE À DE NOUVEAUX ARBITRAGES
Ce webinaire a permis de riches échanges entre les intervenants et le public. Mariane Thébert, chargée de recherche au laboratoire ville-mobilité-transport (LVMT), a conclu ces échanges en rappelant à quel point l’aménagement des pôles d’échanges implique une tension entre une logique de réseau et une logique de territoire. Faut-il privilégier un réseau performant, un modèle de mobilité basé sur la vitesse, ou au contraire rechercher au travers des pôles d’échanges une logique de maillage, plus lente mais aussi plus propice au développement de la vie locale ? Faut-il uniquement penser les pôles d’échanges périphériques au prisme de l’accessibilité intermodale aux centralités métropolitaines, ou bien privilégier d’autres interrelations, notamment entre territoires périphériques ? Territoires et mobilités se nourrissent et se produisent mutuellement : l’aménagement des pôles d’échanges implique ainsi de faire des arbitrages quant au modèle territorial que l’on souhaite faire advenir.
Le replay :