Le 3 août 2018, une mission parlementaire a été lancée par le Premier Ministre Edouard Philippe, afin d'établir un diagnostic et de faire des propositions en vue de sauvegarder et de restaurer les milieux humides.
Des recommandations pour restaurer les "terres d'eau"
Le Premier Ministre a rappelé que "La régression des milieux humides reste préoccupante dans notre pays. La sauvegarde des zones existantes et la restauration de ces espaces, nécessitent manifestement une nouvelle impulsion. La richesse de ces milieux de transition les inscrit comme des leviers primordiaux dans la lutte contre les changements climatiques et l'adaptation au réchauffement".
Cette mission a interrogé de nombreux acteurs, parmi lesquels des experts du Cerema en matière de milieux humides. Un rapport sur la restauration et la valorisation des milieux humides a été rendu par la députée LREM Frédérique Tuffnell (Charente-Maritime) et le sénateur Jérôme Bignon (Somme, République et territoires - les Indépendants) au ministre François de Rugy.
Ce rapport préconise notamment de sensibiliser davantage le grand public ainsi que les élus des territoires. Il propose également de doubler, en l'espace de dix ans, le nombre des zones humides françaises "d’importance internationale" désignées au titre de la convention de Ramsar, ainsi que la mise en oeuvre d'un "Programme National de Restauration de 100 000 ha de tourbières".
La mission en appelle à l’émergence de "projets de terres d’eau" partenariaux à l’échelle la plus pertinente (bassin de vie, bassin versant...), ce qui permettrait "d’adapter les normes régissant les zones humides aux particularités géographiques locales",
Le rapport recommande aussi de s'appuyer sur un "socle national" commun, "rénové et complété", pour définir les zones humides et mieux les prendre en compte.
Le volet "territoires de projets" pour préserver, gérer, restaurer les milieux humides
Le rapport recommande la création de "territoires de projets", à destination des intercommunalités ayant la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), des bassins-versants de cours d'eau dotés d'une structure de gouvernance de type établissement public territorial de bassin, ou dans certains cas des Parcs Naturels Régionaux.
Le rapport mentionne que "La mise en place, par les lois de décentralisation du 27 janvier 2014 et du 7 août 2015 du dispositif "GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI)", semble manifester, dans son intitulé-même, la reconnaissance du rôle des zones humides dans l’atténuation des inondations (...). Elle constitue de la sorte une opportunité à saisir pour donner à des groupements de communes, à partir de ce lien législatif entre «MA» et «PI», la responsabilité de la préservation, de la gestion et de la restauration des terres d’eau".
En effet, dans le cadre de la GEMAPI, les intercommunalités ont en charge:
- L’aménagement des bassins versants,
- L’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, lacs et plans d’eau,
- La défense contre les inondations et contre la mer,
- La protection et la restauration des zones humides.
Afin d'apporter des capacités d'ingénierie aux territoires dans le domaine de la préservation, de la gestion et de la restauration des milieux humides, le rapport mentionne l' "appui méthodologique au montage" des "projets de territoires" que peuvent apporter des acteurs comme le Cerema ou Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture),
Par ailleurs, la secrétaire d'Etat auprès du ministre en charge de la transition écologique, Emmanuelle Wargon, a encouragé les collectivités à s'impliquer dans la mise en oeuvre des recommandations du rapport parlementaire.
Un site web consacré à l'accompagnement GEMAPI
En 2017, le Cerema a lancé avec Irstea des partenariats avec 9 intercommunalités ayant nouvellement pris en charge la compétence GEMAPI, afin de les accompagner dans la gouvernance et la mise en oeuvre de cette compétence.
Les objectifs de l'appel à partenaires sont :
- lancer des initiatives de portée nationale pour réaliser et partager des avancées méthodologiques sur la mise en oeuvre de la GEMAPI,
- s’appuyer sur l’analyse de situations locales concrètes, pour favoriser la recherche de solutions et permettre de les partager au niveau national.
Un site web a été mis en ligne, afin de suivre l'avancement de ces partenariats.
Le Cerema a également publié plusieurs ouvrages méthodologiques sur la compétence GEMAPI, ainsi que sur la gestion des milieux humides:
Le Cerema s’implique pour aider les territoires à préserver les milieux humides
La loi sur l’eau impose de compenser les fonctionnalités des zones humides qui sont impactées par des projets d’aménagement.
Pour pouvoir appliquer la réglementation "éviter, réduire, compenser", une méthode reproductible a été mise au point par différents partenaires dont le Cerema [1]. Cette méthode est aujourd'hui accessible dans un guide méthodologique destiné aux maîtres d’ouvrages.
Elle permet d'évaluer l'évolution vraisemblable des fonctions des zones humides, cela avant et après les impacts liés à un projet, ainsi qu'avant et après la réalisation d'une action écologique de compensation.
La méthode est toujours en cours d’amélioration. Elle a ainsi été évaluée sur différents sites par le Cerema, qui a développé récemment une extension QGIS pour faciliter l'utilisation de la méthode, grâce aux technologies des systèmes d'information géographique.
Une formation à la méthode d'évaluation des fonctions des zones humides pour les collectivités
Par ailleurs, le Cerema assure des formations sur cette méthode d’évaluation des zones humides, à la demande de l’Agence Française pour la Biodiversité. Destinée aux techniciens des collectivités, aux bureaux d’études, aux opérateurs de l’Etat, cette formation est dispensée dans différentes régions.
La formation se déroule sur quatre jours, afin de présenter la méthode en détail et d’apprendre comment la mettre en œuvre, notamment grâce au Système d’Information Géographique (SIG) qui permettent par exemple d’analyser l’occupation des sols, ou de calculer les bassins versants en lien avec la zone humide.
Sur le terrain, une demi-journée est consacrée à la présentation des différents relevés réalisables, une autre demi-journée sur le site étudié via l’analyse SIG permet de décliner toute la méthode, avant d’interpréter et d’analyser les résultats.
L’analyse vise à déterminer si la compensation permet d’améliorer une liste de 22 indicateurs, et par conséquent si cette compensation est acceptable ou pas. Chacun de ces indicateurs est examiné lors de la journée de formation.
[1] Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), aujourd’hui l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ont été les principaux partenaires, avec également BIOTOPE, l’Irstea, et les universités de Grenoble et Tours.