Cet article fait partie du dossier : Dossier : les Zones à Faibles Emissions - mobilité (ZFE-m)
Voir les 9 actualités liées à ce dossierLe Congrès Electric Road permet de partager les expertises et les retours d'expériences, de présenter les dernières innovations entre les acteurs publics et privés des mobilités propres, en particulier électriques. Le Cerema y a organisé une conférence sur la mise en oeuvre des Zones à Faibles Emissions pour la mobilité, les "ZFE-m".
Cadre réglementaire et enjeu sanitaire des ZFE-m
Lors de son intervention, la représentante de la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de la transition écologique a rappelé que le trafic motorisé contribue largement à la pollution atmosphérique urbaine par les oxydes d’azote et les particules fines dans les grandes agglomérations françaises.
Elle a également rappelé les effets sur la santé et les coûts externes associés à ces pollutions, ainsi que les différentes procédures contentieuses engagées contre l’État pour non respect des valeurs limites de qualité de l’air en vigueur, sachant que la future révision de la législation européenne pourrait conduire à un alignement des valeurs limites sur les valeurs guides, plus protectrices, préconisées par l’Organisation Mondiale de la Santé. Cette intervention a également présenté les dernières évolutions du cadre réglementaire relatif à l’instauration des ZFE-m.
Après la loi d’orientation des mobilités adoptée en 2019 qui impose la mise en place de 11 ZFE-m dans les agglomérations françaises où les valeurs limites de qualité de l’air sont régulièrement dépassées, la loi climat et résilience a modifié l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales pour imposer l’instauration de ZFE-m dans près de 30 agglomérations de plus de 150 000 habitants avant le 31 décembre 2024.
Dans les ZFE-m des agglomérations où les valeurs limites sont régulièrement dépassées, les restrictions doivent désormais porter sur les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires légers. Dans ces mêmes zones, celles appliquées aux véhicules particuliers doivent respecter un cadre commun au niveau national imposant l’interdiction des voitures Crit’Air 5 avant le 1er janvier 2023, celle des voitures Crit’Air 4 avant le 1er janvier 2024 et celle des voitures Crit’Air 3 avant le 1er janvier 2025.
Dans les autres ZFE-m, les collectivités ont davantage de marge de manœuvre pour définir les restrictions, celles-ci devant toutefois toujours être fondées sur la classification Crit’Air des véhicules.
À noter enfin que les collectivités qui ont l’obligation d’instaurer une ZFE-m sont également tenues d’inclure dans l’étude réglementaire préalable à la création de leur ZFE-m une évaluation socio-économique des restrictions envisagées, et qu’elles doivent mettre en place un schéma directeur de développement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques.
Les ZFE-m en Europe
L’intervention de la représentante de l’ADEME a présenté les principaux enseignements de l’étude mise à jour en 2020 sur les ZFE-m d’Europe ("Low Emission Zones "en anglais). Près de 250 ZFE-m ont été répertoriées par cette étude dans 13 États européens, la plupart ayant été mises en place en Allemagne et en Italie. Toutes ont pour objectif de réduire les émissions du trafic routier pour améliorer la qualité de l’air.
Les mesures de restriction varient d’un État à l’autre, et parfois même d’une zone à l’autre au sein d’un même État, tant pour ce qui concerne les catégories de véhicules interdites, que pour les dérogations ou les modalités de contrôle et de sanction.
L’étude relève toutefois que la plupart des ZFE établissent des interdictions progressives dans le temps, en commençant par les véhicules utilitaires lourds.
Les impacts des ZFE sur la qualité de l’air peuvent être significatifs (jusqu’à 29 % sur les concentrations en dioxyde d’azote, 23 % pour les concentrations en particules fines, et 52 % pour les concentrations en carbone suie ou "black carbon"). Ces effets varient évidemment selon les territoires et les restrictions en vigueur. Ils sont évalués selon des méthodes différentes d’un territoire à l’autre.
L’étude met en avant plusieurs leviers d’action pour maximiser l’acceptabilité sociale et la réussite d’une ZFE :
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La communication et l’association du public dès les phases de préparation ;
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La mise en place de mesures d’accompagnement notamment d’aides financières pour les publics impactés négativement par les restrictions ;
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Les mesures de restriction et les dérogations qui doivent être proportionnées pour respecter les normes de qualité de l’air ;
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La progressivité dans le temps des restrictions pour permettre l’adaptation ;
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Le contrôle et la sanction sachant que des taux de respect des restrictions plus importants sont observés dans les ZFE où le contrôle sanction automatisé est en vigueur.
