24 novembre 2017
Sénat
Le groupe ANT propose une lecture de la réponse de l’Arcep aux questions du Sénat relatives à la couverture du pays en FttH. L’Arcep a aussi abordé la question de l’internet mobile.

Pour la première fois dans l’histoire du régulateur, le 9 août dernier, les sénateurs MM. Jean-Claude Lenoir et Patrick Chaize l’ont interrogé, et ce sur trois points :

  • les conditions de l’atteinte des objectifs annoncés par le Président de la République (et notamment l’utilisation de solutions technologiques complémentaires à la fibre) ;
  • la faisabilité, le coût et les conséquences des propositions de SFR de « fibrer la France » sur les orientations retenues jusqu’alors pour le déploiement des réseaux (notamment ceux déployés à l’initiative des collectivités territoriales) ;
  • les effets sur la concurrence entre opérateurs de ces différentes évolutions.

Il n’a pas échappé aux observateurs du domaine que les annonces étonnamment ambitieuses de SFR pendant l’été n’étaient pas étrangères à la démarche des sénateurs.

Dans sa réponse, l’Arcep est allée plus loin que demandé puisqu’elle a souhaité traiter de la couverture mobile, qu’elle estime essentielle à la satisfaction des besoins présents et futurs des usagers.

Ainsi, l’Arcep affirme sa volonté de "changer d’échelle" en matière de couverture mobile voix et données en faisant allusion aux négociations menées actuellement par elle au nom du Gouvernement en vue du renouvellement des licences utilisées dans les réseaux 2G.

Mais qu’entend-elle par cette expression ?

En premier lieu, l’Arcep recommande au Gouvernement de privilégier l’aménagement numérique du territoire aux recettes financières qu’il peut attendre de la réattribution de ces fréquences. L’idée est en particulier avancée que la 4G en situation fixe peut être le moyen d’atteindre les objectifs gouvernementaux d’un bon haut débit pour tous en 2020.

Ensuite, l’Arcep pointe le fait que les solutions d’attente (elle parle de "filet de sécurité") pour que chacun dispose au moins de 8Mbit/s en 2020 ne doivent pas retarder l’arrivée des solutions pérennes, en clair le FttH et la future 5G. Car la France doit faire sienne l’ambition européenne d’une société du gigabit en 2025, dans sept ans seulement.

Dans cette perspective, l’accélération des déploiements, 4G comme FttH, est donc essentielle pour atteindre les cibles de couverture fixées au plan national.

Articulation des initiatives privées et publiques

Après avoir rappelé les engagements pris par les opérateurs en 2011 pour couvrir 57% de la population française sur seulement 65% du territoire (« zone AMII »), l’Arcep pointe le fait que si le plan FTHD est conçu en stricte complémentarité avec les initiatives privées, y compris dans leurs évolutions au fil des consultations publiques lancées par les porteurs de projets, c’est à la condition d’un minimum de réciprocité de la part des acteurs privés.

Quant au respect des engagements pris en 2011, il ne sera effectif que si Orange et SFR produisent chaque trimestre une quantité de lignes FttH supérieure respectivement de 60% et de plus 70% par rapport à la production actuelle. Si, comme l’Arcep en exprime le souhait, un nouveau partage "rapide et pragmatique" des communes à couvrir s’opère entre les deux leaders - la conséquence en sera que le besoin d’accélérer va nettement croître pour SFR.

En réponse à la volonté affichée par SFR l’été dernier de fibrer tout le territoire français d’ici 2025 sur ses fonds propres, et donc en parallèle des initiatives publiques sur des territoires totalisant un potentiel de 9 millions de lignes, l’Arcep fait toutefois part de son inquiétude. Car serait à craindre une stratégie d’écrémage par l’opérateur des zones dans lesquelles les coûts de déploiements sont les plus faibles, laissant ensuite à la puissance publique le soin d’achever la couverture. En appui aux projets initiés par les collectivités, l’Arcep pointe aussi le fait que l’arrivée perturbatrice d’un acteur privé déployant en doublon sur ces territoires pourrait ralentir voire arrêter leur équipement en THD. C’est pourquoi elle appelle les acteurs privés à "tenir compte de l’existant dans leurs stratégies de déploiement".

A l’adresse des collectivités porteuses de projets de RIP ou du SDTAN, auxquels SFR proposerait de substituer une stratégie de déploiement FttH sur fond privé, l’Autorité fait les recommandations suivantes :

  • l’opérateur doit prendre des engagements à réaliser complètement les déploiements sur "une zone de taille significative" pour éviter in fine des trous de couverture qu’il serait très difficile de combler par la suite ;
  • la collectivité doit donner "son accord en faveur de ce nouveau schéma de déploiement".

Une question demeure cependant : que faire si l’opérateur se passe de cet accord, le principe de "libre établissement des réseaux" interdisant que les pouvoirs publics s’y opposent ?

En réponse, l’Arcep considère que des stratégies consistant à déployer en doublon, ou à simplement préempter des zones en ne procédant qu’aux premiers travaux, retarderaient d’autant l’atteinte de l’objectif national et méritent en cela qu’elle s’attache à les prévenir.

Si l’Autorité rappelle tous les inconvénients que l’existence de doubles réseaux FttH engendrerait (impossibilité pour les consommateurs de pouvoir choisir entre tous les FAI, génie civil saturé, encombrement du domaine public et des colonnes montantes des immeubles collectifs), elle écarte en revanche l’option consistant à étendre la zone très dense et affiche des pistes de réflexion suivantes, soumises à consultation publique d’ici à la fin de l’année :

  • la définition de la complétude des déploiements à la maille du point de mutualisation ;
  • l’extension possible de la zone de complétude à une échelle garantissant qu’il ne demeurera pas, à la fin des déploiements, des zones non couvertes car non rentables et qui le seront encore moins pour l’acteur qui prendra sur lui de les couvrir ;
  • l’instauration d’un statut de "réseau d’aménagement numérique" destiné à garantir une large complétude, dans le cadre de laquelle l’opérateur titulaire du statut bénéficierait de facilités opérationnelles pour ses déploiements en échange d’un engagement formel à déployer dans le cadre du nouvel article L33-13 du CPCE ; comme le statut de "zone fibrée" avant lui, ce nouveau statut devant faire l’objet de mesures législatives pour exister.

L’Arcep aborde enfin la question de la résilience des réseaux FttH dont le bon fonctionnement sera de plus en plus indispensable à la vie des citoyens et des entreprises. Curieusement, ce point n’est abordé que dans le chapitre consacré aux RIP. Cet aspect concerne pourtant l’ensemble des réseaux qui ont déjà été déployés (plus de 9 millions de lignes) et qui le seront dans les prochaines années.