27 août 2024
Rue avec panneau d'entrée de ville et panneau zone 30
Source : ©Plans
Le concept de la ville 30 se développe en France depuis une quinzaine d’années.
Une ville 30 c’est d’une part plus de 70 % de la voirie qui a une limitation de vitesse à 30 km/h ou moins (zone de rencontre, aire piétonne, voie verte) et quelques axes structurants qui restent à 50 km/h, voire plus rarement à 70 km/h. On a rarement toutes les voiries à 30 km/h ou moins. Et d’autre part c’est aussi toute une série de mesures favorisant le développement et la sécurité des modes actifs et des transports publics.
Une ville 30 associera au panneau d’entrée de ville un panneau de zone 30 ou un panneau de limitation de vitesse à 30 km/h.

Mais, au-delà de la mise en place d’une signalisation spécifique et d’aménagements en cohérence avec la limitation de vitesse, la ville 30, c’est un cocktail de mesures.

 

La ville 30, un cocktail de mesures

L’abaissement des vitesses contribue à sécuriser les déplacements de tous les usagers, à encourager les déplacements des modes actifs, à favoriser l’activité locale et à améliorer le cadre de vie. Cependant, cette démarche prise isolément n’est pas suffisante et est souvent couplée avec d’autres mesures, qu’elles soient générales ou localisées, qu’elles viennent s’inscrire en amont, en parallèle ou en aval de cette stratégie de réduction des vitesses.

Voici quelques exemples de ces mesures :

 

Hiérarchiser le réseau :

Grenoble Métropole

La hiérarchisation du réseau de voirie qui permet de déterminer les usages et fonctions que l’on souhaite privilégier dans chacune de voiries. Elle nécessite une réflexion stratégique et des arbitrages parfois difficiles, dans un contexte d’espaces urbains contraints spatialement. Ces espaces doivent aussi répondre à de multiples enjeux tels que le développement de la nature en ville, l’adaptation au changement climatique, la gestion alternative des eaux pluviales, l’organisation et l’optimisation du stationnement, l’attractivité du centre-ville…  et sont fortement sollicités pour divers usages. 

Parallèlement à cette hiérarchisation, un travail sur le plan de circulation est indispensable pour s’assurer que le transit motorisé soit strictement cantonné aux axes structurants, le reste du réseau étant constitué de rues limitées à 30 km/h ou de zones de circulation apaisée ;

 

Développer les modes actifs :

Les actions visant à développer la pratique des mobilités actives, en créant des zones à priorité piétonne, en mettant les trottoirs et cheminements piétons aux normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, en sécurisant les traversées, en créant des réseaux cyclables continus avec des aménagements cyclables sécurisés et confortables, en installant des services vélo (location en libre-service ou longue durée, stationnements vélo nombreux et sécurisés, ateliers de réparation de vélo…), en mettant en place de la signalisation pour les modes actifs ou un « design actif », en favorisant l’intermodalité avec les transports en commun, en sensibilisant les citoyens avec des campagnes de communication et des actions incitatives (aides à l’achat, formations pour être à l’aise à vélo...) ;

 

Utiliser les documents d'urbanisme :

La planification de l’urbanisme et des mobilités en encourageant le développement de secteurs où les activités résidentielles, tertiaires (bureaux), commerciales et récréatives coexistent, tout en y intégrant des parcs et espaces verts accessibles, et en favorisant le développement d’une urbanisation concentrée autour des gares et des arrêts de transport en commun et en assurant que les principaux pôles générateurs de déplacement du territoire soient bien desservis par des cheminements piétons et cyclables confortables et agréables ; en veillant également à favoriser les circulations à pied ou à vélo à l’intérieur de ces quartiers).

 

Favoriser l'inclusion :

Développer des villes plus inclusives, en prenant en compte notamment le vieillissement de la population (organisation des services de proximité avec des commerces essentiels, des équipements publics accessibles et inclusifs et des services pour tous…).

 

Des espaces publics qualitatifs :

La qualité des espaces publics : l’accessibilité, le cadre de vie en particulier le paysage et les aménités, le confort, la végétation, un éclairage pouvant être réduit mais de qualité et adapté aux déplacements en modes actifs, l’entretien et la propreté des espaces, l’offre en matière d’animation (en particulier par des restrictions temporaires de circulation les jours de marché, une partie de la fin de semaine, pendant les vacances scolaires ou lors de grands événements culturels ou sportifs) ou de création de parcs temporaires... 

