8 janvier 2025
parking perméable
Cerema
La loi Aper a rendu obligatoire l’installation d’ombrières photovoltaïques dans les parkings, apportant un regain d’intérêt sur le foncier.
À la croisée de nombreux enjeux (mobilité, attractivité, énergies renouvelables…), le stationnement nécessite désormais une approche beaucoup plus complète

Cet article du Cerema a été publié par notre partenaire TechniCités.

 

Avec les enjeux de report modal qui structurent les politiques de mobilité depuis les années 2000, le stationnement a souvent représenté la composante la plus politiquement sensible de l’aménagement de la voirie, tout en étant l’un des leviers les plus efficaces pour mieux réguler l’usage de la voiture.

 

Symbole le plus visible, avec les autoroutes urbaines, de "l’adaptation de la ville à la voiture" préconisée dans les années 1960, il occupe aujourd’hui une part de la voirie relativement disproportionnée. Mais avec la pression croissante exercée par les bouleversements climatiques sur l’usage des sols anthropisés, le stationnement devient aussi progressivement un enjeu de redirection de l’aménagement urbain, qui dépasse le strict cadre de la décarbonation des mobilités. 

À la croisée de nombreuses politiques publiques, il constitue aujourd’hui autant un verrou qu’une opportunité pour la diversification des usages des espaces publics.

L’obligation d’installation d’ombrières photovoltaïques sur les stationnements de plus de 500 m² présente dans la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 d’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper, vise à favoriser l’électrification de nos sociétés. Mais elle viendra également pérenniser ces surfaces dans leur vocation de stationnement, ce qui doit nous inciter à requestionner leur usage : les conserver – via quels ajustements ? –, ou les transformer – pour répondre à quels besoins ?

 

Changer de système de pensée

Comment rendre la ville à densifier plus "désirable", pour les ménages résidant dans des quartiers souvent peu dotés en espaces verts ou petits espaces publics récréatifs ? Comment dissuader l’usage de la voiture pour se rendre au travail si celui-ci est bien desservi par les transports en commun (TC), tout en permettant la possession d’une voiture pour des déplacements plus occasionnels ?

Comment généraliser des alternatives cyclables crédibles et sécuritaires en ville ? Comment refaire respirer les sols de nos rues pour développer de la nature en ville, limiter les impacts du "tout tuyau" dans la gestion des eaux pluviales ? Le zéro artificialisation nette (ZAN), et plus largement la question de la sobriété foncière, nous pousse à optimiser les besoins : les surfaces de parking peuvent parfois servir à construire autre chose – logements, activités – ou peuvent être renaturées, permettant d’ouvrir indirectement de nouveaux droits à artificialiser sur le territoire.

A contrario, libérer la voirie du centre de son stationnement superflu peut nécessiter la création d’un parking plus éloigné, mais bien positionné.

C’est la nouvelle équation, complexe, des concepteurs de la ville, qui exige une approche pluridisciplinaire entre les métiers de l’aménagement et ceux de la mobilité. Une équation qui ne peut que pousser les acteurs de la "fabrique de la ville" à se réinterroger sur "une plus juste place" à donner au stationnement. Et la multiplicité d’enjeux de différentes natures sur un même espace ne peut conduire à reproduire les approches très dimensionnantes des plans de stationnement, centrées sur une réponse systématique de l’offre à la demande.

Les débats récents de la cohabitation malheureuse de pistes cyclables à hauteur de trottoir avec les piétons, ou même du refus de créer des aménagements cyclables incitatifs dans les rues secondaires des quartiers, illustrent néanmoins la difficulté persistante à remettre en cause la place prise par le stationnement. Et ce, y compris dans des villes comme Paris, Lyon ou Marseille bénéficiant de réseaux de transports en commun denses, là où la faible motorisation offre un contexte politique plus favorable. Ils reflètent aussi un renoncement systématique à l’éloignement du stationnement du lieu de destination. 

Pour les élus, il s’agit donc d’être en mesure de pouvoir "faire bouger les lignes" pour créer plus d’espaces publics de proximité pour leurs centres, déplacer du stationnement plutôt qu’en créer, faire les bons choix sur l’usage du foncier mutable entre urbanisme et stationnement. À plus long terme, de permettre aussi la transition progressive du parc automobile vers l’électrique, sans dépeupler les centres anciens déjà fragilisés par la dévitalisation…

Mais quels leviers d’actions privilégier, quelle tactique pour ne pas susciter une levée de boucliers ?

Les différentes études de revitalisation des centres-villes, ainsi que les nouvelles réglementations impactant l’aménagement du stationnement (obligation d’équiper les parkings de photovoltaïque, de supprimer la place en amont des traversées piétonnes, d’équiper les habitations collectives de locaux vélos sécurisés, le ZAN…) mettent en exergue l’exigence d’une approche du stationnement plus complète. Une approche orientée vers l’optimisation "servicielle" de l’usage du foncier, vers un rééquilibrage de l’emprise de la voirie au profit du sol, constitue les deux clés de lecture qui doivent désormais structurer les projets de territoires des collectivités.

Plusieurs leviers d’actions peuvent contribuer à faire du stationnement ce rôle particulier de pivot dans les politiques de l’aménagement, à condition qu’ils soient bien coordonnés.

