2 septembre 2019
Vulnérabilité du bâti
MTES © Laurent Mignaux - Terra
Le 6 juin 2019 s’est tenu à Aix-en-Provence la dixième journée technique "Risques et Territoires", organisée par le Cerema Méditerranée sous l'égide de la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR).

Cette journée a rassemblé plus de 70 spécialistes de la prévention des risques et de l’aménagement du territoire dans les services de l’État, les collectivités territoriales et le réseau scientifique et technique. L’ensemble des participants ont pu ainsi échanger autour de 3 thématiques :

  • les éléments de réflexion ;
  • la problématique des activités ;
  • les dispositifs de réduction de la vulnérabilité des territoires et de l’habitat.

Ouverture et introduction

Journée technique du 06 juinMadame Berthaud, directrice territoriale Méditerranée du Cerema, accueille l’ensemble des participants pour cette journée technique consacrée à la vulnérabilité des territoires et du bâti aux risques majeurs. C’est la 10e année que le Cerema tient cette journée, devant un public toujours aussi nombreux et varié : services de l’État, collectivités, réseau associatif, etc.

L’objectif de la journée est moins d’identifier le risque que de savoir comment on peut traiter la question de la vulnérabilité de manière opérationnelle en partant de la plus petite échelle, cette du bâti pour aller vers celle du territoire.

Le Cerema, établissement public de l’État, qui a connu une transformation importante, se positionne au plus près des besoins du territoire, aux côtés de l’État mais aussi des Collectivités territoriales. Les réponses opérationnelles sont celles que l’on peut apporter sur les territoires auprès des collectivités territoriales

Il nous est important que cette journée soit aussi l’occasion de faire remonter les besoins du terrain pour que le Cerema puisse accompagner au mieux les services de l’État mais aussi les collectivités territoriales dans leurs missions. Cette journée, organisée de manière assez classique pourrait notamment être démultipliée si besoin au travers d’ateliers sur le terrain de forme opérationnelle.

Damien Goislot, Direction générale de la prévention des risques, présente deux points d'actualité représentatifs de l’échelle d’appréhension de la vulnérabilité du territoire. Il s’agit d’un appel à manifestation d’intérêt et du nouveau dispositif de financement des travaux relatifs à la réduction de la vulnérabilité.

 

Organisation d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI)

L’AMI, annoncé lors des assises des risques naturels, portera sur « mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels », pour succéder au Grand Prix d’Aménagement en Terrains Inondables Constructibles (GPATIC) (NDLR : présenté lors de la journée technique de 2016 ).

Si le but de GPATIC était de primer des réalisations, celui de l’AMI est plutôt de primer des projets d’aménagements des territoires, en associant les collectivités via l’organisation d’un concours d’idées sur l’aménagement à l’échelle de territoires plus vastes qu’une opération d’aménagement sur quelques parcelles.

L’appel, lancé en juin, a pour l’objectif de retenir 8 projets de territoires.

 

Réduction de Vulnérabilité au titre des PAPI : mesure RVPAPI

Il s’agit de l’utilisation du fonds Barnier (FPRNM) pour financer les travaux de réduction de vulnérabilité sur les habitations et les biens professionnels: soit pour les travaux obligatoires d’un PPRN (déjà aidé auparavant), soit pour des travaux prévus dans le cadre d’une action d’un PAPI (nouvelle possibilité d’aide – pour les inondations/submersion marines) et ce, pour les biens existants et ne s’appliquant pas aux travaux de remise à l’identique après sinistre.

Une des conditions du financement des projets est qu’un diagnostic de vulnérabilité du bâti ait été réalisé au préalable (autre action du PAPI)

Éligibilité des projets :

  • les travaux envisagés doivent être compris dans la liste des travaux éligibles de l’arrêté ministériel du 11 février 2019 ;
  • ces travaux doivent être prescrits dans le diagnostic de vulnérabilité du bâtiment ;
  • le montant de la subvention est de 80 % du montant des travaux plafonnés à 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien pour une habitation ou a usage mixte et 20 % du montant des travaux pour un bien professionnel (même plafond).

Au titre du fonds Barnier le montant global mobilisable est de 5 millions d’Euros. Des formulaires ont été mis au point pour aider les demandeurs à constituer leurs dossiers de demandes, et les instructeurs.

 

Etudes et travaux de prévention définis et rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) : mesure "ETPPR"

Cette mesure est applicable aux études et travaux prescrits par un PPR, tous aléas naturels.

