24 juin 2019
Jardins familiaux à Suresnes, en bordure de voie de RER
Arnaud Bouissou - TERRA
Les 13 et 14 juin 2019 à Dunkerque, les Rencontres Nationales de l'Ingénierie Territoriale étaient tournées vers l'économie circulaire, une thématique sur laquelle travaillent plusieurs équipes du Cerema, dans différents domaines. Retour sur les interventions sur le bruit, la mobilité et l'espace public, et deux guides à propos du recyclage des sédiments de dragage et des mâchefers.

 

Le bruit, parent pauvre de l'économie circulaire ?

Deux spécialistes du Cerema sont intervenus au cours de cet atelier.

Bernard Miege, chef du projet environnement santé, a présenté deux outils complémentaires qui permettent d'évaluer l'exposition des habitants au bruit.
Capture d'écran de la visualisation de la carte sur Orhane
Visualisation de l'exposition bruit / pollution de l'air au sud de Lyon

La plateforme ORHANE (Observatoire Régional Harmonisé Auvergne Rhône-Alpes des Nuisances Environnementales) est un observatoire régional qui croise les nuisances en termes de pollution atmosphérique et de bruit via un indice de co-exposition air-bruit. ORHANE est un outil cartographique d'information et d'aide à l'identification des territoires où il existe des enjeux environnementaux liés à la pollution atmosphérique et au bruit.

Cette plateforme web, qui est à disposition de l'ensemble des acteurs des territoires aux différentes échelles, permet de mutualiser l'information, de disposer de données homogènes avec une grande précision géographique. La plateforme bénéficie également aux acteurs de l'aménagement des territoires, aux gestionnaires d'infrastructures et au grand public.

L'outil prend en compte le bruit engendré par les routes, voies ferrées, avions, et les multi-expositions, ainsi que, pour la pollution atmosphérique, l'oxyde d'azote, les particules fines et la combinaison des deux, pour déterminer le niveau d'altération ou de dégradation de la zone.

BAOBAT est une base de données géoréférencées d’indicateurs qualifiant l’enveloppe du bâtiment, développée par le Cerema. En regroupant et en exploitant des données dispersées relatives au bâtiment (mesures, réglementation, classes de bâtiments, matériaux...), BAOBAT permet d'estimer les niveaux d'isolement acoustique pour l'ensemble des bâtiments d'un territoire. BAOBAT permet de visualiser sur une cartographie à l'échelle de quartier le niveau d'isolement acoustique de chaque bâtiment ainsi que l'isolement acoustique au bruit ambiant.

Ces deux outils sont amenés à évoluer, par l'amélioration de la qualité des diagnostics, l'intégration de nouveaux jeux de données sur la qualité des bâtiments, l'amélioration des connaissances sur l'exposition et les caractéristiques des établissements recevant des populations  vulnérables (écoles, hôpitaux, crèches...), et la prise en compte de l'exposition dynamique des populations. 

 

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couverture de l'ouvrageLouise Mazouz, chargée d’étude acoustique, a présenté la démarche du Cerema ayant guidé la réalisation de l'ouvrage "Du calme en ville, aménager en faveur du bien-être".

Ce guide s’appuie sur des retours d’expériences issues des collectivités pionnières dans ce domaine, en insistant sur la démarche d'identification et de création de zones de calme dans l'espace urbain. 

D'après le code de l'environnement, les zones de calme "sont des espaces extérieurs remarquables par leur faible exposition au bruit, dans lesquels l'autorité qui établit le plan souhaite maîtriser l'évolution de cette exposition compte tenu des activités humaines pratiquées ou prévues".

En termes de bénéfices, ces zones de calme ont un impact sur:

  • L'économie et l'attractivité du territoire : espaces publics agréables, ce qui favorise le tourisme, l'implantation d'entreprises, réduit le coût social de la pollution sonore...
  • L'environnement: ces espaces favorisent l'équilibre entre la biodiversité et l'activité humaine, favorisent les ilots de fraicheur, ainsi que la biodiversité.
  • La société: elles améliorent la qualité de vie.
  • L'organisation de la ville: l'existence de ces zones de calme entraîne une réflexion sur la morphologie urbaine, sur l'alternance des espaces, en amont de la planification ou de l'aménagement.

Pour identifier ou créer une zone de calme, le recours à des sources d'information géoréférencées permet un pré-zonage des zones de calme. La réflexion, pour être efficace, doit être transversale et inclure les acteurs impliqués dans l'aménagement, le transport, la qualité de l'air, la biodiversité...