La ZFE-m de l’agglomération de La Rochelle
L’intervenant de la communauté d’agglomération de La Rochelle a d’abord présenté les nombreuses innovations mises en place dans le domaine de la mobilité sur le territoire de La Rochelle depuis 45 ans telles que les vélos jaunes en libre service, voitures électriques en libre service, navettes autonomes, livraisons par utilitaires électriques, bus de mer à hydrogène, bus électriques.
La mobilité motorisée de l’agglomération émettait 509 tonnes d’équivalents CO2 en 2019, soit 27 % des émissions des émissions totales de gaz à effet de serre du territoire. L’agglomération et ses partenaires se sont engagés dans le programme "La Rochelle Territoire Zéro Carbone" avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2040, ce qui implique une réduction des émissions dues à la mobilité motorisée de 75 % à cette échéance par rapport à 2019.
Pour y parvenir, l’agglomération table sur la réduction de la demande de déplacements motorisés, la généralisation des motorisations propres via notamment la mise en place d’une ZFE-m, et la modification de la répartition modale des déplacements. Son plan local d’urbanisme intercommunal fixe à ce titre comme objectifs de réduire la part modale de la voiture solo à 34,5 % des déplacements avant 2030 au lieu de 50,5 % en 2019, et de doubler la part modale du vélo pour la porter à 14 % en 2030 au lieu de 7 % en 2019.
En 2019, l’agglomération a complété ses initiatives en faveur d’une logistique urbaine plus écologique avec la mise en place, de manière volontaire et suite à concertation avec les acteurs concernés, d’une réglementation limitant progressivement les créneaux horaires d’accès au centre-ville des véhicules de livraison les plus polluants (Crit’Air 5 à 2) et augmentant progressivement les créneaux horaires pour les véhicules les moins émissifs (Crit’Air 1 et 0). L’objectif fixé à l’échéance 2025 est que 100 % de livraisons dans le centre-ville soient effectuées en véhicules faiblement émissifs.
L’agglomération a enfin été désignée lauréate de l’appel à projets de l’ADEME sur les ZFE et bénéficie ainsi d’une aide de l’ADEME pour étudier les impacts et les conditions de déploiement d’une ZFE-m sur son territoire. Elle prévoit d’engager les prestations intellectuelles nécessaires (études techniques et concertation) dès 2022 avec l’appui du Cerema.
La ZFE-m de Toulouse Métropole
L’intervenante de Toulouse Métropole a présenté la ZFE-m envisagée sur le territoire, ses mesures d’accompagnement et les effets escomptés. Elle a tout d’abord rappelé que l’étude et le déploiement d’une ZFE-m sur le territoire toulousain étaient prévus par la feuille de route qualité de l'air adoptée par le Préfet de Haute Garonne en 2018 et par le Plan Climat Air Energie Territorial de la métropole adopté en 2019.
La procédure mise en place s’est conformée à la loi d’orientation des mobilités adoptée en 2019 et à son décret d’application de 2020. L’arrêté de restriction de la circulation, qui permettra l’entrée en vigueur de la ZFE-m, sera pris par le Président de la métropole en application du décret prévu par la loi climat et résilience.
La ZFE-m prévue viserait à limiter les dépassements récurrents des valeurs limites de qualité de l’air en vigueur pour le dioxyde d’azote auxquels près de 8000 personnes étaient exposées en 2018 sur le territoire métropolitain selon ATMO Occitanie, et dont la responsabilité incombe principalement au trafic routier qui représentait en 2018 près de 73,5 % des émissions totales de dioxyde d’azote émises dans l’agglomération toulousaine.
Les mesures de restriction de la circulation choisies sont basées sur l’étude, réalisée entre 2018 et 2020 par ATMO Occitanie et l’Agence d’Urbanisme et d’Aménagement de Toulouse (AUAT), des effets sur les trafics et la qualité de l’air d’une dizaine de scénarios. Les mesures choisies tiennent également compte de la consultation réglementaire du public réalisée en 2021.
Ces mesures s’appliqueraient 24h/24 et 7j/7 sur un périmètre de 72 km² où résident près de 420 000 habitants, centré sur Toulouse, recouvrant une partie des communes de Colomiers et Tournefeuille, et bordé par les autoroutes A62 et A620 qui sont exclues du périmètre.
