Ce projet s’inscrit dans le cadre des travaux conduits par le Cerema sur le thème des villes et territoires résilients.
L’objet de cet article est de présenter la démarche partenariale d’éducation aux risques majeurs conduite auprès d’élèves de CP-CE1 par un professeur des écoles, le Musée des Beaux Arts de Lyon et le Cerema Territoires et ville.
Le caractère innovant de ce projet réside dans la mobilisation de techniques artistiques pour aborder la thématique des risques majeurs, sujet complexe et délicat à traiter dans le champ scolaire, dans une perspective d’éducation au développement durable et d’amélioration de la résilience individuelle et citoyenne.
Le questionnement sur le thème des risques à travers des œuvres d’art, permet de mieux comprendre et de faire réfléchir les enfants sur les différentes dimensions du territoire : l’histoire, la géographie, la culture, la citoyenneté, la prospective, l’aménagement, l’éthique…
Auteurs : L. Morel [1] (Réseau Risques Majeurs éducation), C. Villar [2] (CEREMA), I. Chalençon [3] (Musée des Beaux-Arts de Lyon)
L’éducation aux risques majeurs, facteur de résilience
La recherche de développement durable intervient dans un contexte d’incertitude et de complexité. Si l’objectif de durabilité s’est construit sur l’idée d’un futur que l’on pouvait maîtriser, il semble aujourd’hui nécessaire d’intégrer la survenue de perturbations, prévisibles ou non, qu’il faut anticiper pour y faire face et s’adapter. C’est bien l’objet du projet présenté, basé sur les risques majeurs, leur compréhension et leur prise en compte afin d’améliorer les capacités de résilience, qu’elles soient individuelles au niveau des élèves, et collective en tant futurs membres actifs de la société.
En effet, l’éducation aux risques majeurs semble particulièrement riche et pertinente dans ce contexte pour embrasser différents objectifs, tels que :
- la conscientisation individuelle et collective, et les capacités d’agir,
- la gouvernance et les liens entre acteurs
- l’articulation des échelles spatiales et temporelles,
- la prospective et l’anticipation. Le projet d’éducation aux risques majeurs présenté mobilise à la fois les objectifs ci-dessus, et les compétences du référentiel « Former les acteurs du développement durable ». Ce point sera développé dans la 3ème partie de cet article.
Art, risques majeurs et développement durable : articulations et innovations
Le projet s’inscrit dans un continuum d’actions pédagogiques axées, d’une part sur le développement durable (création d’une chanson avec les enfants et visite thématique du musée des Beaux Arts de Lyon), d’autre part sur l’éducation aux risques majeurs (pièce de théâtre sur les risques majeurs avec les élèves du cycle 2). Dans le cadre de cet article, seules les actions « risques majeurs » en lien avec la chanson et le musée sont présentées.
Le projet relatif aux risques majeurs au musée s’articule autour de deux constructions pédagogiques innovantes :
- la conception collective d’une chanson [4] sur les risques majeurs. Partant des représentations initiales des enfants, le travail pédagogique sur la thématique a permis de construire avec eux cette chanson abordant différents aléas et les façons de s’en protéger ;
- la visite commentée au Musée des Beaux-Arts, préparée en amont par l’enseignant, par le partenaire du CEREMA et par le médiateur du Musée des Beaux-Arts à partir de compétences pédagogiques partagées et complémentaires. C’est à l’école entre l’enseignant et ses élèves que le parcours a été finalisé. La lecture d’œuvres a permis d’aborder différents types de risques et des contextes territoriaux et historiques variés.
Le schéma restitue le projet, objet de cet article, dans la démarche globale d’éducation au développement durable et aux risques majeurs. Source : L. Morel
Les compétences mobilisées
La présence de risques sur le territoire peut générer des situations complexes, évolutives dans le court, moyen ou long terme. Cela nécessite, pour les appréhender de façon globale, de prendre en compte le fonctionnement systémique du territoire (au sens composantes physiques, organisationnelles, sociales, etc.), d’être capable d’articuler gestion à court terme et démarche prospective. Cette approche territoriale nécessite également de s’appuyer sur les ressources et les capacités endogènes et exogènes, à la fois au niveau individuel et collectif, capacités qui s’enrichissent par l’apprentissage, l’innovation et le retour d’expérience. Par ailleurs, la survenue d’événements dommageables pose la question de la construction partagée d’un projet de territoire (à quoi tient-on ? Qu’est-ce qui fait sens ?) qui prenne en compte sa texture (histoire, culture…).