 

Des transports attractifs :

L’attractivité et l’efficacité des transports en commun en améliorant le réseau de transports publics pour qu'il soit plus rapide, fiable, et accessible, et en considérant les projets de nouvelles lignes de TC à haut niveau de service comme des occasions d’embellir de façade à façade la qualité des espaces publics et d’y développer des espaces et des services pour les modes actifs…
 

L’abaissement des vitesses engendre un effet d’entraînement permettant à la fois de rendre d’autres mesures possibles mais aussi d’augmenter leur efficacité

En effet, en développant la marche et le vélo et en apaisant les voiries, les vitesses pratiquées par les motorisés se réduisent, les nuisances qui accompagnent leur circulation également (bruit, pollution…) et les usagers des modes actifs ressentent plus de sécurité et de confort dans leurs déplacements. Cela encourage davantage de personnes à utiliser le vélo ou à marcher. 

De manière réciproque, avec plus de piétons et de cyclistes dans les espaces publics et sur la voirie urbaine, la vitesse des véhicules motorisés diminue, et certains conducteurs de véhicules motorisés deviennent plus attentifs à la présence des modes actifs (étant eux-mêmes parfois piétons ou cyclistes), voire changent de mode lorsque leur déplacement le permet. Cette situation modifie les comportements, rééquilibre les "rapports de force" entre usagers de la voirie et incite encore plus de personnes à adopter les modes actifs, renforçant ainsi l'effet d'entraînement. 

 

 

Le concept de la ville 30 doit s’intégrer dans une politique plus globale de mobilité, afin d’organiser les mesures de la ville 30  en cohérence et en complémentarité avec les autres mesures en faveur des mobilités. Mais bien entendu, cela va dans les deux sens : mettre en place une ville 30 peut réinterroger certains éléments de la stratégie de mobilité.

La ville 30 est un "outil" qui peut être mobilisé à la fois dans une stratégie de la politique de mobilité (Plan de Mobilité), ou de la politique d’environnement-santé-cadre de vie (Plan climat-air-énergie territorial, Schéma de cohérence territoriale).

 

Sécurité des déplacements

L’enjeu de la ville 30 est d’abord un enjeu de sécurité des déplacements, même s’il est également bénéfique pour le cadre de vie et qu’il favorise les mobilités actives. Concernant l’exemple de Grenoble, les tendances en matière d’accidentalité sur une période de 3 ans montrent une réduction du nombre d’accidents et de leur gravité. Et en particulier, l’accidentalité des piétons diminue.

Nombre de conflits, par mode, survenus sur le périmètre métropolitain entre 2011 et 2017(périodes avant et après mise en place de Métropole Apaisée)

Même si cette tendance ne peut pas être uniquement imputée à l’abaissement de la limite de vitesse générale à 30 km/h, compte tenu des différentes autres mesures mises en œuvre à l’échelle métropolitaine, cet abaissement de vitesse à 30 km/h y a contribué.

A Grenoble, "le nombre d’accidents impliquant un piéton a baissé de 24 % depuis l’application de la mesure (de 63 cas par an entre 2011 et 2015, à 48 cas entre 2016 et 2017) ; concernant les accidents impliquant un deux-roues motorisé, la baisse est de 31 % (de 70 cas à 48)".

 

Par ailleurs, au-delà de l’exemple de Grenoble, la diminution effective de la vitesse de 50 à 30 km/h limite les risques et la gravité des accidents corporels, par l’augmentation du champ de vision du conducteur d’environ 30° et par la simple réduction de la distance d’arrêt des voitures.

A 30 km/h, un automobiliste qui voit un piéton s’engager à 13 mètres devant lui aura le temps de s’arrêter. Dans la même configuration, à 50 km/h, il n’aura pas le temps de commencer à freiner : le piéton sera percuté à pleine vitesse.

Il se trouve aussi qu’en cas de choc avec un véhicule à 30 km/h et un choc avec un véhicule à 50 km/h, le risque de décès du piéton est multiplié par 6.

Le schéma ci-contre représente la distance nécessaire à un automobiliste pour s’arrêter, dans les mêmes conditions :

  • en jaune, la distance parcourue par le véhicule pendant le temps de réaction du conducteur (fixé à 1 secondes)
  • en orange, la distance de freinage du véhicule (sur chaussée sèche)
     

Le bilan à 1 an sur Lyon, passée en ville 30 en mars 2022, montre aussi une diminution de l’accidentalité. A noter que Lyon est passée en ville 30 dans le cadre de la démarche "Envie d’Avenir", déclinaison locale du concept vision zéro qui a pour objectif de mettre fin à long terme à tout décès ou blessure grave résultant d’accidents sur les routes et rues.

