Ce travail a fait l’objet d’un partenariat de recherche initié en 2013 entre le Cerema (ex-CETE [1] de l’Est et d’Ile de France), l’Agence Française de la Biodiversité (ex-Onema [2]), et le groupement d’intérêt public GEMCEA[3], afin de faire le point sur les connaissances actuelles sur ce type d’ouvrages, comprendre leurs objectifs fonctionnels, connaitre les éléments clés de leurs conception, de leur dimensionnement, de leur exploitation, sans oublier la question des coûts associés à l’investissement, à l’entretien et au fonctionnement de ce type d’ouvrages.
Etat des lieux du "parc" de bassins d’orage en France
Evolution des pratiques
Cette première phase destinée à dresser un état des lieux a aussi permis de caractériser le "parc" de bassins d’orage des six grands bassins hydrographiques [4], à partir d’un travail bibliographique et par l’analyse de données fournies par les Agences de l’eau ou accessible via le SISPEA [5].
La structure des réseaux d’assainissement et les objectifs fonctionnels qui leurs étaient demandés ont beaucoup évolué depuis le début du XXème siècle. A la fin des années 40, les bassins d’orage ont commencé à être préconisés en tête de station de traitement pour "tamponner" les effluents, et assurer la pérennité et l’efficacité des dispositifs de traitement. Ces ouvrages étaient également préconisés plus en amont sur les réseaux pour limiter les mises en charge, en complément des "déversoirs d’orage", chargés de délester les systèmes d’assainissement par temps de pluie lorsque les débits d’eau à évacuer sont trop importants.
Les premiers programmes d’intervention des Agences de l’eau (créées au début des années 1960) concernaient essentiellement la création d’unités de traitement des eaux usées, ou stations d’épuration. Parallèlement à cela, plusieurs programmes de recherche en hydrologie urbaine ont été lancés à partir des années 1970. Ceux-ci traitaient essentiellement des questions d’hydraulique et d’inondations par ruissellement sur des systèmes de collecte qui, au cours des années, sont devenus insuffisants en termes de dimensionnement.
Des études montreront plus tard que les charges polluantes rejetées sans traitement par temps de pluie via les déversoirs d’orage sont du même ordre de grandeur que celles déversées par les stations d’épuration après traitement des eaux usées, temps sec et temps de pluie confondus. Il est donc aujourd’hui admis que le fonctionnement des réseaux par temps de pluie a un impact non négligeable sur la qualité des milieux récepteurs.
Afin de limiter les dysfonctionnements des systèmes d’assainissement, les collectivités, en partie soutenues par les Agences de l’eau, ont donc mis en place des ouvrages dont les objectifs essentiels étaient de deux ordres :
- Améliorer la collecte et le traitement des eaux usées et limiter les rejets directs vers le milieu naturel,
- Eviter les désordres hydrauliques et les débordements des réseaux par temps de pluie.
La technique des "bassins d’orage" a été particulièrement utilisée, favorisée notamment par sa souplesse et par la grande variété des formes et des utilisations qui peuvent en être faite. Cette technique apparaît bien adaptée pour répondre à de nombreuses problématiques de la gestion des systèmes d’assainissement.
Une grande diversité de conceptions et d’utilisations des bassins d’orage
Les travaux visaient à recenser les ouvrages existants au niveau national, et à les caractériser en fonction de leur(s) objectif(s) fonctionnel(s) et du ou des processus à l’œuvre pour y parvenir.
- La fonction générale peut elle même être structurée autour de deux fonctions fondamentales :
- la régulation hydraulique du réseau (à des degrés divers) : protection contre les mises en charge, protection contre les débordements, lutte contre les inondations.
- la protection du milieu naturel : par stockage restitution, par décantation des effluents avant rejet aux milieux, ou par laminage des pics de charge et/ou de débit en tête de station.