Ce n’est donc pas un mince défi que d’accompagner les élèves de CP-CE1 dans une démarche qui ne soit pas simpliste ou réductrice, et qui réponde aux objectifs précédemment cités.
La relecture du projet à travers du filtre du référentiel de compétences « Former les acteurs du développement durable » permet de mettre en évidence ses points forts :
- approche systémique : identification et compréhension des interactions entre les différentes composantes du territoire représenté sur le tableau de François Gérard « Corinne au Cap Misène », telles que les aléas (volcan, mer, séisme…), les enjeux (humains, environnementaux, économiques), leur vulnérabilité (exposition directe ou indirecte, constructions…) ainsi que des effets dominos potentiels.
- prospective : re-contextualisation historique et géographique du tableau, lien avec le « ici et maintenant ». Par exemple dans le cas du tableau du tableau de Léopold Survage « Les usines » représentant un centre-ville industriel peint en 1914 : explication du contexte, lien avec la vallée de la Chimie [5] aujourd’hui, discussion et réflexions sur la question du devenir des villes en lien avec les activités industrielles.
- compétences individuelles et collectives : à partir des représentations individuelles des élèves, construction de connaissances appliquées (par exemple par l’expression orale et le dessin), exposés collectifs, co-construction de la chanson à partir des mots et réflexions des enfants.
Ce passage de l’individuel au collectif a été également illustré par le mode de conception du projet. En effet, la constitution d’une équipe pluri-disciplinaire [6] nous a permis de mobiliser les compétences de chacun afin de construire une intelligence collective. La pluralité des regards et des expériences a permis d’enrichir le projet en croisant pédagogie, connaissances scientifiques et arts.
- compréhension en termes de responsabilité et d’éthique : le sujet des risques majeurs pose de façon évidente la question de la responsabilité. Les enfants sont interpellés sur la responsabilité en cas de crise (je connais les bons comportements ou pas, je me mets en danger ou pas…), et sur le rôle de l’Homme dans la construction des risques : faut-il/peut-on construire des maisons dans des zones dangereuses, comment gère-t-on le transport de matières dangereuses dans les villes ? Quel monde voulons-nous ? Ces questions, abordées à travers des représentations artistiques, permettent de prendre du recul par rapport à des événements réels potentiellement anxiogènes [7]. Par ailleurs, ces sujets sont traités en gardant présent à l’esprit que les enfants ne sont pas les vecteurs d’information de leurs parents : le rôle des élèves est de comprendre, d’apprendre, et de pouvoir transposer à d’autres situations.
- changement : les élèves sont amenés à exprimer leurs points de vue au musée des Beaux-Arts et à l’école (par le dessin, l’oral, l’écrit ou le mime), à les échanger et en débattre pour permettre une évolution (ou non) des postures des attitudes et des comportements de chacun.
Conclusion et perspectives
L’analyse a posteriori, de cette expérimentation sous l’angle du référentiel de compétences « Former les acteurs du développement durable » dans une perspective d’augmentation des capacités de résilience, individuelles et collectives face aux risques majeurs, a permis de confirmer sa pertinence au regard des objectifs de formation au développement durable, à travers le thème des risques majeurs. Ce thème comme d’autres, tels que la solidarité et la gouvernance, peuvent être de fait traités par une entrée artistique singulière.
Bibliographie partielle
- Blesius, J-C. (2014), « Vivre avec les industries ? De la maîtrise de l’urbanisation à l’éducation aux risques – Cas de Vitry-sur-Seine (France) et de Montréal-Est (Québec), http://www.theses.fr/s87323, consulté le 31/10/2014.
- Winner, E., Goldstein T.R., Vincent-Lancrin, S. (2014), « L’art pour l’art ? L’impact de l’éducation artistique ».