Différentes sources d'information sont disponibles: 

  • Cartes de bruit stratégiques,
  • Secteurs bâtis et établissements sensibles,
  • Densité de population,
  • PLU/PDU et ScoT,
  • Zones apaisées,
  • Trames vertes et bleues,
  • Plan Climat Air Energie Transport...
Passage de verdure en ville
Passage de nature en ville, à Lyon 

Un recueil complémentaire d'informations avec des mesures et observations permet d'affiner l'analyse, avec des mesures acoustiques in situ, des balises permanentes ou temporaires, l'observation des usages et des comportements, des questionnaires aux usagers... Le fait d'associer les usagers, les associations d'usagers ou de riverains, et des sociologues pour analyser et qualifier la perception de ces espaces renforce la qualité du diagnostic.

Enfin, la sélection et la hiérarchisation des zones de calme, qu'elles soient déjà existantes ou bien en création, se fait en fonction d'enjeux locaux, avec des critères tels que les seuils et les sources de bruit, la typologie du bâti, la qualité d'usage, l'accessibilité, le ressenti des usagers...

La notion de zone d'apaisement intervient: au-delà de 65dB(A) la zone est considérée comme critique sur le plan du bruit. En-deçà de 55 dB(A), la zone est considérée comme calme. Entre les deux se situe la zone d'apaisement. 

Télécharger la présentation :

Intégrer les usages de l’espace public pour une approche systémique de la mobilité

Cet atelier était synthétisé par Mathieu Rabaud, et comportait trois présentations:

  • Vélos en libre service à Caen
    Vélos en libre service à Caen- Arnaud Bouissou - TERRA
    Bordeaux Métropole : rédaction d'une charte concernant les véhicules en libre service (vélo, trottinette et scooter). Limitation du nombre de véhicules par opérateur, stationnement sur emplacements dédiés, etc.
  • Le bureau d'études VIGS a présenté les résultats d'une enquête qualitative sur la gratuité des transports collectifs à Dunkerque et la refonte du réseau de transport qui l'a accompagné en 2018.
  • La Métropole Européenne de Lille (MEL) a présenté ses travaux sur le stationnement dans le cadre d'un prochain déménagement du siège de la MEL comportant moins de places de parking qu'avant. 

 

Parmi les piliers de l’économie circulaire, il est possible d’en transposer plusieurs au sujet de la mobilité et de faire le lien avec ces trois exposés :

  • L’économie de la fonctionnalité, c’est-à-dire privilégier l’usage d’un bien à sa possession. Le cas d’un service de location de trottinette correspond bien à un bien que l’on ne possède pas, et l’usage des transports collectifs suit la même logique. En prenant les transports, pas besoin de posséder un véhicule pour se déplacer.
  • La réutilisation : on ne parle pas ici de déchets mais le principe est le même. En permettant à plusieurs personnes d’utiliser une même trottinette au cours de la journée, on va maximiser sa durée d’usage et donc son utilité. A titre d’exemple, une voiture possédée par un ménage roule en moyenne une heure par jour, ce qui signifie que 96% du temps, elle est inutilisée ce qui représente un grand gâchis. Dans le domaine du stationnement, la mutualisation des places représente un potentiel très important d’économie : une même place de parking peut être utilisé la nuit par un riverain, la journée par un employé du quartier et le samedi par des personnes venues faire des courses.
  • La consommation responsable, que l’on peut traduire ici par le fait d’utiliser des modes de déplacements nécessitant de consommer moins d’énergie. Une trottinette de 10 à 20 kg avec un moteur électrique présente un meilleur bilan énergétique qu’une voiture de 2 tonnes avec un moteur thermique. Par contre, face à un piéton ou un vélo, le bilan est évidemment moins intéressant… Utiliser les transports en commun permet également de diminuer la consommation énergétique des déplacements, et le stationnement est potentiellement un outil puissant de modification des comportements.
Trottinettes en libre service à Paris
Trottinettes en libre service à paris - Manuel Boucquet - TERRA

Parler d’économie circulaire, c’est parler d’économie, et donc de valeurs. On peut penser à la valeur financière des choses bien entendues, comme le prix d’utilisation des transports collectifs ou le coût du stationnement, mais on peut penser aussi au sujet des valeurs symboliques.

En termes de symbole, pourquoi par exemple voit-on tant de prises de position médiatiques sur le problème du stationnement des trottinettes en free floatting, qui est un véritable problème dans certaines villes, alors que la question du stationnement des deux-roues motorisés sur ces même trottoirs laisse le plus souvent indifférent ? Combien de reportages voit-on dans les médias avec des images d’illustration présentant une trottinette mal garée et trois scooters tout aussi mal garés en arrière plan ?

