4 avril 2022
Centre ville de Poitiers
A. Mauric
Comment évaluer la vulnérabilité à l’inondation du territoire de Grand Poitiers et l’intégrer dans la planification de l’aménagement pour rendre le territoire plus résilient?
Pour répondre à cette question, l’étude menée par le Cerema a consisté à réaliser un diagnostic de vulnérabilité à l’inondation du territoire et identifier des actions ciblées à mettre en oeuvre pour rendre le territoire plus résilient. Une démarche spécifique à entreprendre dans le cadre de la réalisation du futur PLUi a notamment été élaborée.

Un comité de pilotage a réuni des représentants de la Communauté Urbaine de Grand Poitiers, de la Direction Départementale des Territoires de la Vienne, de l’EPTB Vienne et du Cerema, afin de capitaliser les connaissances et l'expertise, et d'approfondir les différentes étapes de l’étude pour intégrer la vulnérabilité aux inondations dans le futur PLUi du Grand Poitiers.


La réduction de la vulnérabilité à l’inondation au coeur des démarches actuelles de prévention des risques d’inondation

route barrée par inondation pres de Poitiers
Inondation dans la région de Poitiers - Thierry Degen TERRA

La réduction de la vulnérabilité à l’inondation est une préoccupation des acteurs de la prévention des risques qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Des démarches et dispositifs sont mis en place afin de mettre en mouvement les territoires comme en témoigne le concours d’idées “AMITER” Mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels, l’expérimentation “MIRAPI” Mieux reconstruire après inondations ou encore l’accompagnement de particuliers et professionnels pour la réalisation de diagnostics de la vulnérabilité de leur biens et de travaux.

Sur le périmètre du territoire de la communauté urbaine du Grand Poitiers, le besoin d’un état des lieux de la vulnérabilité globale a émergé compte-tenu des évènements d’inondations (en 1982, 1994, 1995) qui ont impacté fortement la vie locale (dommages au bâti, perturbation de l’activité économique et des réseaux de transport notamment) et qui peuvent survenir de nouveau à tout moment. Ce besoin de connaissances se trouve amplifié dans un contexte de développement et renouvellement de l’urbanisation et où les changements climatiques amènent les territoires à réfléchir et à s’adapter à des phénomènes climatiques plus fréquents et plus intenses.

Afin de mener cette étude, le Cerema s'est fondé sur le Référentiel national de vulnérabilité aux inondations qui permet de décrire explicitement la vulnérabilité d'un territoire. Il propose un cadre de référence opérationnel pour la réalisation d’un diagnostic de vulnérabilité d’un territoire basé sur le calcul d’indicateurs.


Une connaissance de la vulnérabilité à l’inondation de Grand Poitiers structurée à partir de 35 indicateurs

La réalisation du diagnostic de vulnérabilité de Grand Poitiers s’est appuyée sur le calcul de 35 indicateurs qui ont permis de dresser un état des lieux global de l’exposition et de la sensibilité des populations, des activités et des biens à l’échelle des 41 communes qui composent Grand Poitiers et de la commune Smarves. Calculés à partir du croisement de données géographiques sur les enjeux et du scénario d’inondation retenu (occurrence centennale de débordement du Clain), ils apportent une connaissance de la vulnérabilité du territoire à un instant t. La limite de cet exercice est que cette connaissance est, de fait, conditionnée par les indicateurs sélectionnés (d’après les données disponibles).

Les 35 indicateurs illustrent la vulnérabilité à l’inondation d’enjeux variés : habitants, employés, logements, équipements publics de santé et d’enseignement, réseaux et services de transport, d’énergie et d’alimentation en eau potable, bâtiments patrimoniaux et monuments historiques, dommages aux activités économiques et agricoles, terrains à urbaniser, etc.

Représentés sous forme cartographique, les indicateurs mettent en exergue les territoires communaux concernés par la problématique soulevée par l’indicateur.

 

Carte des zones en fonction du nombre d'habitants impactés


Ce diagnostic a mis en lumière des vulnérabilités majeures pour le territoire, synthétisées sous la forme des défis suivants :

  • La continuité des déplacements (à pied, en véhicule) compte-tenu de l’impact aux réseaux et services de transport : perturbation de la circulation sur les routes départementales et en secteurs urbains, des lignes de bus urbains, du fonctionnement de la gare de Poitiers ;
  • La continuité des services de distribution d’énergie, d’alimentation en eau potable, de gaz, etc. et notamment celle des télécommunications ;
  • Le retour à la normale de l’habitat et de l’activité économique après une inondation longue (5 à 10 jours) notamment à Poitiers et à Chauvigny.