Le montant de la subvention des travaux devrait être augmenté au même niveau que la mesure RVPAPI dans un décret ministériel à venir.

Pour ces deux mesures on pourra utilement se référer à la note technique du 11 février 2019 relative au fonds de prévention des risques naturels majeurs.

formes de vulnérabilités, outils et méthodes de réduction de la vulnérabilité pour le particulier, l’entreprise, l’établissement public et la collectivité

Margaux Knispel - CEPRI

CEPRI
Crédit : CEPRI

Le CEPRI travaille depuis sa création sur la vulnérabilité en abordant les différents enjeux. Il propose une synthèse des formes de vulnérabilités sur le sujet avec un panorama des outils et méthodes pour le logement, le particulier, l’entreprise, les établissements publics, et la collectivité

Il est important, selon la typologie de(s) l’événement(s) auquel le territoire est soumis et surtout les conséquences prévisibles, d’adapter les mesures et outils. Les conséquences peuvent être humaines, à l’échelle du logement ou d’ordre psychologique, ou économiques à l’échelle de l’entreprise.

On peut observer que les coûts des dommages sont de plus en plus importants, couplés à une augmentation de la fréquence des événements. Par ailleurs, les systèmes de protection ne sont pas toujours économiquement intéressants et les ouvrages de protection peuvent aussi être considérés comme des ouvrages générateurs de danger, il est donc important de pouvoir gérer les conséquences prévisibles d’un évènement.

Aujourd’hui on considère qu’il y a 17 millions d’habitants et 9 millions d’emplois exposés au risque inondation par débordement des cours d’eau auquel il convient de rajouter la submersion marine et le ruissellement.

De 1982 à 2014, 72,5 % des communes françaises ont été visées par un arrêté cat-nat ruissellement ou coulée de boue, ce qui montre l’importance des territoires exposés.

L’enjeu est de prendre conscience que nos territoires seront un jour inondés. Il faut donc en accepter l’idée. Des mesures sont nécessaires sur l’existant, mais aussi pour l’aménagement futur des territoires et les nouvelles constructions

 

En matière de logements

Evacuation du centre ville de Nemours lors des inondations de juin 2016
Evacuation du centre-ville de Nemours en juin 2016 - Arnaud Bouissou - TERRA

On estime en moyenne à 30 000 euros le coût des dommages pour un logement soumis à 1m d’eau pendant 48h. Avec 1.5m d’eau il faut compter 18 mois pour réintégrer ce logement. Il y a donc un vrai enjeu de retour à la normale, mais également de capacité des entreprises à mener ces travaux sur ces territoires.

Des stratégies d’adaptation sont donc nécessaires et le CEPRI a identifié 3 principes :

  • éviter qui va consister à surélever les niveaux occupés (s’applique surtout au neuf),
  • résister, qui va empêcher l’eau de rentrer et
  • céder qui va consister à adapter les pièces qui seront inondées. (plutôt pour la rénovation).

Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de dommages sur un bâtiment qu’il n’y a pas de vulnérabilité, car la construction s’intègre toujours dans un système plus global, incluant notamment les réseaux. Il faut donc aborder la vulnérabilité de manière plus globale à l’échelle du territoire.

Les principaux obstacles à la mise en œuvre de ces mesures sont après le diagnostic, le choix des travaux, le coût des travaux, et la question du retour sur investissement, mais aussi l’existence de mesures collectives car l’individu considère que c’est d’abord à la puissance publique de traiter la question, via notamment des systèmes de protection. La responsabilité individuelle est une vraie question. Enfin la mise en visibilité du risque, par exemple par la pose d’un repère de crue ou de batardeaux, sur l’attractivité du bien (possibilité de revente) est également un frein.

 

Concernant les entreprises

On trouve 34 % des entreprises dans l’Enveloppe Approchée des Inondations Potentielles (EAIP).

L’enjeu pour les entreprises est que les pertes d’exploitation ne sont pas prises en compte par le système Cat-Nat et donc certains n’ont pas une santé financière suffisante pour ré-ouvrir après un évènement, avec parfois des réactions en chaîne, notamment sur les sous-traitants d’un côté ou des clients de l’autre. Pour minimiser ces fermetures l’objectif est donc de favoriser un redémarrage le plus rapide possible

Il n’y a pas de mouvement général engagé pour réduire la vulnérabilité des entreprises, mais des démarches ponctuelles suivant les territoires, souvent à l’initiative des collectivités. Les difficultés se heurtent également à hétérogénéité du tissu économique. Il n’y a pas non plus de grandes méthodes identifiées, mais plutôt un traitement au cas par cas.

