Dans le cadre du renouvellement de la démarche EcoQuartier, un programme d'appui sur mesure d'une quinzaine de projets de quartiers durables portés par des collectivités a été lancé en avril 2022 par le Cerema et le ministère en charge de l'environnement. 15 projets bénéficient d'un accompagnement stratégique et opérationnel sur trois ans pour réaliser un projet d'ÉcoQuartier.
A cette occasion, Anne Vial et Juliette Maître, Directrices de projets Appui aux territoires et Aménagement Durable, ont été interviewées par Construction 21 sur les objectifs de la démarche, son approche et l'action du Cerema.
La démarche ÉcoQuartier a pour objectif d'encourager les opérations exemplaires d'aménagement durable portées par les collectivités territoriales.
Un accompagnement "sur-mesure" et une approche intégrée du projet d’aménagement durable
Partenaire de la démarche ÉcoQuartier depuis sa création, notamment en contribuant aux expertises du label et à la formation, le Cerema propose une nouvelle offre sur-mesure.
Pour aider les porteurs de projets encore en phase amont à concevoir des opérations d’aménagement sobres, résilientes et inclusives en s’inscrivant dans une démarche de labellisation ÉcoQuartier, le Cerema a conçu une offre d’ingénierie "sur-mesure" en signant une convention avec le Ministère de la Transition écologique et un appel à projets a été lancé en avril 2022. A travers un accompagnement sur le long terme, cette démarche vise à apporter des conseils et une expertise pour l'élaboration et le pilotage des projets, notamment en matière de participation des habitants.
Les projets de 11 premiers territoires, qui couvrent un panel des thématiques prioritaires (entrées de ville, friches urbaines, centres bourgs, rénovation urbaine) ont été sélectionnés le 1er juillet. Ils seront accompagnés pendant 3 ans (12 jours par an soit 36 jours) par le Cerema qui apportera son expertise pluridisciplinaire pour une approche intégrée à l'échelle du projet d’aménagement durable. Les territoires lauréats sont :
Beaujeu (Rhône)
Breuillet (Essonne)
Cahors (Lot)
Castelnau-de-Médoc (Gironde)
Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme)
Dunkerque (Nord)
Lourdes (Hautes-Pyrénées)
Melle (Deux-Sèvres)
Saint-Louis (Réunion)
Seyssinet-Pariset (Isère)
Tallard (Hautes-Alpes)
Une liste complémentaire sera publiée suite au jury de l'AMI "Aménagement Touristique Durable" (ouvert jusqu'au 16 août 2022) avec lequel il s'articule. Par ailleurs, une nouvelle série de territoires sera accompagnée en 2023.
4 nouveaux territoires ont rejoint la démarche en septembre 2022
Dompierre sur Yon (Vendée) : Quartier de Prevoisière / Pareau
Fay aux Loges (Loiret): EcoQuartier des Bourrassières
Parmi ces 4 territoires, 2 sont issus de l'AMI Tourisme Durable:
Communauté de Communes du Mont des Avaloirs (Mayenne)
Bonifaccio (Corse)
Interview par Construction 21: Focus sur l'accompagnement du Cerema
Notre partenaire Construction 21 a interviewé en novembre 2022 Anne Vial et Juliette Maître, Directrices de projets Appui aux territoires et Aménagement Durable qui pilotent l'action du Cerema dans la démarche EcoQuartiers, au sujet de la méthode et des objectifs :
Quels sont les grands principes de la démarche EcoQuartier ?
Juliette Maître : Dans la démarche EcoQuartier, nous nous intéressons à des projets opérationnels d’aménagement durable à l’échelle des quartiers. Cela englobe de nombreux sujets : la transition écologique bien sûr, avec l’adaptation au changement climatique, la biodiversité ou encore la sobriété énergétique, mais pas seulement.
Nous nous penchons aussi sur des dimensions telles que l’exploitation des ressources du territoire, les modes de faire avec une gouvernance élargie et la participation des citoyens par exemple, la lutte contre l’artificialisation, le bien vivre ensemble, la santé des habitants, le développement économique, les mobilités… Il s’agit pour les porteurs de projet de penser tout cela ensemble.
Anne Vial : Ces thématiques sont quelques éléments de définition des enjeux de la démarche, issus des 4 dimensions inscrites dans le référentiel EcoQuartier : démarche et processus, cadre de vie et usages, développement territorial, environnement et climat. Au Cerema, notre rôle est d’accompagner les collectivités pour que les projets qu’elles conçoivent au niveau des quartiers répondent à l’ensemble de ces enjeux à travers leur mise en œuvre opérationnelle.