- Le(s) processus à l'œuvre pour y parvenir :
- par stockage-restitution : c'est le volume de l'ouvrage qui sera alors la caractéristique prépondérante,
- par décantation (celle-ci n'étant pas toujours souhaitée par ailleurs) : la conception et le fonctionnement général de l'ouvrage (notamment les phases d'alimentation et/ou de vidange de l'ouvrage ou de ses éventuels compartiments) auront alors une importance fondamentale.
Ces éléments impactent la conception et le dimensionnement des ouvrages à mettre en œuvre et doivent être considérés de manière globale, dans le cadre d’une stratégie générale d’optimisation du système d’assainissement au sein de laquelle les bassins d’orage ne constituent qu’une solution technique parmi d’autres.
Le choix et la conception générale de ces ouvrages doivent tenir compte de cette stratégie, de la situation locale et de ses contraintes.
Cela concerne notamment :
- L’implantation des ouvrages sur le système (en tête de station ou sur le réseau de collecte),
- Le type de connexion (directe ou latérale),
- La conception générale des ouvrages,
- Le terrassement et la géotechnique (bassin enterré, semi-enterré, …),
- La couverture (couvert ou à ciel ouvert),
- Le nettoyage et la gestion des dépôts,
- L’alimentation et la vidange (gravitaire, pompage),
- La sécurité du personnel et des infrastructures,
- L’accessibilité et la prévention des chutes,
- La gestion de l’air et des gaz (problématique du H2S)
- La métrologie (autosurveillance et automatisation éventuelle).
Une synthèse des connaissances techniques et financières collectées au cours de ce travail a également été réalisée à l’attention des acteurs opérationnels. Celle-ci revient sur les recommandations techniques pour la conception et le dimensionnement des "bassins d’orages" (suivant le fonctionnement qui en est attendu), ainsi que sur les pratiques opérationnelles des acteurs.
L’exploitation des bassins d’orage et les coûts qui y sont associés
Le document présente les contraintes liées à l’exploitation des ouvrages, notamment la question de la sécurité du personnel et du matériel lors des interventions. Cette problématique peut en effet être particulièrement prégnante, notamment pour les ouvrages enterrés.
Il revient sur les questions liées au nettoyage des ouvrages, à la gestion des dépôts, à la mise en place et à l’efficacité des dispositions prises en la matière (mise en place de rigoles d’autocurage pour des bassins à connexion directe, ou de dispositifs de remise en suspension ou de nettoyage automatiques tels que des augets basculants, des clapets de chasse, ou des cloches sous vide).
Les enquêtes (détaillées au paragraphe suivant) ont permis de mettre en lumière des retours opérationnels intéressants et parfois contre-intuitifs en la matière : on a tendance à penser que lorsqu’un ouvrage n’est muni d’aucun système de nettoyage automatique, les interventions sur l’ouvrage sont plus régulières. Si les retours des exploitants que nous avons rencontrés ne permettent pas d’infirmer cette affirmation, ils montrent néanmoins que cela n’a rien de systématique. Beaucoup d’ouvrages dépourvus de dispositif de nettoyage ne demandent que très peu d’entretien, et semblent donner entière satisfaction. Tandis qu’à l’inverse, certains ouvrages, pourtant munis de dispositifs de nettoyage automatique, doivent être curés très régulièrement.
Enfin, ce premier document aborde les aspects financiers : les coûts d’investissement, des équipements, les coûts de fonctionnement et d’exploitation (renouvellement des équipements, coûts d’entretien et de personnel, frais d’énergie et de télécommunication).
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Retours d’expériences du terrain
Le second document présente une synthèse des retours d’expériences collectés auprès des acteurs de terrain, sur les choix techniques, de conception, d’entretien, d’instrumentation et de suivi de leurs ouvrages.
Conscient que l’on pouvait difficilement séparer un ouvrage (objet premier de l’étude) du reste du système sur lequel celui-ci est implanté, le Cerema s’est intéressé largement aux situations locales, à l’historique des systèmes d’assainissement, à leur structure, aux contraintes locales, aux stratégies adoptées et (dans celles ci) aux raisons qui ont poussé la collectivité à construire un bassin d’orage.