 

Concernant les réseaux

route inondée
Laurent Mignaux - TERRA

Il y a une grande diversité de réseaux, mais qui ont des liens communs, ce qui a conduit à imaginer des principes généraux de réduction de la vulnérabilité : les réseaux sont souvent en interaction avec des risques d’effet domino, comme ce que l’on observe sur les entreprises. L’objectif est d’améliorer la robustesse, augmenter les capacités d’absorption et favoriser un plus rapide retour à la normale.

Comme il n’y a pas d’obligation de se saisir du problème, il y a une mobilisation très variable d’un territoire à l’autre et très dépendant de la sensibilité des gestionnaires multiples peu habitués à interagir couplé à la difficulté du partage des données dans un contexte de concurrence

 

Concernant les services publics

La démarche de réduction de la vulnérabilité des réseaux des services publics présente l’enjeu de l’exemplarité, mais aussi celui de la gestion de la crise, de plus rapide retour à la normale et de post-crise

Par ailleurs il est indispensable de maintenir la préservation des missions prioritaires de santé ou de secours, notamment au travers d’un outil dédié : le Plan de Continuité d’Activité (PCA), mais la difficulté principale est que le PCA repose sur le volontariat et mobilise tous les échelons hiérarchiques, nécessite un gros travail d’analyse et un financement propre que le fonds Barnier ne permet pas de financer.

 

Conclusion

Les territoires seront un jour inondés, il faut donc accepter cette idée et donc apprendre à vivre avec une inondation dans les territoires qui se sont développés dans ces zones inondables, qu’il faut aborder comme un système global, à la fois structurel et organisationnel, au-delà de la considération individuelle des enjeux au travers notamment d’une sensibilisation et mobilisation de tous les acteurs. Un très grand nombre d’outils et de guides ont été produits par le CEPRI, mais aussi par plan Rhône, le Cerema, les établissements publics, les services de l’État, etc.

Les applications du référentiel de Vulnérabilité aux inondations, l’exemple de Gennevilliers – boucle nord des Hauts de Seine

Ludovic Faytre – Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France (IAU IdF) 

Genevilliers

Le territoire de l’Île-de-France représente de forts enjeux de développement, avec notamment un objectif de développement de 70 000 logements par an pendant 20 ans, dont une part potentiellement en zone inondable, déjà urbanisée, avec des enjeux environnementaux, dont le changement climatique, d’où la nécessité d’avoir une approche territorialisée du risque à plusieurs échelles et en prenant en compte la temporalité de la gestion du risque (avant – pendant – après). Ce territoire Francilien, présentant une fragilité systémique du point de vue de l’inondation, est potentiellement impacté par des crues lentes. Du point de vue de la gestion de crise, le paramètre « durée de submersion » (plusieurs jours à plusieurs semaines, comme dans le cas de la crue de 1910) intervient donc au premier ordre.

En matière économique, on ne sait aujourd’hui estimer, ni le montant des dommages sur une crue majeure de la Seine, ni les délais moyens de retour à la normale : cette réflexion conduit à se « contenter » de regarder la vulnérabilité du territoire vis-à-vis du risque inondation sous l’angle de l’exposition des enjeux dans leurs diversités.

Par ailleurs il est important de bien prendre en compte les effets de seuil dans la réflexion.

Il a été réalisé une étude test « exploratoire » utilisant le référentiel de vulnérabilité (NDLR présenté lors de la journée technique de 2016) sur la boucle nord de Gennevilliers juste en aval de Paris. Ce territoire présente une urbanisation extrêmement diversifiée entre logements, activités, commerces, ICPE, équipements, etc.

Les enjeux humains y ont été caractérisés notamment via les fichiers fonciers et INSEE, ce qui a montré que 127 500 personnes sont potentiellement exposées, essentiellement dans de l’habitat collectif. Sur la base de ce constat : se pose la question de la gestion des populations présentes dans les étages, non inondées, mais dans des bâtiments très dégradés (difficultés d’accès, coupures de réseaux etc …). Doit-on envisager un maintien sur place de ces populations, ou au contraire une évacuation ? Et dans ce dernier cas, où trouver des logements provisoires ? Ces questions peuvent également engendrer de réelles problématiques sociales, sur des territoires défavorisés.

