5 février 2018
Pipistrelle
Jean-François Bretaud
De manière à pérenniser les initiatives des Centres d'Entretien et d'Intervention (CEI) de la DIR Ouest et permettre de préciser la localisation d’éventuels aménagements en faveur de la faune, le Cerema Ouest a rédigé un protocole de relevé des collisions simple de mise en œuvre pour une appropriation de tous les agents des CEI.

La localisation des collisions implique une présence importante d’observateurs pour recenser les cadavres sur les réseaux routiers. L’intégration du recensement des cadavres aux activités d’entretien du réseau, qui nécessitent déjà des patrouilles régulières, est donc une opportunité intéressante.

L'objectif de ces relevés est d’obtenir des indications permettant de déterminer, à moyen terme (quelques années), les points de conflits résultant de l’interaction entre une partie de la faune sauvage et l’infrastructure de transport.

Le protocole de relevé des collisions

Relevé

Fréquence et zone des relevés

Les données déjà récoltées montrent que des collisions sont relevées tout au long de l'année, ce qui indique que le déplacement des espèces pour accomplir tout ou partie de leur cycle de vie a proximité du réseau DIR Ouest est permanent.

Les relevés de collisions doivent donc être réalisés toute l'année, par chacune des patrouilles de la DIR Ouest.

Le relevé des collisions est à réaliser de manière impérative sur toutes les zones imperméabilisées. Dans les limites de ce qui est raisonnable de faire afin de garantir la sécurité pour les agents, le relevé en terre plein central revêtu est également à réaliser.

Le relevé des animaux visibles est également à réaliser sur les zones identifiées comme « relevé au cas par cas  » sur le schéma ci-après. Il n'est pas demandé de chercher de cadavres d'animaux sauvages mais bien de recenser uniquement ce qui est visible.

Quoi recenser ?

Le protocole n'impose pas de taille minimale ou maximale d'animaux à recenser. Il est demandé de recenser les cadavres visibles.

Concernant les oiseaux, l'espèce est à renseigner autant que possible. Mieux vaut ne pas renseigner l'espèce plutôt que noter une identification erronée. L'identification d'un amphibien écrasé est très difficile, la seule mention « amphibiens » donne déjà une indication intéressante. Même dans le cas où l'animal n'est pas reconnaissable, il convient d'essayer d'identifier le groupe auquel il appartient (oiseaux, petit mammifère, reptile, amphibien etc...).

La seule mention d'une collision est déjà une donnée intéressante. En tout état de cause, il est très important de bien noter le Point Routier (PR) + abscisse1 de la collision pour rendre ce travail utilisable.

1Pour faciliter le travail des agents des routes et améliorer l’efficacité des interventions en cas d’accident, les réseaux routiers sont divisés en Points Routiers (PR), sauf cas particulier un PR mesure environ 1km. L’abscisse représente le nombre de mètre que l’on compter après le PR. Les PR sont généralement matérialisés par des plaquettes de signalisation.

 

Comment recenser ?

Pour être utilisable sur l'ensemble du réseau et permettre une analyse des points de conflits, il est important que la donnée récoltée soit homogène et « géoréférençable ». La mise en œuvre d'une base de données structurée permet une analyse diachronique des événements de collisions.

De manière à éviter les doubles comptages, les cadavres inventoriés seront, selon les contextes, soit récoltés, soit mis sur le bas côté pour qu'ils soient invisibles d'un prochain opérateur, soit laissés en place pour respecter les conditions d'exploitation en toute sécurité.

Chaque cadavre recensé doit être inscrit sur une fiche de relevés à remplir à chaque fin de patrouille. La compilation de l'ensemble des fiches est faite à la fin de chaque mois, par le chef de Centre qui se chargera de la transmission au service de gestion des données de la DIR Ouest.

Le réseau de la DIR Ouest est susceptible d'impacter directement la Loutre. Une attention particulière doit être portée sur cette espèce emblématique. Ainsi, à chaque cadavre qui pourrait engendrer une confusion avec d'autres espèces (vison, martre, fouine, belette, hermine), des photos doivent être prises. Les clichés seront pris de manière à faciliter l'identification de l'espèce en y mettant un repère physique (crayon, clef...). Le numéro de la ou des photos sera noté sur la fiche de relevé et le tout transmis pour identification et selon les contacts déjà établis par chacun des centres au GMB, à la LPO, à MNE ou au Cerema Ouest.

Procédure

Gestion des données

La pérennité du dispositif passe par son organisation. Au début de chaque mois, la fiche de relevé du mois précédent transcrite sur tableur est envoyée au service de gestion des données de la DIR Ouest. Ce document récapitule l'ensemble des données saisies dans le mois. Dans le protocole et pour faciliter le travail du service d’information géographique de la DIR Ouest, est demandé que les fichiers soient intitulés de la manière suivante : CEI_collisions_annee_moisentoutelettre (Exemple= CEIpleslintrigavou_collisions_2014_janvier).

