Cet article fait partie du dossier : Sols et Aménagement
Voir les 13 actualités liées à ce dossierDepuis des décennies, nos villes s’étendent afin de répondre à de nombreux besoins sociaux et économiques (demandes de logements, de transports, d’activités, de parkings, …). Cet étalement urbain engendre inévitablement une artificialisation pouvant conduire à une imperméabilisation des sols qui n’est pas sans conséquence sur notre vie et notre environnement : consommation des espaces naturels et agricoles, érosion de la biodiversité, augmentation des risques d’inondation, effets d’îlots de chaleur urbains...
Dans un contexte de changement climatique et de forte demande sociale et environnementale pour plus de nature en ville, la préservation des sols, associée à la renaturation ou la re-fonctionnalisation des sols, contribuent à limiter ces phénomènes.
C’est dans ce cadre que la DRIEAT a missionné le Cerema Ile-de-France pour développer une méthodologie d’identification du potentiel de renaturation à l'échelle de l’unité urbaine parisienne[1] (livrable 1) et de l'EPCI de vallée Sud Grand Paris (livrable 2) contribuant à établir une stratégie opérationnelle de résilience et d’adaptation au changement climatique de ses territoires.
En complément, une étude portant sur des références de projets de renaturation, les outils et acteurs techniques et financiers mobilisables ainsi que des éléments de coûts pour engager ou inciter à un projet de renaturation a été réalisée (livrable 3).
Qu'est-ce que la renaturation ? Une notion en lien direct avec les sols et leurs fonctions
Les sols constituent la base physique et fonctionnelle des milieux terrestres, qu’ils soient naturels ou aménagés par l’homme. Leurs fonctions écologiques, en particulier celles associées aux services écosystémiques de régulation, d’approvisionnement et de support de biodiversité, sont à l’origine des services ou bienfaits directs ou indirects qu’en retirent les sociétés humaines.
Pourtant, les sols sont soumis à de nombreuses pressions anthropiques telles que l’imperméabilisation, la pollution, l’érosion, le tassement, etc… qui viennent altérer voire supprimer certaines de leurs fonctions et services rendus. Les conséquences de cette artificialisation sont de plus exacerbées par le changement climatique. De fait, un enjeu majeur de préservation des sols et de maîtrise de l’artificialisation en résulte.
Il y a encore peu de temps, l’artificialisation des sols était définie comme un changement d’état effectif d’une surface agricole, forestière ou naturelle vers des surfaces artificialisées. Sous l’impulsion du plan biodiversité de 2018 et l’introduction de l’objectif du Zéro Artificialisation Nette, la loi "Climat et Résilience" du 22 août 2021 définit dorénavant l’artificialisation comme :
"l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage".
Cette définition permet d’intégrer, au-delà de la sobriété foncière, la qualité des sols vue au travers de leurs fonctions écologiques. En outre, le texte de loi précise que « la renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé ». L’objectif n’est donc pas de recréer un sol naturel mais bien de répondre à des enjeux territoriaux.
Une méthode cartographique qui hiérarchise les espaces artificialisés à renaturer en priorité
La méthode repose sur le croisement des 3 volets suivants :
- Un volet "Qualité des sols" qui permet d’identifier les sols en capacité "potentielle" de remplir tout ou partie des fonctions exercées par un sol naturel. Ainsi, les sols à forte capacité à fonctionner constituent des sols à préserver en milieu urbain tandis que ceux qui ont une capacité moyenne ou nulle constituent ceux à renaturer en priorité. Dans cette méthode, la qualité d’un sol artificialisé se base sur des classes d’épaisseur de sol approchées à partir du type de végétation mis en place lors de l’aménagement ;
- Un volet "Enjeux" qui vise à hiérarchiser les espaces qui cumulent le plus d’enjeux liés notamment aux phénomènes d’inondation, d’îlots de chaleur urbains, de perte de la biodiversité, de carence en espaces verts ou encore d’érosion des espaces agricoles péri-urbains ;
- Un volet "Mutabilité des espaces" qui permet de caractériser les espaces en fonction de leur degré de mutabilité : zonage du PLU en vigueur, nombre et type de propriétaires concernés et coefficient d’occupation des sols (COS). En complément, une caractérisation des espaces en fonction de leur vacance et de leur superficie est proposée afin d’identifier les espaces de type "friches", susceptibles de muter plus facilement.