À titre d’exemple, les « zones de fragilités électriques » (i.e. les habitants susceptibles de subir une coupure de courant du fait de l’inondation) représentent 2 fois plus de personnes que celle des zones inondables. Les enjeux humains peuvent donc concerner des secteurs très importants en superficie, dépassant largement les zones exposées aux inondations.

Par ailleurs, il est indispensable d’assurer la continuité du service public comme facteur de résilience du territoire, car on constate en effet que sans ces services, les habitants font souvent le choix de partir. On peut prendre l’exemple d’un collège inondé, sa rénovation peut prendre 1 an à 1,5 an questionnant la continuité d’activité.

Sur le secteur étudié totalement urbanisé, la quasi-totalité des projets urbains relèvent du renouvellement urbain : cette spécificité est à prendre en considération lorsque l’on s’interroge sur la mise en place d’une stratégie de prévention du risque, notamment via le levier de la prise en compte du risque dans l’aménagement.

On peut conclure que si le principe d’un diagnostic de vulnérabilité est acquis (PAPI, SLGRI, ScoT, etc.), ce qui est la première étape pour engager une stratégie à l’échelle du territoire, il est primordial qu’il y ait un portage par les acteurs.

L’exercice sur Gennevilliers a été conduit sans commande publique (collectivité), et il n’a pas été suivi de suite, ce qui démontre l’importance du portage public pour passer du diagnostic à un plan d’action hiérarchisé en ayant adopté une approche territorialisée du risque, qui prenne en compte les différentes temporalités (prévention, gestion de crise, post-crise).

Évaluation de la vulnérabilité territoriale : utilisation de scenarios pour les calculs de dommages et de population

Christophe Moulin - Cerema

Il s’agit ici de traiter de l’évaluation de la vulnérabilité territoriale, mais en mettant cette fois-ci l’accent sur l’élaboration de « scénarios de présence des populations » pour estimer les dommages causés par une crue et le nombre de personnes impactés.

Projet de coopération France-Québec COPARI (2016) – cas de Hyères 2
Projet COPARI - Cas de Hyères

Lorsqu’on travaille sur la présence de population, on s’appuie généralement sur la population résidente au sens de l’INSEE qui exclue par définition la population non résidente (en vacances, par exemple), ce qui introduit un biais qui peut être important, notamment dans les secteurs touristiques, mais qui inclut la population qui peut ne pas être au domicile au moment de l’évènement (au travail par exemple). Il est donc important de connaître la population réellement présente.

Le Cerema a travaillé sur 3 études de type géomatique qui ont été réalisées dans le cadre du projet COPARI (COopération franco-québécoise Pour l’Appréciation du Risque d’Inondation et de son atténuation - Projet conjoint pour Évaluer la Vulnérabilité aux Inondations), ces dernières années sur le calcul de dommages et de populations touchés par une inondation.

  • Dans le cadre de Copari le travail avait été mené sur la définition de scénarios de présence de population en zone inondable sur une commune (Hyères) : à la maison, à l’école, dans les campings, dans les espaces de plein air, dans le cadre de la gestion de crise, en utilisant la surface maximale de la directive inondation et des données nationales de population, IGN, FINESS, et des données locales crèches, camping, écoles,etc. Réparties sur un carroyage de 200m, en y introduisant 3 modalités principales (semaine/WE et saison/hors saison) ce qui donne 8 scénarios au total.
  • Une deuxième étude a consisté à adapter cette méthode pour pouvoir l’appliquer sur plusieurs communes Il s’agit de nuancer les scénarios de présence de population en fonction de statistiques communales de l’INSEE par exemple le taux de personnes âgées/la population active donne une certaine variabilité en matière de nombre de personnes présentes en journée. Cela permet de faire varier les scénarios de répartition de la population d’une commune à l’autre. Ce travail s’est fait dans un contexte d’ouverture des données.
  • Enfin, le Cerema a travaillé sur les calculs de dommages basé sur l’analyse coût bénéfice utilisé pour les démarches de PAPI. En utilisant les fichiers fonciers (MAJIC) que l’on croise avec les courbes de dommage et appliqué sur la cartographie de la directive inondation contenant les trois fréquences d’inondations potentielles, on obtient des classes de dommages en mixant le logement, l’agriculture et les activités.

L’ensemble de ces éléments conduit à la production de catalogues de carte qui, par leur masse, finissent par être difficilement exploitables. Il est donc important d’une part, de cibler les objectifs à atteindre, et d’autre part, d’isoler les secteurs critiques.