Juliette Maître : Chaque projet fixe ses propres ambitions et peut aller plus ou moins loin dans la démarche sur chaque dimension, en fonction de ses ressources par exemple, mais il ne peut négliger l’une des dimensions que nous avons évoquées. C’est impossible, car elles sont interdépendantes et transversales.
Anne Vial : Au Cerema, c’est un engagement de longue date [depuis 2009, ndlr] que nous avons avec le Ministère sur ces sujets et la démarche EcoQuartier, et cela se traduit quand nous organisons des groupes de travail, que nous travaillons sur les indicateurs et l’évaluation, que nous allons à la rencontre des collectivités et que nous expertisons leurs projets.
Quelle expertise offre le Cerema auprès des collectivités sélectionnées dans la démarche EcoQuartier ?
Anne Vial : Fin 2021, un appel a été passé auprès des partenaires d’EcoQuartier dans le cadre du renouvellement de la démarche et du label. Dans ce cadre-là, le Cerema a proposé une offre d’accompagnement en ingénierie des collectivités qui sont candidates en phase amont et souhaitent aller vers un processus de labellisation. Il s’agit d’un accompagnement sur mesure et dans la durée, du montage du projet à sa livraison opérationnelle, ce qui permet d’en suivre l’évolution. Au Cerema, nous avons la spécificité d’avoir des implantations territoriales et thématiques, ce qui peut nous permettre de faire du sur mesure.
Juliette Maître : C’est le principe même d’un accompagnement personnalisé : pour certains projets, le périmètre d’opération n’est même pas encore complètement défini, nous le déterminons ensemble. Les territoires ont de l’ingénierie, mais il est parfois difficile d’enclencher les choses et de définir des priorités : c’est aussi là que nous intervenons.
L’accompagnement de ces 15 collectivités est l’une de nos activités, mais nous restons en parallèle en veille sur d’autres sujets. Nous venons notamment de sortir un article sur la décarbonation des opérations d’aménagement [voir rubrique au bas de cet article "Lire également") à la suite d’un atelier-débat que nous avons organisé sur notre communauté Quartiers de Demain qui est un groupe collaboratif destiné faciliter l'émergence de nouvelles pratiques sur l'aménagement urbain pour des quartiers plus sobres, plus résilients, plus inclusifs et plus créatifs :
Où en est votre accompagnement de ces collectivités aujourd’hui ?
Anne Vial : Il commence tout juste: la sélection a été effectuée cet été, de nouvelles collectivités ont été ajoutées très récemment à la sélection à la suite d’un AMI sur le tourisme durable, l’exercice va donc être reproduit. Nos collègues sont actuellement en plein travail pour définir les besoins des collectivités et préparer les conventions. Ils s’engagent à les accompagner pendant au moins trois ans. Il est encore difficile de faire un bilan à cette heure-ci.
Nous pouvons déjà dire que pour certaines collectivités, nous mettrons en place des conseils sur la question de la participation citoyenne et de la co-construction, ce qui représente un énorme enjeu. Cela fait d’ailleurs écho à un pôle participation que nous avons au Cerema, avec des outils tels que la boussole de la participation.
C’est ce grand écart qui fait notre particularité et que nous voulons conserver : d’un côté, être au plus près du terrain avec les collectivités et les élus sur un projet, tout en restant attentifs aux grandes tendances du secteur en prenant du recul.
En effet, la participation du public à la conception des projets est au cœur du dispositif, comment s’assurer que ces avis seront bien pris en compte dans le projet final ?
Juliette Maître : C’est quelque chose qui se travaille, nous n’avons pas les mêmes processus en fonction des situations. Certains de nos projets se situent dans des cœurs de ville, un tissu déjà constitué avec des habitants. Lorsque nous sommes dans le cas d’une friche industrielle par exemple, il faut composer avec des riverains.
Anne Vial : Notre rôle est d’inciter les collectivités à aller vers plus de participation citoyenne voire de la co-construction. C’est non seulement une tendance, mais aussi une nécessité. Nous avons pu le constater dans certains projets d’aménagement.: Ceux qui fonctionnent le mieux sont ceux qui sont coconstruits avec un maximum de partenaires c'est-à-dire avec les citoyens, les associations locales… Tout cela forme une nouvelle gouvernance. Lorsqu’il y a des moments d’échange et de collaboration entre toutes les parties, cela déclenche une meilleure appropriation pour un meilleur cadre de vie final, répondant au mieux aux besoins.
Dans le cadre de l’accompagnement des 15 collectivités, nous mettons en place des outils de partage pour permettre aux acteurs de se parler et travailler ensemble sur de nouvelles pratiques et des solutions communes.
Selon vous, toutes les collectivités peuvent-elles prétendre à l’intégration de la démarche EcoQuartier ?