Sur les transports collectifs, la question du contrôle de la fraude est généralement un sujet assez porteur. Il faut lutter contre la fraude afin de maximiser les recettes du réseau, etc. C’est tout à fait juste, et, à titre d’exemple, il y a quelques années, la Métropole Européenne de Lille a décidé d’augmenter les contrôles afin de faire baisser le taux de fraude estimé à 14% des voyageurs. En parallèle, on entend beaucoup moins parler de la question de la fraude au stationnement payant sur voirie pour les automobiles. Avant la dépénalisation, la mairie de Paris a communiqué sur le taux de fraude constaté au stationnement sur voirie. Il était de l’ordre de 90%...

Enfin, toujours sur la thématique des différends de valeur, on peut réfléchir sur les aides des entreprises pour faciliter la mobilité de leurs salariés. Il a été compliqué de faire passer le remboursement de la moitié de l’abonnement aux transports collectifs, qui représente un coût entre 20 et 50€ la plupart du temps. Dans le même temps, la mise à disposition de stationnement automobile gratuit pour les employés ou les agents est rarement un sujet « quand tout va bien ». Quand cela se complique, comme on a pu le voir au cours de l’atelier, on en arrive à évoquer sérieusement la possibilité de mettre à disposition des places de parking loué 140€/mois aux agents… 

A nouveau, on voit que les valeurs sont bien différentes selon les modes de déplacements…

Enfin, la question des biens communs est un aspect important de l’économie circulaire. Les biens communs sont mis à disposition gratuitement de tout le monde afin de pouvoir être utilisés pour des besoins personnels. Le bien commun par excellence de la mobilité, c’est l’espace public !

rue à paris avec piéton, vélo, trottinette, voiture
Manuel Boucquet - TERRA
 
Les problématiques en lien avec l’espace public sont nombreuses :
  • Comment le partager ? Si on a longtemps eu la tentation de prévoir des files de circulation pour chaque mode, la multiplication des modes disponibles et l’étroitesse des rues ne le permet plus.
  • Comment cohabiter ? Gérer les différents véhicules selon leur vitesse, leurs caractéristiques techniques, leurs besoins tout en proposant des règles les plus simples et les plus intuitives possibles…
  • Comment arbitrer ? Au final, il faut faire des choix, mais sur quels critères ? On peut décider d’affecter l’espace disponible au prorata des parts modales des différents modes de déplacements, on peut aussi décider de s’appuyer sur leur impact environnemental. On peut aussi faire des choix politiques et décider sciemment d’avantager certains modes par rapport à d’autres.

Quelque soient les choix réalisés, il faut garder à l’esprit qu’une fois que l’on a aménagé l’espace public, que l’on a coupé le ruban, rien n’est fini et tout commence. En effet, les aménagements doivent être non seulement bien conçus, mais par la suite, il faut les entretenir et les faire respecter. A quoi sert une bande cyclable si elle est couverte d’un épais tapis de feuilles mortes glissantes à l’automne, de graviers et de tessons de verre le reste de l’année? A quoi sert le plus beau des couloirs de bus s’il est continuellement bloqué par des voitures en stationnement ? A quoi servent les plus grands trottoirs s’ils sont encombrés des poubelles des riverains ? Ces infrastructures de déplacement, elles aussi, au même titre que des infrastructures routières, méritent également d’être correctement exploitées.

 

Interview en 3 questions, réalisée pour le site internet du Cnfpt.

En quoi le concept d’économie circulaire peut-il s’appliquer aux questions de mobilité ?

Les piliers de l’économie circulaire peuvent se décliner sur le sujet de la mobilité. Par exemple :

  • Ecoconception des transports : Des aménagements qui incitent à des pratiques plus respectueuses : de l’environnement (en favorisant par exemple les modes actifs), des autres (en diminuant les vitesses et le bruit). Cela peut également se décliner à l’échelle des véhicules : moins lourds, plus faciles à réparer, etc.
  • Economie de la fonctionnalité : bien entendu le covoiturage ou l’autopartage ainsi que les vélos en libre-service
  • Consommation responsable : Le "Flygskam", c’est-à-dire la "honte de prendre l’avion" qui commence à se développer, développement du voyage et du tourisme à vélo (Loire à vélo, Vélodyssé, ViaRhôna).

 

L’atelier sur la mobilité a abordé les questions du stationnement, de la gratuité des transports et des trottinettes en libre-service. Comment ces sujets variés peuvent-ils se rattacher à l’économie circulaire ?
Tramways de Mulhouse
Tramways de Mulhouse - Daniel Joseph-Reinette - TERRA

La gratuité des transports en commun permet une consommation de mobilité plus responsable en rendant plus accessible et compétitive cette offre de transport par rapport à d’autres. Par son aspect inclusif, elle permet de n’exclure personne et d'intensifier l’usage d’un service public existant.