La réduction de la vulnérabilité des activités agricoles

Elsa LAGANIER – Mission Rhône (DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) 

Vulnérabilité exploitations agricoles
Crédit : DREAL Auvergne Rhône-Alpes

La DREAL Auvergne-Rhône-Alpes pilote le volet inondation du plan Rhône né dans le cadre des inondations des années 90 et 2000 qui ont conduit à des dommages très importants, notamment pour les exploitations agricoles. Ces exploitations, situées majoritairement dans le lit majeur sont touchées par des inondations très fréquentes ce qui justifie l’intérêt d’investir fortement ce champ.

Ces activités agricoles concernent une agriculture à forte valeur ajoutée (maraîchage, arboriculture, élevage, etc.) et structurante en évitant une trop forte pression urbaine. Par ailleurs on observe des indemnisations souvent très limitées en cas de sinistre. Il y avait également une forte demande d’intervention des pouvoirs publics pour faire face à des inondations du type de celles de 2003.

Il y a eu un travail qui a été mené sur le recensement et la typologie de ces exploitations pour connaître leurs dommages potentiels en cas de crue ainsi qu’un travail d’enquête pour savoir comment elles étaient touchées et quels étaient leurs besoins. Il y a eu ensuite un travail méthodologique conduisant à un guide de diagnostic individuel. Les chambres d’agriculture ont été mobilisées sur ce sujet via un appel à projet sur des projets de territoire pour conduire après diagnostic à un programme de travaux à mener pour réduire la vulnérabilité des exploitations. Les partenaires se sont groupés sur ce projet pour conduire à des possibilités de subventions jusqu’à 80% pour des mesures sur l’existant (bâtiment, matériel, cheptel...) en visant un redémarrage le plus rapide possible pour minimiser les pertes d’exploitation.

Sur 232 diagnostics réalisés, 85 exploitations ont effectivement fait réaliser des travaux, soit environ 36%, pour 6M€. Ce taux est indéniablement élevé par rapport à d’autres démarches de réduction de la vulnérabilité, ce qui s’explique notamment le taux élevé de financement (80%), rarement égalé.

Pour les actions collectives (qui concernent plusieurs agriculteurs), la difficulté est souvent de trouver un acteur qui accepte de porter : lorsque les agriculteurs sont regroupés en coopératives, c’est grandement facilitateur.

Enseignements et bilan :

  • Bons résultats notamment grâce à la forte implication des chambres d’agriculture et au fort taux de financement
  • Mise en œuvre d’ACB simplifiées, qui facilite le montage des dossiers.
  • Au cours des petites crues en novembre 2014 : toutes les mesures mises en œuvre ont montré leur efficacité

Un certain nombre de vidéos ont été réalisées sur le sujet et disponibles sur le site du Plan Rhône.

Démarche de sensibilisation des ICPE en Bourgogne Franche-Comté sur la réduction de vulnérabilité face au risque inondation

Sylvain MOREIRA et Yohann EVAIN - Cerema 

Site pétrochimique britannique inondé (source : BARPI)
Site pétrochimique britannique inondé (source : BARPI)

En Bourgogne-Franche Conté il y a de très forts enjeux industriels : environ 250 ICPE en zone inondable à l’échelle du secteur d’études (majoritairement des exploitations industrielles, mais également des exploitations agricoles). Ces installations ont concentré environ 2/3 des dommages lors de la crue de 2018.

L’objectif de la démarche s’est articulé autour de la réalisation d’un benchmark visant à produire 24 fiches sur des actions menées et sur les outils de financement, notamment au travers des plans Rhône et Loire, mais également au travers de FPRNM. Le benchmark montre notamment que les principales actions portent sur les habitations, et moins sur les activités (différence du taux de subventions), que cela s’inscrive ou pas dans le cadre d’un PAPI. Il sera produit une plaquette qui s’appuie sur celle du plan Rhône et qui servira dans le cadre d’une journée de communication participative pour promouvoir les actions et les possibilités de financement sur le sujet avec les assureurs (FFA et la MRN).

Identifications des difficultés :

  • Le financement dès que l’on sort du périmètre du Plan Rhône et jusqu’en 2021 uniquement
  • La disponibilité de la donnée sur l’aléa car même s’il y a beaucoup de PPR, il n’y en a pas partout, ou parfois des PPR anciens non digitalisés)

Identifications des leviers :

  • Une indispensable implication des CCI
  • Les inspecteurs ICPE doivent être un relais lors des visites

Le Programme d’Accompagnement aux Risques Industriels (PARI) d’Arkéma à Saint Menet

Gaelle DUCHENE – DDTM13 

Les PPRT ont été initiés en 2003 par la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages dite « loi Risques » avec la spécificité d’avoir un volet important sur la réduction de vulnérabilité de l’existant. Les logements privés peuvent bénéficier d’un financement à hauteur de 90% : 40% de l’Etat (via un crédit d’impôt), 25% à la charge de l’industriel à l’origine des risques et 25% répartis entre les collectivités percevant la Contribution Economique Territoriale (CET).