Elles s’appliqueraient de manière progressive :
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Dès 2022 : interdiction appliquée aux véhicules utilitaires légers et lourds non classés Crit’Air ou classés Crit’Air 5 et 4 ; autorisation accordée aux autres véhicules utilitaires classés 3, 2, 1 ou 0, ainsi qu’à tous les véhicules particuliers quelle que soit leur classe ;
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Dès 2023 : interdiction appliquée à tous les types de véhicules (utilitaires et particuliers) non classés Crit’Air ou classés Crit’Air 5 et 4 ; autorisation pour tous ceux qui sont classés Crit’Air 3, 2, 1 ou 0 ;
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Dès 2024 : interdiction appliquée à tous les types de véhicules (utilitaires et particuliers) non classés Crit’Air ou classés Crit’Air 5, 4 ou 3 ; autorisation pour tous ceux qui sont classés Crit’Air 2, 1 ou 0.
Les évaluations réalisées par ATMO Occitanie et l’AUAT ont montré que les mesures de restrictions retenues devraient permettre une réduction de près 13 % des émissions de dioxyde d’azote sur le périmètre de la ZFE, et améliorer la qualité de l’air pour plus de 430 000 personnes.
À noter que Toulouse Métropole met en place des mesures d’accompagnement renforcées pour aider les professionnels et les particuliers à s’adapter aux mesures prescrites, notamment :
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Des primes véhicules plus propres pour la destruction des véhicules classés Crit’Air 4 ou 5 ou non classés et leur remplacement par des véhicules neufs ou d’occasion classés Crit’Air 0 ou 1, ou la conversion ("retrofit") de véhicules existants avec des motorisations plus propres (3 centres agréés sont présents sur le territoire pour réaliser ces opérations) ;
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Des primes vélo pour l’achat, la location ou la transformation de vélos.
Ces aides peuvent compléter celles de l’État, de l’ADEME et de la Région Occitanie.
Concilier justice sociale et justice environnementale
L'intervenante de 6t-bureau de recherche a centré son propos sur la prise en compte des enjeux d'équité et d'acceptabilité sociales liés à la mise en place des ZFE-m.
Elle a commencé par rappeler la multiplicité des usages personnels et professionnels de la voiture particulière ainsi que son importance fonctionnelle et symbolique. La voiture apparaît alors nécessaire à certains ménages pour composer avec les complexités spatio-temporelles de leur programme quotidien d'activités. Cette dépendance à la voiture se trouve exacerbée pour les ménages modestes et/ou résidant dans des territoires pas ou peu desservis en transports en commun.
Ces différents facteurs (manque d'alternatives à la voiture individuelle, coût financier du changement de mode de déplacement ou de véhicule), combinés à des facteurs psychologiques dont l'importance ne doit pas être négligée (barrières et coûts symboliques associés au changement) peuvent selon elle engendrer une résistance aux changements des comportements de mobilité qu'impliquent les ZFE-m.
Elle a également rappelé que la mise en place des ZFE-m peut :
- d'une part représenter un levier de justice environnementale pour réduire l'exposition des ménages modestes à la pollution de l'air,
- d'autre part représenter un risque d'aggravation ou de création de nouvelles formes d'exclusion pour ces catégories de ménages compte tenu des restrictions de circulation qu'elles imposent, et ce dans des délais relativement courts.
Partant de ces constats, l'intervenante a mis l'accent sur la nécessité d'évaluer suffisamment finement les impacts sociaux des ZFE-m, ce qui constitue selon elle une étape préalable essentielle pour anticiper et limiter leurs externalités sociales négatives, évaluation désormais bien prévue par la loi climat et résilience.
Elle a également mis l'accent sur l'importance de bien communiquer, tant sur les modalités du dispositif ZFE-m (calendrier, types de véhicules concernés) que sur les objectifs auxquels les ZFE-m répondent. Cela permettrait à la fois de favoriser l'acceptabilité sociale de la mesure et, pour les ménages affectés, d'anticiper les changements rendus nécessaires par les restrictions de circulation. Outre la communication, des mesures d'accompagnement pour permettre à tous d'accéder aux aides et alternatives proposées par la collectivité apparaissent nécessaires (accompagnement dans les démarches pour obtenir une aide à l'achat, par exemple).
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