21 décembre 2017
Port dans le bassin d'Arcachon
© Laurent Mignaux - Terra
Malgré leur situation abritée des houles océaniques, les polders du bassin d'Arcachon sont soumis à des aléas côtiers et fluviaux importants : courant tidaux, régimes fluviaux, clapots et mer de vent, apports et exports sédimentaires... L’étude croisée des dynamiques hydrauliques, sédimentaires et végétales des sites dépoldérisés du bassin d’Arcachon permet-elle de démontrer l’efficacité de l’ouverture à la mer en tant que mesure de restauration écologique ? un sujet de thèse soutenu par le Cerema Sud Ouest.

Les domaines de la partie orientale de la lagune, situés sur les rives historiques de la Leyre, connaissent, en particulier, des submersions régulières et des ruptures de digue (ce fut le cas entre 1782 et 1826 à Graveyron et au Teich et dans les décennies 1990 et 2000 à Graveyron et Malprat).

Illustration Situation géographique de l’étude
Illustration 1 : Situation géographique de l’étude (source : S.MAGRI, Cerema - fond vecteur IGN, 2015)

 

 

La poldérisation dans le temps

Depuis le Moyen-Age, l’homme a tenté de gagner des terrains sur la mer pour y développer des activités : maraîchage, élevage, pisciculture, saliculture… Des levées (ou digues) ont été construites afin d’empêcher les submersions marines sur ces territoires appelés polders. Si les Pays-Bas sont souvent cités lorsqu’on parle de polders – ils représentent 15 % du territoire de ce pays – la France possède également une pratique historique de conquête d’espaces maritimes : côte picarde, îles des littoraux Charentais et Vendéen, estuaire de la Gironde, bassin d’Arcachon, Guyane… La poldérisation est, ou plutôt fut, une pratique mondialisée, en particulier en Europe, mais aussi en Asie et en Amérique du Nord.

 

La poldérisation et le changement climatique

Aujourd’hui, face au changement global et à la montée du niveau des océans, un mouvement de rétrocession des polders à la mer voit le jour, on parle de dépoldérisation. De façon très simplifiée, le principe est d’assurer la pérennité de la digue intérieure du polder en ouvrant, naturellement ou volontairement, la digue extérieure pour laisser la mer pénétrer et un marais tidal se former. En effet, ces espaces, une fois restaurés, offrent des services écosystémiques forts (protection contre les assauts marins, épuration des eaux) et ramènent à ces zones une forte valeur patrimoniale, riche en biodiversité.

 

Les sites poldérisés du Bassin d’Arcachon

Le Cerema, en partenariat avec l’Unité Mixte de Recherche CNRS PRODIG (Pôle de Recherche pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information Géographique) – UMR 8586, a souhaité investir ce champ de recherche en proposant à l’École Doctorale de Géographie de Paris (Université Paris-Sorbonne) un sujet de thèse, porté par Stéphane Magri, chef de projets au Cerema Sud-Ouest, et dirigé par le professeur Frédéric Bertrand.

Ces sites ont été relativement peu couverts par des études, comparativement au domaine plus maritime du bassin d’Arcachon. Si le programme « Barcasub » (appel à projet Liteau) a permis de mettre en place une dynamique auprès des acteurs locaux, de nombreux aspects restent à développer, tant sur la connaissance et la compréhension que la gestion écologique.

"La nature fait le reste"
Il est généralement considéré pour la restauration de marais littoraux, une fois les connexions hydrauliques rétablies, que « la nature fera le reste ». Hors, si cette assertion peut être vraie sur certains habitats fluviaux, il n’en est pas de même pour des milieux estuariens. Les flux hydrauliques y sont en effet bien plus hétérogènes, et l’hydrodynamique exerce un contrôle fort et direct sur le développement et la répartition des habitats.

En effet, elle régule la dynamique sédimentaire et les autres conditions abiotiques, mais influe également sur la dispersion et les apports des semences des espèces végétales locales, à des rythmes qui doivent être compatibles avec leur développement. L’absence d’actions de gestion est encore plus fréquemment choisie lors de dépoldérisations, qui sont souvent mises en œuvre pour des raisons économiques ou de fait accompli : rupture de digue, défaut d’entretien, événement extrême.