Le constat est que les travaux sont obligatoires et très bien financés, mais la question à se poser est la suivante : Cela suffit-il ? Peut-on laisser les propriétaires s’occuper seuls de mettre en œuvre les mesures ?

Le PPRT ARKEMA (Marseille – Saint Menet) concerne 350 logements privés existants et 350 logements sociaux, le risque impactant ces logements est uniquement un risque toxique et le coût des travaux estimé à une moyenne de 1400 € HT/logement

ARKEMALa DGPR sur proposition du Cerema a voulu se lancer sur une expérimentation nationale sur 7 PPRT en mettant en place des Programmes d’Accompagnement aux Risques Industriels (PARI). Localement, le PARI repose sur le recrutement d’un opérateur de type ANAH et la création d’un guichet unique pour le versement des différentes subventions (industriel et collectivités touchant la CET). Ce guichet unique a été rendu possible par l’intervention de la Caisse des Dépôt et Consignations – Banque des territoires

Au tout début la contestation était très forte chez les riverains qui demandaient la fermeture de l’usine. [Comme dans la majorité des PPRT] Il a été réalisé une réduction des risques à la source ainsi que la mise en place un dispositif d’accompagnement pour la réalisation des travaux des particuliers. Enfin, pour que les habitants n’aient pas à débourser le moindre euro, les Collectivités Territoriales ont décidé d’abonder pour offrir un taux de financement à 100 %, donc sans reste à charge pour les particuliers.

La spécificité du risque toxique consiste en la création d’un local de confinement à l’intérieur du logement en utilisant une pièce existante qui garde également sa fonction première. Ces travaux sont d’un plus faible montant que l’accompagnement et l’ingénierie (test(s) à la porte soufflante comprise). Cet accompagnement ainsi que l’ingénierie ont été pris en charge par l’État (DGPR), mais en contrepartie, les collectivités et l’industriel financent 100 % des travaux proprement dits. Ces derniers étant financés à 100 %, n’ouvrent pas droit au crédit d’impôt.

ARKEMA
ARKEMA (Marseille – Saint Menet)

Les constats :

  • Malgré le fait que les travaux à réaliser n’impactent pas l’aspect et le fonctionnement du logement, ceux-ci n’ont pas pu être réalisés partout. On a observé 15 % de refus, ce qui est important compte-tenu du fait que les propriétaires n’avaient rien à débourser.
  • Pas d’« effet Marseille » que certains avaient pourtant voulu prédire (pas de surestimation des devis)
  • Faible mobilisation des riverains pour être présents lors des travaux, donner des rendez-vous fiables, etc, malgré un accompagnement au plus près des habitants
  • Des entreprises de travaux locales qui n’ont pas réussi à tenir le rythme devant le nombre de bâtiments à traiter
  • La nécessité parfois de refaire des travaux liés soit à des malfaçons, soit dues au fait que les travaux prescrits n’étaient pas suffisants (lorsque les plus grosses fuites sont bouchées, certaines imperceptibles initialement deviennent importantes, c’est le cas des locaux très perméables)

Bilan du marché d’accompagnement :

  • Le marché a coûté environ 700k€ en tout, soit environ 1600 € par logement en moyenne
  • Un accompagnement très important et chronophage pour l’opérateur
  • L’objectif de 100% de travaux réalisés était trop ambitieux

Les enseignements :

  • C’est donc réalisable
    • Les opérateurs logements sont prêts à s’engager dans ce type de programme
    • Coûts et méthodes sont proches d’une opération d’amélioration de l’habitat classique
    • Travaux sont réalisables par des entreprises locales non spécialisées
  • Sur le plan du Marché public d’accompagnement
    • Le coût est finalement limité compte tenu du travail effectué
    • Mais un portage du marché compliqué entre DGPR, DREAL, DDTM
  • Réalisation des travaux :
    • Qualité et coûts maîtrisés
    • Atteinte globale des objectifs
    • Un nombre de refus finalement limités
  • Une comparaison avec d’autres PPRT montre que l’existence d’un accompagnement poussé est un facteur de réussite très important.
  • L’importance du guichet unique et du compte de consignation pour financer les travaux, qui a permis à tous les partenaires de verser le montant des subventions sur un compte à la caisse des dépôts qui était ensuite déconsigné sur demande du comité technique pour payer les entreprises.

les Plans de Prévention des Risques Sismiques (PPRS) et prescriptions sur l’existant

Nicolas TAILLEFER – BRGM 

PPR Sismiques
Mesures sur l'existant (Source : BRGM)

Rappel du contexte des PPR sismiques et notamment du fait que la plupart des prescriptions des « vieux » PPR sont aujourd’hui directement inclus dans la réglementation sismique nationale.