Pour cela, l'enquête a été menée en deux phases :
- Une première auprès de collectivités susceptibles de disposer de bassins d’orage sur leurs réseaux d’assainissement unitaires : celle-ci a pris la forme d’un questionnaire en ligne, le but étant de recueillir des informations sur le "parc" de bassins d’orage des collectivités rencontrées ainsi que des informations sur leur situation locale,
- Des entretiens détaillés auprès de 17 gestionnaires et maîtres d’ouvrages "sélectionnés" parmi ceux nous ayant répondu lors de la 1ère phase de l’enquête. Le choix a été fait de constituer un échantillon de collectivités le plus diversifié possible : autant en termes géographiques, que de taille ou de gestion des compétences. Cinq cas ont été étudiés de manière plus approfondie sur les questions d’instrumentation et de métrologie déployées dans et aux autour des ouvrages.
Le périmètre de l’enquête
L’un des objectifs de l’enquête était d’approfondir les questions et interrogations qui avaient pu émerger du travail réalisé en 1ère phase de l’étude. Parmi celles-ci, l’étude s’est intéressée notamment aux raisons pour lesquelles la solution technique "bassin d’orage" avait été privilégiée, parfois au détriment d’autres solutions (déraccordement des eaux pluviales, mise en séparatif, …), et pour quel(s) objectif(s) : lutter contre des désordres hydrauliques, contre des inondations récurrentes par ruissellement, protéger le milieu récepteur… L’évolution éventuelle des objectifs fonctionnels des ouvrages et l’opportunité de réhabiliter des ouvrages existants ont également été étudiées.
Les contraintes générales d’ordre opérationnel, fonctionnel et organisationnel ont été abordées, tout comme les coûts et les aspects plus techniques : les choix de conception (ouvrage enterré, hors-sol, couvert, à ciel ouvert), l’implantation de l’ouvrage sur le réseau, son mode de fonctionnement (alimentation, vidange, connexion directe/latérale par rapport au réseau), sa forme (rectangulaire, circulaire, autre…), son dimensionnement, les contraintes spécifiques d’entretien et d’exploitation, le nettoyage, la métrologie, ...
L'étude a permis de confirmer les évolutions pressenties dans l’usage de la technique des "bassins d’orage" qui, utilisée initialement dans un objectif de régulation hydraulique à plusieurs échelles, reste une solution d’actualité pour répondre aux évolutions réglementaires en matière de protection des milieux récepteurs vis-à-vis des rejets urbains de temps de pluie. On constate depuis 30 ans une évolution sensible du nombre de bassins construits, mais aussi et surtout des raisons pour lesquelles ces ouvrages ont été réalisés : en effet, et depuis plusieurs décennies, les collectivités ont de plus en plus su intégrer la nécessité de limiter les rejets urbains de temps de pluie via les déversoirs d’orage.
Beaucoup de collectivités ont évolué en intégrant ces "bassins d’orage" et leurs fonctions dans une approche plus territorialisée de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques. Néanmoins, et du fait des évolutions récentes autant en matière réglementaire que de répartition des compétences ou de dispositifs d’accompagnement financier, certaines collectivités semblent désormais vouloir privilégier d’autres solutions techniques telles que les mises en séparatifs, la gestion des eaux pluviales à la parcelle ou leur déraccordement du réseau, (préconisées notamment par l’arrêté du 21 juillet 2015).
L’instrumentation des bassins d’orages
Le Cerema s’est également penché plus particulièrement sur la question de la métrologie mise en place sur les bassins et au rôle qu’elle peut jouer dans la gestion opérationnelle lors des événements pluvieux. Cinq bassins d’orage instrumentés et aux configurations différentes ont ainsi été étudiés.