Les résultats de travail du doctorat devront permettre de répondre à la problématique suivante :
L’étude croisée des dynamiques hydrauliques, sédimentaires et végétales des sites dépoldérisés du bassin d’Arcachon permet-elle de démontrer l’efficacité de l’ouverture à la mer en tant que mesure de restauration écologique ?
La restauration écologique est définie ici comme un ensemble d’actions assurant l’atteinte des objectifs écologiques fixés sur le court et long terme, tant sur le plan de la biodiversité que de la capacité à restaurer fonctionnalités écologiques et services écosystémiques.

 

Les trois approches principales de l’étude

1 - le fonctionnement hydrosédimentaire d’un site dépoldérisé
2 -  les dynamiques végétales en lien avec les variations topo-bathymétriques
3 -  l’évaluation de la restauration écologique dans les espaces en cours de reconquête par les marais littoraux

Les sites d’études choisis sont les parties dépoldérisées de l’île de Malprat et du domaine de Graveyron, propriétés du Conservatoire du Littoral. Ces sites ont en effet subi en partie une dépoldérisation accidentelle et s’y côtoient donc des faciès de marais d’eau douce et maritimes.

site dépoldérisé de Graveyron et de Malprat

 

Illustration 2 : vue aérienne du site dépoldérisé de Graveyron (Geoeye, 2015, Bing, Microsoft) Illustration 3 : vue aérienne du site dépoldérisé de Malprat (Geoeye, 2015, Bing, Microsoft)

Ils constituent un terrain privilégié d’étude des impacts physiques et écologiques de la dépoldérisation. Ces sites ont été investis dans le cadre du programme BARCASUB. Des suivis naturalistes y sont également en place.

À ce stade, le protocole d’étude n’est pas fixé, mais les suivis mis en place dans le cadre de BARCASUB seront poursuivis voire intensifiés, et les données utiles aux travaux de thèse récoltées par les partenaires du projet dans le cadre de leurs missions statutaires seront intégrées et valorisées.
Un modèle numérique hydro-sédimentaire sera ainsi mise en œuvre sur l’ensemble du bassin d’Arcachon, en lien avec un modèle de cartographie prédictive de végétations.

 

Plan du Bassin d'Arcachon
Carte du patrimoine côtier du fond du Bassin d’Arcachon
source : Bertrand et al., 2014

 

 

Un projet soutenu par le Ministère de l’Écologie

Ce projet a reçu un soutien fort et unanime du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES),  notamment le Commissariat général au développement durable (CGDD), la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), dans le cadre de la subvention pour charge de service public du Cerema. En effet, le ministère voit dans l’étude un intérêt pour déterminer des méthodes et indicateurs de suivi reproductibles dans d’autres contextes de dépoldérisation pour mesurer l’atteinte des objectifs écologiques fixés sur le court et long terme, tant sur le plan de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques, que des services écosystémiques (capacité à réduire les aléas submersion et érosion).

Les résultats de recherche sont également attendus pour fournir un plaidoyer et des outils d’aide à la décision auprès des élus, afin d’avancer sur la prise en compte de ces risques dans les projets de territoire, par la mise en œuvre de solutions collectives, à une échelle intercommunale.

 

Le sujet de thèse proposé répond à des attentes locales

Ces attentes sont à la fois scientifiques, techniques et de gestion, mais ont vocation à alimenter les réflexions nationales, communautaires et mondiales sur la thématique de la dépoldérisation. Ce sujet s’inscrit dans le principe d’une recherche confrontant modélisation et instrumentation terrain, directement appliquée à la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques d’aménagement, de préservation du patrimoine naturel, et des risques.

Bassin d'Arcachon - Estey

 

Ce projet est en adéquation avec les lignes de recherche de l’UMR, notamment les thèmes « Risques, vulnérabilités et gestion des territoires » et « Observations et modélisations des changements », mais aussi avec les lignes stratégiques du Cerema.

 

Aller plus loiN...

... D’une prise en compte du changement climatique, préservation du vivant à l’analyse économique et sociale

Dans un contexte d’élévation probable du niveau de la mer, le sujet inclut une prise de conscience de l’intérêt des écosystèmes et participe activement à la protection des populations et des biens.
Sa portée permettrait de proposer une méthode de travail offrant un cadre à d’autres approches, comme le changement global, la prise en compte de l’ensemble des compartiments du vivant, ou encore l’analyse économique ou sociale.

 

Bassin d'Arcachon - Prélèvements effectués
Prélèvements réalisés - Stéphane Magri

 

 

Contact : Cerema Sud-Ouest - Département Aménagement & Intermodalité des Transports - Groupe Transports et Intermodalité