Une des modifications majeures dans la révision du guide PPRS vise les mesures sur l’existant : la réalisation du diagnostic parasismique n’est pas obligatoire, le choix de la stratégie étant laissé à la décision locale. A titre d’exemple : dans les Antilles, le choix a été de faire des diagnostics systématiquement, alors que dans les Pyrénées, c’est la prescription de mesures forfaitaires qui a été privilégiée.

Les maisons bâties dans la zone 4 (zonage sismique français) l’ont été avant la sortie de la réglementation parasismique nationale.

Le constat a été fait qu’il est impossible de systématiquement prescrire des travaux sur les structures car cela engendre des montants trop importants qui font dépasser le seuil des 10% (qui donne droit aux subventions pour les travaux obligatoires). Les mesures obligatoires concernent donc plutôt le second œuvre qui sont moins lourds et moins coûteux (exemple travaux visant à éviter la chute des cheminées).

Aménagement et gestion durable de la Brague

Fabrice MOLINIER – DDTM06 et Valérie EMPHOUX – Communauté d’Agglomération de Sophia Antipolis (CASA) 

la Brague
Crues d'Octobre 2015 - Plaine de la Brague

Rappel du contexte des inondations d’octobre 2015 suite à ces inondations il y a eu des fermetures et des rachats de très grands campings et de zones d’habitat vulnérable, sur lesquels des reconversions s’imposaient.

Cela a conduit à une démarche de réflexion sur le devenir de cette zone, menée conjointement par les collectivités et l’État, et traduite par un projet global d’aménagements publics et privés respectant le site et résilient vis-à-vis du risque inondation. L’état, en concertation avec les collectivités territoriales, a défini les conditions de réalisations des nouveaux aménagements. Cette démarche a conduit à l’élaboration d’un plan-guide pour l’aménagement du secteur (sur un périmètre de 160 ha).

La réflexion a reposé entre autres choses sur la réalisation d’une étude hydraulique de réaménagement et de requalification environnementale de la plaine de la Brague.

C’est une démarche assez innovante, car multi-échelles et multi-acteurs, qui constitue une opportunité de réouvrir la plaine au public, et d’implanter des équipements compatibles avec le caractère inondable du secteur.

Un chantier de révision des PPRi a également été lancé en parallèle, car les crues de référence ont été largement dépassées lors de l’évènement de 2015 : celui-ci est toujours en cours, actuellement à l’étape de l’enquête publique. Ces révisions ont eu pour conséquence le passage de « bleu » à « rouge » de beaucoup de secteurs, ce qui est vécu par les habitants comme une « double peine » : aux dégâts et traumatismes causés par la crue s’ajoute la perte de droit à construire, ou de la supposée perte de valeur du bien existant.

L’enjeu global a donc été de ne pas figer le territoire et de réussir à mettre en place un projet de territoire.

la BragueParallèlement au PPRi, ont également été mis en œuvre des mesures d’acquisition par le Fonds Barnier (à hauteur de 12M€ sur Biot) : la question de l’usage et la requalification des parcelles rachetées a rapidement posé des problèmes qu’il était important de résoudre. Il n’est en effet pas possible pour l’État de se contenter de répondre que ces espaces pourraient être requalifiés en parcs. Il a donc été lancé un d’aménagement de la plaine de la Brague.

  • Un réaménagement hydraulique (travaux déjà lancés, mais revus de manière plus « ambitieuse » après l’événement)
  • La CASA a souhaité racheter, par le biais d’une DUP, les berges du cours d’eau (20 ha) pour en assurer l’entretien et la restauration et pour aménager un cheminement piéton.
  • Un plan guide d’aménagement qui sera intégré dans les PLU. Celui-ci comprend notamment un « support référent » pour la prise en compte des orientations d’aménagement dans les PLU.

