19 août 2022
Végétation du massif des Maures dans le Var, forêt Méditerranéenne
Laurent Mignaux TERRA
Le projet de recherche transnational Alptrees, lancé en novembre 2019 dans le cadre du programme Interreg Alpine Space pour identifier des solutions de gestion durable des arbres non-indigènes dans les Alpes, a pris fin le 30 juin 2022. Le Cerema a notamment contribué à définir une cartographie des zones à enjeux en termes de services écosystémiques forestiers.

logo du projet alptreesLe projet Alptrees s’inscrit dans le contexte de l’adaptation de l’espace alpin au changement climatique, en s’intéressant aux services écosystémiques rendus par les espèces d’arbres non indigènes, introduites afin de favoriser l’adaptation des forêts, des zones urbaines et péri-urbaines au changement climatique. 

 

Accompagner l’adaptation de la forêt alpine

Différentes pressions s’exercent sur l’espace alpin, où on observe une augmentation moyenne de la température de 2°C depuis 1950, ce qui entraîne un déficit hydrique, de nouveaux parasites, et impacte les arbres des forêts et de l’espace urbain. On sait également que les forêts ne peuvent pas s’adapter aussi rapidement que les changements climatiques interviennent.

Ce projet a réuni 14 partenaires italiens, français, allemands, slovènes et autrichiens, et porte sur un espace alpin comprenant 42,5% de forêts.

Carte qui montre les zones de foret feuillues, conifères et mixtes

Au niveau européen le projet Alptrees s’inscrit dans la stratégie européenne pour la région alpine. Dans le cadre des régions test à intégrer dans le projet Alptrees, le Cerema a fait le choix d’impliquer le massif forestier des Maures et son contrat de Transition Ecologique, orienté sur la gestion durable de la forêt. La principale implication du Cerema dans le projet Alptrees s’est focalisée sur l’évaluation et la cartographie de six services écosystémiques fournis par la forêt alpine.

Le projet Alptrees avait plusieurs objectifs :

  • Créer un outil d’évaluation des risques liés aux espèces d’arbres non-indigènes, pour évaluer les risques et les bénéfices des différentes espèces dans un contexte de changement climatique.
  • Créer des cartes de risques basées sur des modèles de prévision du changement climatique
  • Transférer les connaissances acquises vers les acteurs intervenant sur la forêt et la gestion des arbres dans les zones urbaines et péri-urbaines
  • Construire une stratégie transnationale alpine pour l’implantation d’espèces d’arbres non-indigènes pouvant potentiellement devenir envahissantes.

Des recommandations ont été formulées à l’issue du projet, afin de guider l’utilisation et la gestion des arbres non indigènes dans les Alpes. Les résultats d’Alptrees ont été partagés à travers un atelier de restitution, et un site web réunit les livrables. 

Le projet a aussi été une occasion unique de renforcer les échanges et les liens entre les acteurs des pays impliqués, ce qui permettra de poursuivre le travail et la coopération.

 

Une cartographie des enjeux en termes de services écosystémiques

Intervention lors de l'atelier de restitutionLe Cerema était notamment impliqué dans l’évaluation des écosystèmes forestiers et des espaces les plus sensibles, afin de produire un outil cartographique à la résolution de 100 m, utilisable par les acteurs locaux des différents pays de l’axe alpin en tant qu’outil d’aide à la décision.

Le Cerema s’est concentré sur 6 services écosystémiques et plus particulièrement sur l’identification des zones prioritaires de services écosystémiques, appelées hotspots, où l'évaluation des services écosystémiques est la plus importante pour chacun des six services écosystémiques forestiers, en vue de garantir un approvisionnement durable en services écosystémiques pour l'Espace alpin. Les hotspots ont été identifiés par leur plus grande quantification. 