 

En urbain, réduire et optimiser l'existant

En centre-ville, il peut être intéressant de se projeter sur les possibles transformations de places de stationnement sur voirie judicieusement choisies, par réduction ou déplacement de l’offre en parkings, afin notamment :

  • de développer un maillage d’arceaux vélos et stationnements sécurisés auprès des lieux d’activités et d’habitats collectifs, et créer des pistes cyclables à la place de bandes latérales de stationnement pour encourager la pratique du vélo ;
  • de sécuriser les traversées piétonnes en remplaçant les places en amont de celles-ci par des surfaces au sol végétalisées, qui peuvent être complétées par d’autres emplacements identiques dans la rue, pour la rythmer d’une trame végétale qui va en modifier l’ambiance et le confort thermique ;
  • de créer de nouveaux petits espaces publics de valeurs : implantation de mobilier urbain, arbres, etc., notamment aux abords des écoles, ou d’offrir de nouvelles perspectives visuelles sur le patrimoine ou les commerces. 

Concernant les petites surfaces de stationnement, dans ou à proximité des centres-villes :

  • regrouper plusieurs équipements publics (sport, santé, culture, écoles…) autour d’un grand parking capacitaire mutualisé, qui peut aussi accueillir un pôle d’échanges massifiant les flux de mobilités pour
    les rendre plus "captables" par les modes actifs, les bus ou le covoiturage, ou qui peut faire aussi office d’espace événementiel saisonnier ;
  • limiter la durée de stationnement des places proches des commerces générant des achats de très courte durée, pour favoriser nettement la rotation, permettant de répondre à cette demande particulière sans devoir augmenter l’emprise au sol du stationnement ;
  • diversifier l’usage de certaines places : places de livraison par autorisation du stationnement nocturne résidentiel, gare routière de cars scolaires utilisée pour du stationnement estival (1) ;
  • solliciter l’offre de stationnement collective privée sous-utilisée (par location, ou partage d’usage à la demande par des applications numériques).

Une stratégie de libération des espaces publics ne peut néanmoins pas reposer que sur la suppression de places sur voirie.

 

Repenser l’organisation spatiale des parkings

La création de quelques parkings capacitaires proches du centre, ou leur affectation à des abonnés comme les résidents et commerçants habituellement stationnés dans le centre, permet de créer des conditions favorables à un rééquilibrage du partage de la voirie. Cette solution nécessite d’avoir une vision anticipatrice de la maîtrise du foncier, d’arbitrer souvent entre projet urbain et projet de nouveau parking, même si le stationnement ne donne pas la même valeur économique au foncier. Les progrès réalisés dans l’architecture des parkings en élévation et dans leur réversibilité d’usages peuvent, à terme, conforter cette stratégie.

Ce type d’approche peut conduire aussi, a contrario, à rendre le foncier d’un autre parking mal placé vis-à-vis du centre et sous-occupé, pour une renaturation qui sera comptabilisée positivement dans le ZAN, en permettant d’ouvrir des droits à aménager dans d’autres secteurs (2).

En périphérie et à proximité des grands réseaux routiers, la création de parkings-relais, aires de covoiturage ou petits hubs de mobilités, reliés par le centre à des lignes de transports collectifs ou des pistes cyclables performantes, peut permettre de diminuer la demande de stationnement dans le centre, ou d’offrir aux habitants un stationnement résidentiel "déporté" (exemple du P + R Krypton à Aix-en-Provence, relié au centre et aux universités par un BHNS).

Mais compter sur des parkings en ouvrage pour pouvoir libérer l’espace public renvoie aussi nécessairement à la question de l’acceptabilité à l’éloignement du stationnement, qui s’oppose au biais comportemental de l’exigence du stationnement "en pied de porte". Pouvoir éloigner sensiblement le parking de l’habitat permet de libérer de l’espace de valeur dans le centre, mais peut aussi réguler les trop grandes facilités d’utilisation de la voiture pour des petits déplacements (déposer ses enfants à l’école, acheter son pain…). Pour cela, deux conditions sont à remplir : la qualité des cheminements piétons entre le parking et sa destination (sécurité, ambiance nocturne…), et la qualité d’aménagement du parking déporté. L’équipement de parkings proches en bornes de recharge électrique constitue aussi une occasion, unique, pour pouvoir "éloigner" le stationnement résidentiel de l’îlot, en offrant un service.

 

Maximiser l’utilité des parkings

Enfin, sur les nappes de stationnement à conserver, il est nécessaire d’apporter de nouveaux services et d’utiliser au mieux ces surfaces.

Les besoins sont multiples, parfois pointés par des textes réglementaires :
 
  • Ne plus avoir une approche uniquement orientée voiture thermique, en planifiant des bornes de recharges électriques dans les schémas directeurs d’installations de recharges de véhicules électriques (estimation de 7,2 millions de véhicules électriques en circulation en 2030 en France, selon l’International Council on Clean Tranportation, ICCT) ;
  • Offrir plus de places vélos : la crainte du vol de vélo est l’un des freins majeurs à son usage, et la montée en puissance des vélos dits "cargo" et vélos à assistance électrique nécessite des emplacements de grande taille et sécurisés ;
  • Augmenter la production d’énergie renouvelable via l’installation d’ombrières photovoltaïques, sur les parkings neufs ou en renouvellement de contrat de concessions de plus de 500 m² (loi Climat et résilience d’août 2021), ou sur les parkings existants de plus 1 500 m² (loi Aper). En ordre de grandeurs, il y a près de 38 000 ha de stationnement de plus 500 m² en France métropolitaine, hors terrains non cadastrés (3) ;
  • Ecoconcevoir l’aménagement : par une gestion des eaux à la source, une désimperméabilisation des surfaces non circulées par les piétons et cyclistes (loi Climat et résilience), de la nature (confort thermique et biodiversité), des circuits courts sur les matériaux, une sobriété de l’éclairage…