Cet article fait partie du dossier : Mieux connaître les amphibiens pour mieux les protéger
Voir les 2 actualités liées à ce dossierDepuis mi-décembre et jusqu'à mi-mars, la route départementale RD28 est fermée afin de protéger les espèces d'amphibiens qui sont actuellement en période de migration pour rejoindre leurs habitats de reproduction se trouvant de l'autre côté de la route. Pendant cette période une démarche participative impliquant les collectivités, les associations de défense de l’environnement et les riverains est lancée afin de choisir la meilleure solution pour préserver la biodiversité sans nuire aux populations locales de ce territoire.
Une biodiversité exceptionnelle
Situé dans le département des Côtes d'Armor, sur la commune de Lamballe-Armor, le site des Landes de La Poterie est classé Natura 2000. Il abrite une flore et une faune exceptionnelles. Cette dernière compte notamment onze espèces d'amphibiens, toutes protégées et souvent menacées. Crapauds, grenouilles, tritons et salamandres s'épanouissent sur ce site particulièrement attrayant en raison de la diversité de ses espaces naturels. Les amphibiens prennent en effet leurs quartiers d'été dans les bois et la prairie et rejoignent les mares, ornières et flaques pour se reproduire en hiver.
Seulement, ces différents espaces sont situés de part et d'autre de la RD28 que ces petits animaux sont forcés de traverser deux fois dans l'année. Une traversée mortifère contre laquelle les élus, les associations comme Vivarmor Nature et certains riverains ont décidé de réagir.
Le temps des expérimentations
Durant 3 hivers, de 2016 à 2019, la communauté d'agglomération Lamballe Terre & Mer, l'association VivArmor Nature et de nombreux bénévoles se sont associés pour l’installation d'un crapaudrome. Sous ses allures de superstructure pour batraciens, ce terme désigne en fait un dispositif de déplacement manuel des individus.
A l'aide de seaux et de 800 m de bâches, pendant 355 jours répartis sur les 3 ans, 60 bénévoles ont fait traverser les tritons, grenouilles, crapauds et salamandres souhaitant rejoindre leur lieu de reproduction, leur évitant d'être écrasés par les 400 véhicules qui circulent quotidiennement sur la RD28. Très contraignant en temps-homme, ce dispositif a toutefois été efficace puisqu'il a permis de sauver plus de 4000 individus.
Après trois saisons, une solution temporaire en attendant de trouver le dispositif le mieux adapté a donc été engagée en 2019 : la fermeture pure et simple de la portion de route du 20 décembre 2019 au 2 mars 2020 et la mise en place d'une déviation rallongeant les trajets quotidiens. Grâce à cette solution d’urgence, aucun amphibien n'a été écrasé durant l'hiver 2019-2020.
L'expérimentation devait être limitée à une année, mais la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 et le confinement qu'elle a entraîné n'ont pas permis son évaluation et la mise en place d'un dispositif alternatif et pérenne pour l'hiver 2020-2021. La fermeture a donc été reconduite le 14 décembre dernier et la route restera interdite aux véhicules jusqu'au 15 mars prochain.
La force du partenariat
En juillet dernier, une convention de partenariat a été signée entre la commune de Lamballe-Armor, la communauté d'agglomération Lamballe Terre & Mer, le Conseil départemental des Côtes d'Armor et le Cerema.
Cette convention acte la mission de recherche et développement confiée au Cerema, dont l'objectif est de trouver une solution efficace, pérenne et collectivement approuvée afin de préserver la biodiversité sans trop peser sur les finances publiques ni gêner les riverains.
Bénéficiant de l’expérience acquise sur ce site par Lamballe Terre & Mer et l’association VivArmor Nature, la mission de recherche et développement confiée au Cerema est pluridisciplinaire car elle vise à établir un diagnostic non seulement écologique mais aussi économique et sociologique afin de proposer une solution partagée.
Les étapes de la démarche participative
Le 20 octobre 2020, une réunion publique s'est déroulée auprès des habitants et des usagers de Lamballe-Armor et plus spécifiquement de ceux de La Poterie et de Trégomar. Une enquête auprès des habitants est en cours afin de recenser leurs pratiques, leurs perceptions du site et de recueillir leurs propositions. Des ateliers participatifs et des sorties pédagogiques seront aussi organisés début 2021 à La Poterie.
Pour y participer, les habitants peuvent contacter Lamballe Terre & Mer au 02 96 50 59 37 ou sur environnement@lamballe-terre-mer.bzh. Des réunions d’échanges sont également prévues afin d'analyser tous les paramètres à prendre en compte pour choisir la meilleure solution.
Plusieurs scénarios seront étudiés et comparés. Les effets de la fermeture hivernale testée depuis deux ans seront comparés dans tous leurs aspects (écologique, économique, social…) à d'autres solutions comme la mise en place de barrières automatiques à certaines périodes et horaires (les amphibiens se déplacent surtout la nuit), la mise en place d'un passage dédié ou encore la fermeture définitive de la route.
Trouver la solution gagnante pour tous
La première étape de la démarche consistera à étendre l’étude de la migration prénuptiale des espèces qui se reproduisent sur le site sans se limiter aux seuls abords de la section RD28 fermée. Des points de collision non encore identifiés peuvent en effet exister et les trois ans de transfert manuel des amphibiens n'ont pas permis de déterminer l’ensemble des points de passage des animaux sur le secteur des Landes de La Poterie.
Les différentes étapes de l'analyse et de la concertation compareront les différentes solutions sous plusieurs aspects. Elles analyseront les contraintes techniques, les coûts, le planning de réalisation, mais aussi les procédures administratives nécessaires. Elles prendront en compte aussi les conséquences sur la sécurité et la circulation routière des différents scénarios.
La consultation des riverains et des usagers ainsi que des comptages trafic permettront par ailleurs de savoir comment la fermeture de la route au cours des deux derniers hivers a été perçue et utilisée par les habitants, et si elle a engendré de nouveaux usages, par exemple de nouvelles utilisations de la route fermée ou des itinéraires de substitution mis en place.
Le rôle du Cerema
Le Cerema dispose d'une expertise pluridisciplinaire, non seulement sur les aspects liés à la biodiversité, mais aussi en termes d'aménagement, d'analyse du trafic et de prise en compte des aspects économiques et sociaux.
Le Cerema Ouest, pilote du projet, s'appuiera sur les réalisations d’aménagements effectuées récemment par d’autres collectivités sur d'autres sites comme La Flèche (72) ou Moisdon-la-Rivière (44) mais aussi sur les experts de ces questions au sein du réseau Cerema qui ont d'ailleurs publié en 2019 une étude dédiée spécifiquement aux dispositifs de franchissement des infrastructures de transport terrestre par les amphibiens.
La démarche participative incluant une dimension technique et pédagogique est expérimentale et intéresse particulièrement le Cerema désireux de travailler de manière plus étroite avec les collectivités et la société civile. Outre la préservation des amphibiens et de leurs habitats, elle permettra de sensibiliser la population aux enjeux de biodiversité sur leur territoire au sens large mais aussi de questionner les usages et leur impact sur les écosystèmes du site des Landes de la Poterie.
Dans la presse :
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