Anne Vial : Le seul prérequis est d’avoir un projet avec une intention d’aménagement durable, et une volonté politique de répondre aux 4 dimensions et 20 engagements. Le reste se construit avec nous. Les contextes peuvent donc être extrêmement différents : rural, urbain, de taille et de programmation très variées.
Juliette Maître : Cela comprend notamment les DOM ou encore la Corse, nous ne nous adressons pas uniquement à la France métropolitaine.
Ane Vial : Le label EcoQuartier a aujourd’hui une renommée internationale, et nous diffusons notre expertise et nos principes au-delà des frontières.
Juliette Maître : En résumé, le seul vrai prérequis, c’est la volonté politique, car sans cela, on ne fait pas d’aménagement. Ce n’est pas une question d’argent, de taille ou d’ingénierie. Nous avons d’ailleurs sélectionné des projets avec moins d’ingénierie et donc plus de besoins pour pouvoir leur apporter notre aide. A partir du moment où nous sentons une motivation, nous pouvons toujours trouver des solutions d’accompagnement.
Il est d’ailleurs souvent beaucoup plus facile de mener des concertations citoyennes dans de toutes petites communes plutôt que dans de grandes villes. Le maire y est directement impliqué, et les habitants sont plus accessibles.
Quels freins à la décarbonation des quartiers identifiez-vous en priorité ?
Ane Vial : Il y a parfois une méconnaissance, parfois une question d’acculturation et de mobilisation. Il faut former les élus et les sensibiliser à ces questions de sobriété, de diminution des GES à l’échelle de l’aménagement, de désimperméabilisation, de réemploi, etc. C’est aussi notre rôle au Cerema, à travers nos actions sur le terrain, mais aussi via nos interventions dans différentes conférences et webinaires et nos publications régulières.
Juliette Maître : Il est certain que la question économique compte, mais c’est le cas pour tous les projets aujourd’hui : avoir un projet d’aménagement durable ne coûtera pas forcément plus cher qu’un autre type de projet. Il faut réussir à penser les choses différemment, et pour cela, les penser au plus tôt pour dépenser moins. C’est la correction après coup qui coûte généralement le plus cher. Par exemple, penser l’orientation d’un bâtiment en amont, cela ne coûte rien à part un peu de mobilisation intellectuelle !
La démarche a pour ambition de s’élargir à de nouvelles collectivités l’année prochaine. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Ane Vial : Nous avons discuté avec le ministère et tous les partenaires de la commission EcoQuartier pour proposer un accompagnement de 15 collectivités pendant 3 ans au départ, puis 15 autres l’année suivante, puis encore 15 autres, pour arriver nous l’espérons à terme sur un rythme de 45 projets à suivre par an. Nous souhaitons accompagner des projets à des stades d’avancement différents et répartis sur toute la France, ce qui nous permettrait de monter en compétences sur tout le territoire. Pour 2023, les modalités de sélection seront sensiblement les mêmes que celles de l’année dernière.
Cette année, nous avions pour thématique prioritaire les entrées de villes, et nous sommes en train de définir celle de l’année prochaine.
Juliette Maître : Les labels EcoQuartiers 2022 seront annoncées le 14 décembre. Une cinquantaine de projets ont candidaté cette année à différentes étapes de labellisation.
Exemples d’accompagnement pour les collectivités : l’expertise pluridisciplinaire du Cerema à l'échelle de l'aménagement opérationnel
Accompagnement de la collectivité dans les phases amont (en)cadrant la mise en projet et sa relation aux aménageurs, sous forme de conseils et de bilans des attendus. Cet accompagnement sera décliné dans l’élaboration des documents produits par la collectivité : cadrage d’AMI, concession, mandat ou marché d’aménagement, élaboration d’un plan guide, optimisation d’un bilan d’aménagement, etc.,
production d’indicateurs de durabilité, adaptés au contexte territorial et aux ambitions du projet,
élaboration de notes de conseil et d’expertise au fil de l’eau pour guider la collectivité auprès des bureaux d’études, AMO et aménageurs. Différents domaines pourront être mobilisés : mobilité, urbanisme, biodiversité et sobriété foncière, risques, infrastructures et ouvrages d’art, énergie/climat, etc.,
production d’une ou plusieurs expertises "à blanc" sur le référentiel ÉcoQuartier pendant la mise en projet pour évaluer les éventuels écarts (et propositions pour la réduction de ceux-ci),
conseil et accompagnement sur la participation citoyenne et la co-construction tout au long du projet, axe majeur de la réussite d’un ÉcoQuartier.
Le détail de l’accompagnement sera adapté et discuté au cas par cas avec chaque candidat en fonction de ses besoins. Il sera décrit dans une convention signée pour chaque projet lauréat entre la collectivité bénéficiaire, l’État représenté par le préfet de département ou son représentant et le Cerema.