Ces défis ont pu être identifiés à partir de 3 cartes de synthèse, portant chacune sur un objectif de la  stratégie nationale de gestion des risques d’inondation (SNGRI), structurant la démarche du référentiel (la sécurité des biens et des personnes, le coût des dommages, le retour à la normale).

Carte avec des camemberts pour les couts des différents types de dommages par zone

 

Pour l’ensemble de ce travail, le comité de pilotage s’est réuni à chaque étape de la réalisation du diagnostic de vulnérabilité : de la collecte des données à la présentation des cartes de synthèse en passant par le calcul des indicateurs. Les phases d’échanges ont notamment permis d’accompagner les cartographies de précisions ou points de vigilance quant à l’interprétation des résultats.

L’analyse de la vulnérabilité par l’intermédiaire du diagnostic est une première étape. Elle conditionne le choix des actions à développer pour réduire les impacts négatifs des inondations.


Un catalogue d’actions possibles pour répondre aux défis à relever

L’étude a confirmé que, malgré une vulnérabilité localisée d’habitants ou de personnes au sein d’enjeux, parfois spécifiques (crèches, écoles primaires, maison de retraite), le sujet de la sécurité des personnes ne constitue pas l’axe majeur de ce territoire. Par contre, les impacts aux habitations et aux réseaux de télécommunications, d’énergie, de transport, etc. peuvent entraîner d’importants dysfonctionnements et paralyser le territoire. C’est pourquoi la réduction de la vulnérabilité des enjeux, l’anticipation et la gestion de crise ainsi que la culture du risque constituent les principaux thèmes de travail.

Au travers d’un “catalogue d’actions possibles”, différentes propositions d’opérations à mener répondant notamment aux 3 thèmes cités ont été identifiées. Ces actions priorisées, aux périmètres, acteurs, temporalités et coûts différents pourront être intégrées demain dans une politique globale de gestion du risque inondation mais aussi dans les différentes politiques sectorielles de Grand Poitiers.

Informations extraites du catalogue d’actions possibles élaboré
Thèmes Nombre d'actions Exemples d'actions possibles 

Adaptation des enjeux existants

15 - Réaliser une campagne de diagnostic de vulnérabilité des logements situés en zone dangereuse (zone inondable de plus d’un mètre d’eau) dans les communes ne disposant pas à ce jour de PPRi
- Réaliser un diagnostic de vulnérabilité des 15 Stations de Traitement des Eaux Usées (STEU)

Alerte et gestion de crise

10 - Intégrer dans les PCS la localisation des enjeux vulnérables avec des principes et une organisation d’évacuations préventives
- Créer une réserve communale de sécurité civile

Culture du risque

8 - Réaliser des campagnes de communication auprès des chefs d’entreprises : vulnérabilité des entreprises et bons réflexes
- Créer un parcours pédagogique sur les inondations à Poitiers.

Prise en compte du risque dans l’aménagement du territoire

4 Créer des zonages particuliers dans le PLUi pour les zones à urbaniser en zone inondable (zones ouvertes à l’urbanisation dans le cadre du PPRi) avec des règles spécifiques

Organisation de la post-crise

1

Réaliser un plan de collecte et de traitement des déchets post-inondation

 

Suite à ce travail, le Cerema a réfléchi aux apports de l’étude à intégrer dans les documents d’urbanisme.

 

Des préconisations pour poursuivre un développement urbain cohérent avec les risques d’inondation

Le futur Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) de Grand Poitiers, lancé en 2021, constitue un levier pour la réduction de la vulnérabilité du territoire à l’inondation. Au-delà de la gestion du foncier, l’enjeu est également de questionner l’urbanisme et l’aménagement au regard de l’anticipation des crises et de la résilience aux inondations.

A partir des nouvelles connaissances acquises grâce au référentiel, des préconisations sur-mesure ont pu être rédigées. Elles donnent des pistes méthodologiques et des orientations qui constituent un fil rouge pour l’élaboration du PLUi vis-à-vis de la prévention des inondations.