Les données sont transmises une fois par an aux partenaires naturalistes et mises à disposition sur les plates-formes régionales de données environnementales (SIG Loire et Géo Bretagne). De manière à illustrer l'utilité du travail réalisé par les CEI, la DIR Ouest transmet deux fois par an une cartographie des collisions aux CEI et aux districts.

Les résultats

Le protocole est en place à la DIR Ouest depuis le 1er janvier 2014. Le taux de retour des fiches est de l’ordre de 98 % depuis 4 ans, ce qui signifie que la démarche est maintenant bien ancrée dans la routine des patrouilleurs. On constate évidemment des disparités entre CEI, certains étant plus sensibles à cette thématique que d’autres.

Chaque année, les agents recensent entre 5000 et 5500 cadavres d’animaux sur leur réseau, ce qui représente en moyenne environ 3,5 cadavres d’animaux / km / an.

En prenant un poids moyen en fonction de l’espèce percutée, l’ensemble de ces collisions représente environ 34 tonnes de biomasse pour 1500 km de réseaux sur 1 an.

La rédaction de ce protocole de relevé des collisions est la première étape d’une démarche globale. Pour accompagner la mise en place de ce protocole, le Cerema a organisé et dispensé des sessions de formation des personnels d’exploitation, organisées en 2 modules :

  • Le premier module nommé « Socle commun » était une acculturation aux problématiques de la biodiversité en lien avec les infrastructures routières.

  • Le second module concernait directement la reconnaissance de la faune sauvage et notamment les clés de détermination caractéristiques de chaque espèce. Il permettait également d’expliquer le protocole de relevé des collisions.

 

L'évaluation du protocole : une commande nationale

Compte-tenu de la volonté de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du Ministère de la Transition écologique et solidaire d’inciter l’ensemble des DIR à mettre en place le relevé des collisions sur leurs réseaux, cette direction centrale a demandée aux Cerema d’accompagner les DIR dans l’application du protocole national (largement inspiré du protocole que le Cerema a rédigé pour la DIR Ouest). Au regard de l’avance prise par la DIR Ouest dans ce domaine, la DGITM a demandé au Cerema Ouest d’évaluer ce protocole en comparant les résultats obtenus par l’utilisation des données récoltées par son intermédiaire, avec les résultats d’un autre protocole, plus rigoureux sur le plan scientifique.

En 2016, le Cerema Ouest est donc chargé par la DGITM, sur le réseau de la DIR Ouest, d'évaluer la représentativité de la méthode de relevé des collisions pratiquée au quotidien par les agents d’exploitation, par la réalisation de relevés mensuels sur 2 secteurs homogènes de 40 km. L’objectif n’est pas de mesurer l'écart de détectabilité des cadavres d'animaux entre le travail fait actuellement par les agents et ce qui est identifiable par une personne expérimentée dans des conditions optimales de collecte. Il s’agit en revanche de travailler sur la méthode globale, notamment en ce qui concerne la détection des points noirs de collisions en utilisant les données récoltées par chaque méthode.

Ce protocole, a été rédigé en collaboration avec le Cerema Sud-Ouest :

  • Chaque mois pendant 1 an, parcours sur deux CEI test, d'un tronçon sélectionné de 40 km dans les deux sens de circulation, en position de passager dans un véhicule circulant à 40km/h environ.

  • Les cadavres étaient notés et enlevés de la chaussée pour éviter les doubles comptes d'un passage à l'autre.

  • Le conducteur était un agent de la DIR Ouest, pouvant utiliser un véhicule équipé des éléments de sécurité. Il est important que l'agent en question se sente concerné par les problématiques environnementales, cette expérimentation pouvant être un bon moyen de formation et de perfectionnement à la reconnaissance des espèces.

  • Les cadavres vus par le conducteur sont également inclus au relevé.

Outre la localisation précise du cadavre, la fiche de relevé, permet de recueillir des informations supplémentaires pouvant aider à l’analyse et à l’interprétation des résultats (le type de terre plein central, les abords, la position de la voie en déblais ou en remblais ainsi que la localisation du cadavre sur la voie).

Ce travail méthodologique appliqué à l’infrastructure permet de faire le lien entre les contraintes de terrain et le monde de la recherche. La robustesse des données acquises a permis d’être sélectionné par le programme de recherche ITTECOP (Infrastructures de Transports Terrestres, ECOsystèmes et Paysages) pour la réalisation d’un travail de recherche exploratoire en collaboration avec le MNHN.