Les trottinettes en libre-service présentent un potentiel important pour remplacer des trajets relativement courts réalisés en voiture ou même en transports collectifs, participant au passage à la désaturation des tronçons les plus congestionnés. Se déplacer avec un véhicule doté d’un moteur électrique et pesant entre 10 et 20 kg est plus économe en ressources naturelles que de le faire avec un véhicule thermique de 2 tonnes, mais les trottinettes présentent également un risque de cannibalisation des déplacements à pied et à vélo, ainsi qu’un envahissement de l’espace public. Il s’agit donc d’un outil présentant un potentiel intéressant mais dont le développement doit être maitrisé.

Enfin, le stationnement automobile est connu depuis longtemps pour être l’une des clés de l’usage de la voiture. En cas de difficultés avérées de stationnement à destination, les individus vont beaucoup plus naturellement se mettre à chercher des modes de transports alternatifs…  Il reste beaucoup à faire sur ce sujet notamment en termes de mutualisation des espaces de stationnement : la construction de parkings plombe les coûts lors de la réalisation de nombreux bâtiments, sachant qu’il serait souvent possible de partager dans le temps des espaces de stationnement entre diverses activités : la journée pour une entreprise, la nuit pour les riverains, le samedi pour des commerces, etc.

 

L’économie circulaire vise à limiter le gaspillage des matières premières, au-delà de l’énergie qui alimente nos véhicules et des matériaux constitutifs de ces véhicules, peut-on chercher à réduire d’autres formes de gaspillage ?
Vélos sur une piste cyclable en ville
Arnaud Bouissou - TERRA

Bien sûr, la mobilité correspond au déplacement physique sur un territoire, avec des vagues de concentration : tout le monde veut aller au même endroit au même moment… C’est donc le gaspillage et la consommation d’espace public que l’économie circulaire appliquée à la mobilité doit également chercher à limiter.

Sur 3,5 mètres de large, la largeur d’une voie de circulation automobile, à votre avis, quel mode de déplacement est capable de faire passer le plus de monde ? En voiture, comptez 2 000 véhicules, soit en étant optimiste 4 000 personnes par heure. A vélo, c’est jusqu’à 14 000 cyclistes, et on peut faire encore mieux : 19 000 piétons, 22 000 personnes en tramway et même 100 000 en RER ! A cela, il faut bien sûr ajouter pour certains modes la nécessité de stationner le véhicule à destination : 0,5 m² pour un vélo et 15 à 20 m² pour une voiture.

 

Les mâchefers et sédiments de dragage : utilisation pour les routes et les espaces publics

Patrick Vaillant, chef de groupe Infrastructures de Transports, a présenté deux guides du Cerema, dont l'un paraîtra prochainement, qui concernent la réutilisation de mâchefers et de sédiments de dragage.

Couverture du guideLe guide de référence "Acceptabilité environnementale de matériaux alternatifs en technique routière: les mâchefers d'incinération de déchets non dangereux", paru en 2012, présente la méthode de recyclage des mâchefers d'incinération de déchets non dangereux.

Dans un contexte où chaque année en France, la construction et l'entretien des routes nécessitent environ 200 millions de tonnes de granulats naturels, le recours à des matériaux alternatifs est une priorité. En parallèle, le gisement annuel de mâchefers est évalué à 3 millions de tonnes. Une fois traité et transformé, il peut être utilisé pour la construction des routes.

Ce guide sur le recyclage des mâchefers d'incinération de déchets non-dangereux pour la construction d'infrastructures de transport s'adresse aux maîtres d'ouvrages et maîtres d'oeuvre, public et privés, ainsi qu'aux entreprises, et fournit les prescriptions et exigences opérationnelles relatives à l'acceptabilité environnementale des matériaux alternatifs, fabriqués à partir de mâchefers d'incinération de déchets non dangereux. 

Il précise également les domaines d'emploi de ces matériaux alternatifs ainsi que les limitations d'usage, ainsi que la procédure d'assistance qualité et de traçabilité.

L'autre guide présenté, qui paraîtra prochainement, s'intitule "Acceptabilité environnementale de matériaux alternatifs en technique routière: les sédiments de dragage et de curage". Alors que d'importantes quantités de sédiments issus du dragage et du curage des ports et cours d'eau, le souci d'économiser les granulats naturels amène à recourir à ces matériaux pour la construction de routes. Chaque année, environ 56 millions de m³ de sédiments sont dragués, ce qui représente une ressource importante de matériaux valorisables.

Destiné à un public opérationnel, ce guide proposera une méthodologie pour évaluer les caractéristiques environnementales de ces matériaux et fournira les prescriptions et exigences liés à leur acceptabilité environnementale.

Par ailleurs, le Cerema a publié en janvier un guide destiné aux gestionnaires de sites maritimes ou fluviaux, sur la méthode de caractérisation des sédiments de dragage, en vue de les recycler: "Echantillonnage des sédiments marins et fluviaux, du plan d'échantillonnage au  laboratoire".