 

 

Ainsi 6 services écosystémiques ont été évalués:

  • Vue d'un flanc de montagne avec des arbres et des systèmes paravalanche, en automne
    Laurent Mignaux - TERRA
    La fourniture de bois en matériaux et énergie évaluée, le stock de bois sur pied ou bois vivant (unité : m3.ha-1) en forêt exploitable . Différents critères tels que l’accessibilité de la ressource et les caractéristiques des arbres ont été intégrés pour déterminer un taux d’exploitabilité des forêts.
  • Grâce à la photosynthèse, les forêts de l’Espace Alpin captent le dioxyde de carbone (CO2) de l'atmosphère et stockent le carbone dans la biomasse aérienne et souterraine vivante des arbres et dans la matière organique morte des sols. L’étude a montré que le sol de surface forestier retient 870 millions de tonnes de carbone, soit 52,3 tonnes / hectare, et en incluant la biomasse, environ 2,33 millions de tonnes de CO2 sont retenues, soit 140 tonnes par hectare. Une classification par type de massif forestier (conifères, feuillus ou mixte) a été réalisée.
  • La séquestration de carbone est un service de régulation du climat mondial assuré notamment par les forêts. Grâce à la photosynthèse, les forêts alpines captent du dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère et stockent le carbone dans les tissus végétaux aériens et souterrains. Le CO2 atmosphérique, dont la concentration est en augmentation, est un gaz à effet de serre important. Les forêts alpines, par leur croissance, contribuent ainsi à limiter le réchauffement climatique. La captation du CO2 par la biomasse forestière et du sol en tonnes d’équivalent CO2 par an et par hectare.
  • La protection contre les chutes de blocs rocheux. Ce travail s’est appuyé sur la cartographie du risque de chute de blocs sur les infrastructures ou les bâtiments réalisée dans le cadre du projet ROCKtheALPS qui démontrent que les forêts peuvent avoir un effet protecteur vis-à-vis de l’aléa d’éboulements rocheux et ainsi limiter le risque de chute de blocs dans les zones à enjeux. Il s’agit d’un service de régulation d’un risque naturel. Ainsi les « hotspots » forestiers de limitation de l’aléa de chute de blocs représentent 11% des forêts de l’espace alpin, soit 18 627 km².
  • Les forêts sont des écosystèmes qui fournissent par définition un habitat naturel pour les espèces. Le service écosystémique a été évalué par la surface de forêt en aire protégée. Les forêts classées et protégées représentent 33,7 % de la superficie du territoire alpin.
  • La forêt assure aux individus un espace naturel attractif pour pratiquer des activités récréatives type randonnées et balades. Il s’agit d’un service culturel que certaines forêts de l’espace alpin assurent : il est  visible à travers la fréquentation parfois importante de ces espaces. L’évaluation se fait notamment en intégrant par exemple le niveau de protection des sites, leur accessibilité, leur qualité. Les résultats montrent que 3% de l’espace alpin présente un très fort potentiel pour les loisirs, et 20% un potentiel fort.
Carte des activités de loisirs dans les Alpes

 

Une carte pour chaque indicateur a été réalisée, puis elles ont été croisées afin de faire apparaître les zones à enjeux. Il est ainsi apparu que 72% de l’espace forestier présente au moins un des six services écosystémiques étudiés.

En intégrant une liste de 63 bouquets de services ( un bouquet de service est un ensemble de services écosystémiques associés qui sont liés à un écosystème donné et qui apparaissent généralement ensemble de manière répétée dans le temps et/ou l'espace ), presque tout le territoire étudié abrite au moins l’un d’entre eux.
 

Bouquets de hotspots (cartes additionnées) avec au moins 1 service presque partout

 

Cela montre l’importance d’une gestion durable des arbres, dans les massifs forestiers ainsi que dans les espaces urbains et périurbains, afin de  bénéficier de ces services écosystémiques. L’adaptation doit être envisagée aussi bien sur le court que le long terme, à travers des travaux de recherche sur les essences d’arbres locales ou non, sur de nouveaux modèles d’exploitation forestière, ou encore par la migration assistée d’espèces d’arbres en zone forestière...

Cette cartographie a aussi permis d’identifier les zones prioritaires en termes de préservation.

La réflexion autour de l’adaptation des arbres a aussi rejoint le projet SESAME, un outil de sélection des espèces d’arbres et d’arbustes en fonction des services écosystémiques qu’ils rendent et de leur capacité à durer dans un contexte de changement climatique. Une déclinaison du projet SESAME, porté par le Cerema, est SESAME 13 mené dans les Bouches-du-Rhône en partenariat avec l’INRAE et le conseil départemental, afin de construire un outil de sélection des arbres adaptés aux villes sous climat Méditerranéen dans un contexte de changement climatique.