Dans l'objectif de favoriser le partage des connaissances et le développement de communs autour de la gestion durable des sols, d'amplifier les interactions entre acteurs et leur capacité d'action pour mieux prendre en compte les sols dans les politiques publiques, le projet e-Sol étudie la possibilité de structurer ces interactions au niveau national, via une plateforme numérique.
Une pression foncière de plus en plus forte est exercée sur les sols, et il est important de réunir l'expertise sur les sols, leur qualité, leurs fonctions, ainsi que sur les innovations, dans l'optique d'une gestion plus durable.
Les sols et l'aménagement au regard de l'objectif de Zéro Artificialisation Nette
Le rôle des sols dans la résilience de nos territoires n’est plus à démontrer : ressource alimentaire, stockage et épuration de l’eau, habitat écologique, recyclage des déchets, stockage de carbone et adaptation au changement climatique. Les attentes vis-à-vis des sols ont considérablement augmenté au cours des cinquante dernières années, notamment pour répondre à une demande alimentaire exponentielle, à l’urbanisation grandissante mais également du fait des dérèglements climatiques.
L’artificialisation des sols associée à l‘expansion urbaine constitue une des principales menaces pesant sur la biodiversité (IPBES, 2018, Plan Biodiversité, 2018).
La loi dite Climat & Résilience adoptée en août 2021 dont un des objectifs est la réduction de l’artificialisation introduit via le code de l’urbanisme un changement de paradigme sur la façon dont le sol doit dorénavant être considéré dans le processus d’aménagement du territoire. La vision foncière qui prévalait jusqu’à présent et qui considérait le sol comme un support à lotir doit désormais s’accompagner d’une prise en compte du sol en tant que ressource exerçant des fonctions utiles pour l’homme et l’écosystème.
Ce changement de paradigme est bien illustré par l’objectif du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et les définitions associées introduites dans la loi. Ainsi, si avant 2021 les sols n’étaient pas considérés dans le processus d’artificialisation (voir définitions ci-contre), ils sont désormais vus comme un milieu assurant des fonctions, qui peuvent être dégradées par l’artificialisation. La désartificialisation (ou renaturation) d’un sol consiste alors à améliorer ou rendre des fonctions à un sol artificialisé.
Les fonctions listées dans la Loi sont des fonctions écologiques, liées au fonctionnement de l’écosystème pour lui-même sans référence à des usages qu’en font les hommes. Quatre fonctions sont plus particulièrement visées, les fonctions biologiques, hydriques, climatiques et le potentiel agronomique.
Caractériser les fonctions des sols
La question qui se pose alors est de définir comment caractériser ces fonctions exercées par les sols, notamment aux deux échelles d’application suivantes :
- Le document d’urbanisme, de l’échelle régionale (Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, SRADDET) à l’échelle communale (Plans locaux d’urbanisme, PLU).Un décret en cours de préparation va préciser à priori quels types d’occupation/usage des sols doivent être associés à un sol artificialisé ou non. C’est une approche que l’on peut qualifier "à dire d’expert".
- Le projet d’aménagement, défini à l’échelle parcellaire. Cette approche devrait être basée sur une caractérisation des sols. Il convient alors de préciser comment, à partir des paramètres du sol, on peut qualifier les fonctions exercées. Cette évaluation doit alors permettre de caractériser la dégradation des fonctions exercées et la re-fonctionnalisation (dans le cas de la renaturation). Cette approche, utilisée dès à présent par certains bureaux d’études reste encore débattue au niveau scientifique.
Depuis plus de 40 ans, de nombreuses propositions de qualification des fonctions des sols ont été émises faisant appel à différents types d’indicateurs biophysiques directs (ex : observations de terrain, pH, MO, contaminants, biodiversité) ou indirects (ex : spectres de sols nus dans différentes longueurs d’ondes ou mesures de végétation, données de capteurs), sans que l’on arrive à un consensus sur leur interprétation.
En effet, les définitions des concepts associés aux indicateurs restent polysémiques et les utilisations de ces indicateurs sont trop variées pour que l’on puisse mobiliser un référentiel interprétatif unique. Les approches permettant de résumer cette information (ex : calcul d’indices, développement de fonctions, scoring) ou de développer des référentiels (ex : modélisation, statistiques) sont également très débattues.
Un canal de discussion ouvert sur slack
Pour travailler sur le cas d'étude auquel participe le Cerema avec l'INRAE, un canal de discussion sur slack vient d'être ouvert différents acteurs concernés par les enjeux de définition des fonctionnalités des sols.
L'objectif est d'initier les échanges entre des gestionnaires, des demandeurs d’évaluation, des spécialistes de l’évaluation des sols, des prestataires réalisant ces analyses… et si possible pour stabiliser un vocabulaire commun, identifier/qualifier les besoins, qualifier les réponses attendues, faire émerger des projets communs…