Cette solution innovante a été déployée sur un pont d’une travée de 11,75 m, construit en 1993 et supportant la RN7 à Pontcharra-sur-Turdine, dans le Rhône. Le tablier de ce pont, constitué de 28 poutres préfabriquées en béton précontraint par fils adhérents (PRAD) a été endommagé suite à un choc de poids lourd hors gabarit, et des travaux de réparation ont été entrepris en juillet 2018.
Des lamelles en fibres de carbone fixées sur l’ouvrage
Le Cerema a effectué le diagnostic détaillé de l’ouvrage. Hormis quelques dégradations mineures, l’essentiel des désordres se concentrait sur une des poutres préfabriquées, sans impacter la capacité portante de l’ouvrage. Fortes de ce constat, les équipes du Cerema ont recommandé la reconstitution de cette poutre et son renforcement par une précontrainte extérieure additionnelle à l’aide de lamelles en carbone tendues et ancrées dans l’âme de la poutre.
L’aspect novateur de ces réparations est le matériau employé pour la précontrainte, des lamelles de polymères renforcées par des fibres de carbone, et la manière dont cette dernière est appliquée, par ancrage aux extrémités et sans collage sur la structure en béton. Ces lamelles jouent un rôle structurel et évitent le recours à des câbles de précontrainte "traditionnels" en acier.
La solution qui a été sélectionnée, pour ce qui constitue une première en France, est celle des lamelles développées par Etic (société de génie civil spécialisé filiale d’Eiffage), par Sika et par StressHead (fournisseurs du procédé "CarboStress", composé des lamelles "CarboDur S626" et des têtes d’ancrage "StressHead 220".
Cette solution de précontrainte extérieure par polymères renforcés de fibres de carbone (PRFC) est innovante. Une seule expérience existe au niveau français, appliquée sur un pont du réseau routier départemental des Ardennes, mais avec une différence notable puisque les lamelles sont collées sur las structure qu’elles renforcent.
Le choix de cette technique destinée à renforcer la poutre abîmée s’est fait sur les points suivants :
- un poids relativement faible qui ne surcharge pas l’ouvrage et n’influe pas sur son fonctionnement,
- une faible sensibilité à la corrosion,
- un bon comportement probable à la fatigue,
- la possibilité de retendre les lamelles en cas de perte de précontrainte.
Un suivi de l’expérimentation par le Cerema durant 3 ans
Pour compléter ses connaissances sur ce procédé, le Cerema a instrumenté le pont de Pontcharra-sur-Turdine pour estimer la performance de cette méthode sur le long terme. Des capteurs à fibre optique « par interférométrie polarimétrique à lumière blanche » et des fibres optiques distribuées ont été employées. L’instrumentation est complétée par des capteurs de température.
Cette instrumentation, mise en place sur la poutre endommagée et sur une poutre voisine, poursuit des objectifs à court terme – vérifier la mise en tension des lamelles et mesurer la contrainte additionnelle amenée dans la poutre –, et à moyen-long terme – mesurer la relaxation éventuelle de la précontrainte additionnelle et estimer ses conséquences dans la poutre –.
Ce procédé de précontrainte extérieure additionnelle a l’avantage d’être rapide et simple dans sa mise en œuvre et pourrait être utilisé de manière plus systématique lors de réparations similaires.
Cette solution innovante a été l'un des projets lauréats du Concours Innovation Routes et Rues 2019, auquel le Cerema contribue notamment pour sa gestion opérationnelle.