Les accidents ont baissé de 22 %, tandis que le nombre de blessés hospitalisés a diminué de 40 %. Pour les piétons, la diminution est encore plus importante, avec 29 % d’accidents en moins et une baisse de 52 % de blessés graves.

 

Qualité de vie des usagers des lieux

L’abaissement de la vitesse limite à 30 km/h améliore la qualité du cadre de vie, par une meilleure cohabitation entre les différents usages et usagers.

Plusieurs études ont montré qu’avec le passage à 30 km/h d’une rue, la possibilité de traverser la rue était ressentie comme une amélioration pour les piétons (Rapport Fondation sécurité routière, 6T / Ville de Paris, Passage à 30 de l’avenue de Clichy).

Des travaux de sociologie (Californie et Suisse) ont montré également que les riverains-voisins avaient plus d’interactions dans une rue à 30 km/h que dans une rue à 50 km/h, notamment parce qu’ils sont plus présents dans l’espace public ou parce que le niveau sonore plus faible facilite les échanges.

Quand les trafics motorisés sont limités, et que la vitesse réelle des véhicules motorisés est inférieure à 30 km/h, la circulation en mixité vélos-véhicules motorisés sur un même espace est généralement possible.

 

A gauche : Trottoirs larges et assises pour le confort des piétons.        A droite : Double sens cyclable dans une rue limitée à 30 km/h



 

Impact sur la santé et l’environnement

La ville 30 ne se limite pas à la sécurité des déplacements de tous les usagers et à l'amélioration du cadre de vie à l'échelle du quartier. Elle a également des effets positifs sur la santé et l'environnement lorsque l’abaissement des vitesses s'accompagne d'un report de l'utilisation de la voiture vers des modes décarbonés.

La mise en œuvre d’une ville 30 est l'occasion de repenser l'ensemble de la mobilité, de rééquilibrer les déplacements de courtes distances vers plus de modes actifs. L'abaissement de la vitesse favorise en effet l'essor des modes actifs, en leur offrant plus de sécurité et en les rendant plus compétitifs pour les trajets courts, prépondérants dans les déplacements du quotidien en ville. Cela permet aussi un accès facilité aux arrêts de TC et pôles d’échanges, la marche et le vélo étant des maillons essentiels de l’intermodalité.

 

A gauche : Nouveaux espaces pour les modes actifs.           A droite : Intermodalité transports en commun et modes actifs (Source ©Plans)

 

La mesure de réduction des vitesses peut donc s’avérer bénéfique pour la santé si elle se traduit par une réduction suffisante du nombre de véhicules motorisés circulant dans la zone visée : impact sur la pollution, réduction des émissions, diminution des nuisances sonores, développement de l’activité physique en limitant la sédentarité (report modal vers les modes actifs).
L'impact sur la santé n'est pas à considérer au niveau du véhicule individuel (pollution, bruit) mais plutôt au niveau de l'ensemble de la mobilité et de la santé des individus.

Si on reprend l’exemple de Grenoble, on y a constaté une baisse du trafic automobile d'environ 9% et, de fait, une diminution des pollutions associées.

 

Abaissement de la vitesse limite de 50 km/h à 30 km/h : qu’en est-il des vitesses pratiquées?

Le passage d’une vitesse limite de 50 km/h à 30 km/h ne se traduit pas dans les faits par une baisse de 20 km/h sur les vitesses pratiquées. En effet, la vitesse moyenne en ville atteint rarement le 50 km/h, notamment du fait des franchissements des carrefours. Par contre, il est constaté que certains usagers font des pointes à 50 km/h et au-delà. Les résultats d’évaluation montrent que l’abaissement de la vitesse limite à 30 km/h se traduit par une baisse de la vitesse moyenne et qu’un écrêtement des vitesses de pointe se réalise. 

Ce qui explique les résultats constatés en termes d’accidentalité. L’écart observé entre la vitesse limite de 30 km/h et les vitesses pratiquées montre qu’il reste du chemin à parcourir pour tirer tous les bénéfices théoriques attendus, mais que la direction est la bonne.