Le Miscanthus x giganteus est une plante graminée originaire d’Asie, proche du roseau, qui supporte les métaux lourds ainsi que les climats froids. Cette espèce hybride peut permettre d’améliorer la qualité de l’eau, et peut être valorisée dans la filière énergétique en circuit court. Elle est aussi résistante aux maladies et aux insectes.
Une étude préalable à une expérimentation dans le parc naturel régional de Lorraine
Dans le périmètre du parc naturel régional de Lorraine, les chambres d’agriculture, en collaboration avec l’Agence de l’eau Rhin Meuse, souhaitent expérimenter la culture du Miscanthus en raison de son faible impact environnemental et de son potentiel pour l’amélioration locale de la qualité de l’eau en remplacement d’autres cultures comme le Maïs. Cultivé dans de nombreuses régions de France, le Miscanthus présente cependant un risque d’invasivité documenté. Par ailleurs, de par sa taille importante (3 à 4 m de hauteur en condition optimale), sa densité foliaire homogène et le fait qu’il s’agisse d’une culture pérenne (10 à 15 ans pour être rentable), l’implantation de cette plante peut également impacter les paysages.
Dans le cadre du Contrat de Territoire Eau et Climat du bassin versant du Rupt de Mad, la culture du Miscanthus sera expérimentée en vue d’alimenter dans un rayon de 20 km une chaufferie dont l’implantation est à l’étude. L’enjeu est alors de maîtriser la dispersion de la plante et de maintenir la qualité des paysages, conformément à la Charte du Parc 2015-2030 qui pose le principe de précaution pour les nouvelles cultures agricoles.
Le Parc naturel régional de Lorraine a donc fait appel au Cerema pour réaliser une étude d’impact écologique et paysager de la plantation de Miscanthus dans le bassin versant du Rupt de Mad et proposer des recommandations pour l’implantation de cette culture. Un protocole a également été mis au point pour s’assurer d’une culture maîtrisée.
L’étude du Cerema présente d’abord à partir d’une étude bibliographique les caractéristiques du Miscanthus x giganteus, les sols sur lesquels il n’est pas approprié d’en planter, les conditions optimales pour la culture et la récolte, les interactions avec la biodiversité et le risque invasif.
Une plante au fort potentiel, qui reste en partie à étudier
Les usages du Miscanthus x giganteus sont ensuite abordés : fourrage, paillage, fabrication de toitures, l’utilisation à titre ornemental, ou encore le chauffage, les agrocarburants, le papier, la méthanisation, la production de matériaux biosourcés pour le bâtiment. D’autres usages sont à l’étude :
- La phytoremédiation, c’est-à-dire le traitement des sols pollués : le Miscanthus peut permettre de dépolluer un sol en absorbant les métaux lourds. Pour cela, il doit être coupé et exporté du site chaque année.
- L’amélioration de la qualité de l’eau qui s’infiltre dans le sol en tant que culture dite "à bas niveau d’impact" (peu d’intrants utilisés). Sa plantation est ainsi encouragée sur les aires d’alimentation des captages.
- L’utilisation comme refuge végétal pour abriter la faune dans les plaines cultivées.
- La plantation pour lutter contre l’érosion des sols et limiter les coulées de boue.
Selon les usages, la récolte intervient à différents moments de l’année. L’étude expose plus en détail les protocoles de culture et récolte (itinéraires techniques) pour des usages liés à la transition énergétique. Le document précise les recommandations qui sont données par les chambres d’agriculture pour préparer le sol, planter, désherber (surtout la première année), récolter et enfin détruire la culture en fin de production.
Etude du risque de dispersion :
En matière de dispersion du Miscanthus x giganteus et de risque de colonisation des milieux naturels, le Cerema a étudié les données disponibles. S’il existe des clones stériles, certains mécanismes naturels peuvent conduire à rendre la plante fertile, et des travaux à des fins agronomiques visant à améliorer les caractéristiques de la plante, pourraient aussi favoriser sa fertilité et donc le risque invasif du Miscanthus. Sur la base de la bibliographie scientifique, le Cerema souligne qu’il n’est pas possible de conclure à une "non invasivité" du Miscanthus cultivé en France, en raison de deux facteurs principaux mis en évidence par une équipe CNRS de Strasbourg :
- la présence occasionnelle, au sein des rhizomes vendus qui sont théoriquement des clones stériles, de fragments issus d’espèces fertiles ;
- les risques possibles de dissémination accidentelle des rhizomes, une fois fragmentés, par le ruissellement lors de pluies ou d’autres mécanismes contribuant à déplacer les rhizomes telles que les inondations ou encore des interventions humaines sur les bordures des parcelles.
Il est donc préférable de cultiver le Miscanthus dans des sites qui ne sont pas concernés par ces risques, notamment sur des pentes trop accentuées ou encore au bord des zones soumises au régime des crues ou à des interventions mécaniques (bord de route par exemple).