Les principaux résultats
La carte ci-dessous établie à partir des critères précédents et des données disponibles à l’échelle d’une partie de l’unité urbaine parisienne, illustre les espaces à renaturer en priorité rapportés à des carreaux de 200m de côté de l’INSEE afin de permettre le croisement des différents volets.
Cette carte identifie un potentiel de renaturation à investiguer à une échelle plus fine en lien avec les territoires concernés. Elle montre que les potentiels majeurs de renaturation sont offerts, avec les critères retenus, par de grandes zones logistiques, des zones d’activités, des zones de carrières, des linéaires d'infrastructures routières et ferrées, des zones aéroportuaires et portuaires et les berges de fleuve de l’unité urbaine parisienne.
La carte ci-dessous, établie sur les critères précédents mais adaptés au contexte territorial en terme d’enjeux et de mutabilité, a permis d’aboutir à l’identification d’espaces à renaturer en priorité au sein des espaces artificialisés de Vallée Sud Grand Paris en prenant en compte la multifonctionnalité potentielle des espaces, les enjeux auxquels ces espaces sont confrontés en pondérant les plus prégnants et leur mutabilité.
Les zones identifiées correspondent globalement à des espaces de type stades et gymnases, à des établissements d’enseignement ou de santé, à des parcs et jardins peu arborés ou encore à des parkings de grande superficie de zones commerciales ou d’établissements publics.
La méthode, utilisant des données plus fines qu’à l’échelle de l’unité urbaine parisienne, a permis d’identifier des zones plus précises (carreaux de 100m de côté) à renaturer qui restent un potentiel théorique et qui devront être confrontées aux réalités du terrain.
Conclusion et perspectives
Cette méthode permet d’identifier les espaces à renaturer en priorité au sein des espaces artificialisés du milieu urbain en prenant en compte la qualité des sols, les enjeux auxquels ils sont exposés et leur degré de mutabilité foncière. Cette méthode a la particularité de combiner des critères fonciers et environnementaux. En parallèle, au-delà du développement méthodologique et cartographique, un travail essentiel de sensibilisation sur les sols (vocabulaire, enjeux, fonctions écologiques/services rendus…) est à mener auprès des collectivités qui souhaitent se lancer dans ce type de démarche afin de leur permettre d’appréhender les sols en tant que ressource et non plus comme simple support d’activités.
La méthode est applicable à large échelle (unité urbaine parisienne et intercommunalité et cible donc un potentiel théorique qui devra être confirmé ou infirmé à un niveau territorial plus fin par les acteurs locaux eux-mêmes sur la base de la connaissance de leur territoire, de leurs enjeux ou encore de leurs projets.
La renaturation des sols ou la re-fonctionnalisation des sols, qu’elle soit en lien avec la désimperméabilisation, la végétalisation ou encore la reconstitution ou reconstruction de sols, est de plus en plus mise en œuvre dans les territoires.
Pour les porteurs de projets souhaitant se lancer dans une démarche de renaturation, des outils et ressources pédagogiques existent aujourd’hui pour les aider à entreprendre ces démarches. Les coûts associés dépendent fortement des sols en place (pollution, bâtiments, déchets...) et nécessitent le plus souvent un diagnostic de qualité des sols afin de s’assurer de la compatibilité entre qualité des sols et usages envisagés.
Toutefois, de nombreux financeurs à travers des dispositifs de subventions, d’appels à projet, d’appels à manifestation d’intérêt, d’accompagnement technique, ainsi que des outils parfois réglementaires et principalement présents dans les PLU communaux ou intercommunaux peuvent favoriser la mise en œuvre de telles actions.
[1] Unité urbaine (INSEE) : La notion d'unité urbaine repose sur la continuité du bâti et le nombre d'habitants. On appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continue (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.
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