Les capteurs présents autour des bassins d’orage étudiés permettent de mesurer cinq variables :
- Les précipitations autour des bassins, généralement avec des pluviomètres automatiques, parfois complétés par un radar météorologique pour une meilleure représentativité spatiale.
- Les hauteurs d’eau autour et dans le bassin, avec des capteurs permettant d’estimer les débits : capteurs par ultra-sons, capteurs radars, capteurs piézométriques, ou poires de niveau.
- Les vitesses d’écoulement autour des bassins, à l’aide de capteurs électromagnétiques, de cordes de vitesse, par effet Doppler, ou par radar.
- Les débits autour des bassins, qui interviennent plus rarement.
- La qualité de l’eau dans et autour des bassins, au moyen de préleveurs automatiques et d’analyses en laboratoire.
Le document aborde aussi la maintenance des capteurs, présente des éléments de coûts, avant de préciser les usages qui peuvent être faits de cette métrologie et la manière dont les données peuvent être exploitées. Des profils de fonctionnement des cinq bassins étudiés sont ensuite proposés (issus de l’analyse des données enregistrées sur ces bassins).
Cette étude montre que la métrologie dans et autour des bassins d’orage est un élément clé du fonctionnement et de l’optimisation d’un bassin d’orage. Elle fait apparaître une grande diversité des moyens métrologiques qui nécessitent une adaptation à chaque bassin voire à chaque site de mesure ; les technologies et stratégies de maintenance et critique/validation des données qui en résultent, sont nombreuses et variées.
Au regard de leur intérêt, ces moyens présentent finalement un coût limité sur le fonctionnement d’un bassin d’orage, et leur coût d’acquisition est faible.
Les finalités de la métrologie dans et autour des bassins d'orage (BO) identifiées dans l’étude sont, par ordre d’importance :
- Assurer le bon fonctionnement et la bonne efficacité d’un BO,
- Rendre compte du fonctionnement, qui relève parfois d’une obligation réglementaire,
- Surveiller certains équipements d’un BO,
- Constituer un outil d’aide à l’exploitation du BO.
Les mesures issues des 5 bassins sélectionnés ont enfin été exploitées afin de comprendre et d’illustrer leurs fonctionnements : les résultats indiquent que les bassins sont régulièrement sollicités, et donc utiles, avec des efficacités qui sont celles prévues lors de la conception (pour quatre des cinq bassins).
La grande majorité des collectivités rencontrées inscrivent la construction de ces ouvrages dans une véritable stratégie, définie en fonction de l’état de fonctionnement de leur système, des enjeux et des contraintes auxquelles elles peuvent être confrontées.
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Synthèse des résultats à l’intention des acteurs opérationnels
Le troisième document est une synthèse des principaux résultats et enseignements tirés du travail réalisé. Axé essentiellement sur les aspects les plus opérationnels, celui-ci se divise en cinq parties :
- Les éléments clés des évolutions réglementaires récentes et l’intérêt de mettre en place une stratégie globale d’optimisation du système d’assainissement,
- La conception et le dimensionnement des ouvrages, avec les différentes fonctions auxquelles ces ouvrages peuvent répondre et les objectifs qui peuvent leur être assignés,
- L’exploitation, avec les points de vigilance en ce qui concerne la conception générale de ces dispositifs, notamment en termes de fonctionnement et de sécurité d’accès pour le personnel,
- La métrologie : pourquoi instrumenter, quels capteurs utiliser, comment exploiter l’instrumentation ?
- Les éléments recueillis les plus importants concernant les coûts d’investissement et d’exploitation liés à ces ouvrages.
[1] Centre d’Etude Technique de l’Equipement
[2] Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques
[3] Groupement pour l’Evaluation des Mesures en Continu dans les Eaux et en Assainissement
[4] Adour Garonne, Artois Picardie, Loire Bretagne, Rhin Meuse, Rhône Méditerranée Corse, et Seine Normandie.
[5] Système d’Information des Services Publics d’Eau et d’Assainissement