Schéma de l'intégration dans le PLUI avec les étapes

Une expérience constructive pour les acteurs du territoire et le Cerema

Figurant parmi les premières applications du référentiel de vulnérabilité à l’inondation du Cerema, l’étude sur Grand Poitiers a permis d’expérimenter la méthode et de l’approfondir. De façon synthétique, il en ressort les éléments suivants :

  • une quantité conséquente d’informations à traiter pour le calcul des indicateurs,
  • la création de nouveaux indicateurs relatifs à la vulnérabilité des voies ferrées, des réseaux de bus urbain et départementaux,
  • les bons outils de communication et de sensibilisation que sont les cartes de synthèses
  • l’apport du plan d’action et des mesures pour le PLUi.

Les acteurs du territoire sont actifs concernant la politique de prévention des risques d’inondation, au travers de projets en cours sur le territoire : l’élaboration ou la révision de nouveaux PPRI, l’approbation d’une nouvelle SLGRI Vienne-Clain (pour le TRI Châtellerault-Poitiers identifié en 2018 par le préfet coordonnateur de bassin) et d’un futur PAPI. Le diagnostic de vulnérabilité et le catalogue d’actions de l’étude alimenteront efficacement les réflexions autour de ces projets et répondent également à un besoin d’une meilleure connaissance des enjeux sur le nouveau secteur identifié dans le TRI (secteur de Poitiers).

En outre, en partenariat avec l’EPTB Vienne-Clain, le Cerema développe un outil cartographique en ligne pour la visualisation des vulnérabilités du territoire à l’inondation.

Le Cerema poursuit ses travaux sur le Référentiel de vulnérabilité et construit actuellement un outil opérationnel (outil de suivi cartographique de la vulnérabilité) à destination d’acteurs variés (services de l’Etat, syndicats, EPTB, EPAGE, gestionnaires de réseaux, etc.).

 

  

Vers un outil opérationnel au service des acteurs locaux

D’autres déclinaisons de ces indicateurs de vulnérabilité ont eu lieu sur le territoire français : département du Jura, Observatoire de vulnérabilité sur le bassin versant de la Zorn, SCOT de Tours… témoignant du besoin d’évaluation de la vulnérabilité aux inondations, sujet à forts enjeux dans la prévention des risques.

Depuis début 2020, une équipe-projet a été montée au sein du Cerema afin de travailler sur la construction d’un outil (sous la forme d’un plugin Qgis) permettant le calcul "automatisé" de ces indicateurs en facilitant la collecte des données et leur traitement. Un démonstrateur de cet outil, focalisé sur quelques indicateurs est prévu pour fin 2022. L’interface graphique envisagée permettra de faciliter la consultation des résultats à différentes échelles de visualisation. Des tests seront réalisés sur des territoires volontaires pour s’engager dans cette démarche et dont le retour d’expérience pourra nourrir l’avancement du projet. 

schéma du processus d'adaptation du référentiel en appli Qgis

Au-delà de la technicité requise par le développement d’un tel outil, ce projet appelé "DRVI" (déclinaison du référentiel de vulnérabilité), dont la mise en œuvre s’étale sur plusieurs années, comporte différents volets en lien avec la prévention des risques d’inondation :

  • Une synthèse des différentes expérimentations du référentiel sur les territoires d’études afin de constituer un retour d’expériences et dégager des perspectives d’amélioration propres au futur outil (cf rapport de Bilan / Rex élaboré en 2020) ;
  • L’évaluation des attentes d’utilisateurs potentiels identifiés (services de l’Etat, EPTB, SDIS, collectivités locales…) afin de répondre au mieux à leurs besoins locaux et veiller à la personnalisation de l’outil en fonction des missions propres à chaque acteur (cf actualisation du rapport de Bilan / Rex finalisé en 2021) ;
  • La recherche de correspondances entre les différents outils de la prévention des inondations et notamment entre indicateurs PAPi et indicateurs de vulnérabilité dans un objectif de cohérence et d’interdépendance (travail en cours) ;
  • La constitution d’un référentiel des actions pour réduire la vulnérabilité des territoires aux inondations. (travail en cours)
  • La formalisation méthodologique de la construction des variables et indicateurs qui composeront l’outil en explicitant les scripts de calcul et leur assise respective sur les données les plus pertinentes (travail en cours) ;
  • La hiérarchisation de ces indicateurs et la constitution d’arborescences adaptées à chaque utilisateur pour permettre  une meilleure appropriation (simplifiée notamment) du référentiel (travail en cours).
Les objectifs du projet DRVI: décliner le référentiel en fonction des besoin de chaque territoire + suivis