Le Cerema a également étudié les rapports sur des phénomènes de dispersion à partir notamment de plantations horticoles en Allemagne, les seuls cas rapportés jusqu’à présent en Europe pour Miscanthus x giganteus, et appliqué plusieurs méthodes d’évaluation du risque invasif au contexte français :
Etude des impacts écologiques:
Enfin, les impacts écologiques sur les espèces animales et végétales ainsi que sur la ressource en eau ont été étudiés. La coupe tardive du Miscanthus lui donne un avantage pour héberger la faune (nidification d’oiseaux inféodés aux roselières, simple couvert pour d’autres espèces) mais l’espèce reste dans l’ensemble peu intéressante pour fournir des ressources alimentaires aux animaux sauvages.
Par ailleurs, l’impact positif ou négatif de la culture de Miscanthus va surtout dépendre des pratiques agricoles (utilisation d’intrants nécessaire notamment la première année, maintien ou non des plantes adventices), des surfaces cultivées et de la diversité des paysages au sein de laquelle se trouve la parcelle.
Concernant les espèces végétales, la culture dense de Miscanthus, dont la canopée est importante, empêche le développement d’autres plantes au sein de la parcelle après les deux premières années. Par ailleurs, les Miscanthus sont connus pour libérer des substances qui inhibent la croissance des autres plantes, ce qui peut impacter les populations végétales voisines.
L’impact sur la qualité de l’eau de la culture de Miscanthus x giganteus est admis comme étant faible car il nécessite moins d’intrants que d’autres cultures. Il est donc intéressant en remplacement de cultures plus impactantes, mais il consomme une quantité d’eau relativement importante (davantage que le maïs) en raison de sa croissance longue, de l’ampleur de ses racines et de sa forte évapotranspiration.
Des risques d’assèchement des sols existent donc, amplifiés dans un contexte d’augmentation des températures (changements climatiques).
Le risque incendie a enfin été examiné, principalement lorsque la plante est cultivée "en sec" avec une récolte en fin d’hiver quand la plante est très sèche et compte tenu de la densité végétale de la culture. Il reste difficile à évaluer dans le contexte de la région Grand Est, encore peu soumise aux incendies, mais il pourrait s’agir d’un élément important à prendre en compte à l’avenir compte tenu de l’évolution du climat.
Où déployer les cultures de Miscanthus x giganteus ?
Le dernier volet de l’étude portait sur la localisation des sites pour la culture de Miscanthus x giganteus dans le parc naturel régional de Lorraine et la définition d’une méthode multicritères pour localiser les surfaces agricoles d’implantation.
A la demande de l’Agence de l’Eau Rhin Meuse et des chambres d’agriculture, la plantation sur des zones agricoles sur les aires d’alimentation des captages a été étudiée, dans un objectif de protection de la ressource en eau. Une cartographie des zones potentielles a été produite, croisant les données sur les périmètres de protection, les zones agricoles, la sensibilité du milieu.
L’étude présente des recommandations à destination des autorités pour encadrer au mieux la culture de Miscanthus selon les risques potentiels documentés et les usages envisagés, notamment prévoir une zone tampon herbacée systématique autour des cultures.
Déterminer l’impact paysager de la culture de Miscanthus sur le bassin du Rupt de Mad est complexe : le périmètre d’étude comprend une diversité de paysages présentant des degrés de sensibilité variables face à l’implantation de Miscanthus. De plus, ces paysages sont appréhendables depuis une multitude de points de vue, dynamiques (depuis la route) ou statiques (belvédère et chemins).
Le Cerema a proposé une méthodologie fondée sur l’observation du Miscanthus sur une année à partir des voies de circulation principales, en utilisant des simulations par photomontage. Il apparaît que de nombreuses variables inhérentes à l’espèce et au débouché choisi, à l’implantation de la culture (situation, forme de la parcelle…), mais aussi au regard de la diversité des paysages perçus qui composent ce territoire entrent en compte.
Par exemple, le long de routes ou chemins de randonnée, cette culture a un effet obstruant : elle coupe la vue des paysages et empêche d’en apprécier les spécificités (paysages ouverts à paysages dit "mosaïque", paysages plats à vallonnés, paysage du quotidien à patrimonial ou emblématique…).
Le Cerema a ainsi formulé une série de recommandations paysagères,
autour de 5 axes principaux :
Un protocole de suivi pour l’implantation de la culture de Miscanthus x giganteus
Suite à l’implantation de la culture de Miscanthus, un suivi écologique devrait être mis en place afin d’améliorer les connaissances sur l’impact écologique de la culture, qu’il soit positif ou négatif, et éventuellement d’y remédier par la suite (amélioration des recommandations, modification des pratiques, du type de bande tampon, etc.). Ce suivi doit porter sur :
- La surveillance de la dispersion de la plante
- La biodiversité sur les parcelles et à leurs abords
- Le suivi hydrologique
- Le suivi des paysages et leur évolution face aux espèces cultivées en fonction des choix de débouchés (culture vivrière, matériaux biosourcés, diversification des ressources énergétiques…).
Des protocoles croisant à la fois biodiversité et paysage sont proposés pour chaque volet de cette surveillance.