Sur l’historique du secteur, la DDTM06 précise qu’un contrôle lié au « droit de l’urbanisme » avait été lancé après la crue de 2011 et que des PV ont été systématiquement dressés en cas d’infraction : le bilan était cependant assez décevant, avec beaucoup de PV classés sans suite. Cela a conduit à ce que la Préfecture et le Tribunal s’engagent à intervenir sur le sujet suite aux inondations de 2015, mais rien n’a réellement été mis en place encore aujourd’hui.

Le secteur se trouve dans le périmètre d’un PAPI labellisé en 2014 avant les inondations, qui contenait déjà un certain nombre d’actions qui ont servi à mener des projets rendus nécessaires par les conséquences des inondations. Il est à noter que le PAPI a fait l’objet de deux avenants : un pour prolonger sa durée, l’autre pour introduire ces nouvelles actions.

Formation à l’auto diagnostic du bâti résidentiel

Ghislaine VERRHIEST – Mission Interdépartementale sur les Inondations de l’Arc Méditerranéen (MIIAM) et Nicolas CATALA - CYPRES 

Autoévaluation
Auto-évaluation "inondation" de son habitation (MIIAM - CYPRES)

Le Cypres et la MIIAM présentent une démarche testée la semaine dernière, en partenariat avec le SABA et la commune de Berre-l’Etang, au droit du hameau de Mauran : l’auto-évaluation du citoyen face au risque inondation. La démarche part du principe que pour mener une auto-évaluation efficace, il est nécessaire de partir du citoyen directement (ou de ses enfants).

L’auto-diagnostic est fait en en trois étapes, ce qui revient à répondre à ces trois questions :

  1. Est-ce que je suis exposé à l’inondation et ou puis-je trouver l’information ?
  2. Quelle est ma vulnérabilité y compris en dehors de l’habitation (parking, voies de communication, etc.) ?
  3. Comment anticiper, comment je me prépare ?

Pour chaque étape proposée il a été produit des fiches assez simples et itératives en évitant le jargon de spécialiste.

Le document a déjà été modifié suite au test et s’il fait aujourd’hui 18 pages, mais extrêmement vulgarisé, il y a la volonté de faire quelque chose de beaucoup plus imagé avec l’aide d’un graphiste.

La MIIAM, le CYPRES et le SABA, syndicat de rivière du territoire sur lequel l’expérimentation a été menée sont très satisfaits et souhaitent reconduire l’exercice (ndlr la première personne test étant la responsable du service urbanisme, donc pas tout à fait béotien sur le sujet) notamment auprès d’habitants « relais » qui seraient à même de promouvoir l’outil autour d’eux.

Il n’est pas question de poster le document, mais de l’accompagner, via par exemple les comités de quartier. Il pourrait être intéressant d’impliquer les enfants via les écoles par exemple.

Conclusion et synthèse 

Laurence Damidaux – Directrice territoriale adjointe Méditerranée du Cerema

la BragueLes interventions qui ont eu lieu ce matin montrent que les prises de consciences évoluent et le constat a été fait que "le tout protection n’a pas fait ses preuves et qu’il faut se faire à l’idée que les territoires exposés seront un jour inondés." L’enjeu est bien de travailler à réduire les conséquences des risques auxquels sont ou seront confrontés les territoires

D’où l’importance des diagnostics de vulnérabilité du territoire qu’il est fondamental aujourd’hui de mener pour pouvoir engager des stratégies d’aménagement de résilience des territoires. L’enjeu est également d’intégrer la gestion des risques dans l’aménagement, c’est bien à ceux qui sont en charge et responsable de l’aménagement de nos territoires quel que soit l’échelle, de prendre en compte de façon intégrée les risques.

Cette journée a permis de montrer des exemples très concrets avec des solutions différentes en fonction des risques (pas uniquement le risque inondation) et des approches multi échelles qui peuvent être des sources d’inspiration pour nous tous.

Concernant les événements à venir :

  • Lancement en juin de l’ appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour primer des projets d’aménagement du territoire exposés aux risques naturels. L’approche de co-construction Etat /collectivité et l’approche pluri-disciplinaire architectes /urbanistes/ paysagistes semble être une véritable opportunité.
  • Deux autres journées du même type seront organisées par le Cerema à Bordeaux le 8 octobre et à Nancy en fin d’année, les exemples seront capitalisés sur ce site internet.

 

Pour les prochaines éditions de ces journées, nous réfléchissons à y associer davantage les élus, mais également des représentants du monde de l’assurance.

Pour aller plus loin