Nous vous proposons ici quelques principes fondamentaux à respecter pour garantir une voirie attractive pour tous les cyclistes, présents et à venir.
Quels critères pour choisir entre séparation et mixité ?
Le choix entre mixité et séparation des modes est fondamental lorsqu'on cherche à construire un espace public accueillant et inclusif pour l’ensemble des modes actifs. Pour les cyclistes, ce choix s’appuie nécessairement sur une hiérarchisation préalable du réseau cyclable ou à défaut une réflexion locale sur la vocation des aménagements mis en place.
3 critères principaux sont à considérer conjointement avant de choisir de faire cohabiter ou non les cyclistes et les usagers motorisés sur un même espace.
1 - Le volume de trafic motorisé
La proximité avec les usagers motorisés est souvent facteur de stress, d’inconfort et de sentiment d’insécurité pour les cyclistes, même si elle est bien vécue par certains d’entre eux[1]. Le volume de trafic est un indicateur qui permet d’apprécier si cette proximité s’avère fréquente ou non, et donc si une mixité d’usage de la chaussée est envisageable.
Ainsi, les différents retours des gestionnaires de voirie en France et à l’international montrent qu’au-delà de 4000 veh/jour, la cohabitation entre les cyclistes et les usagers motorisés sur un même espace s'avère très souvent problématique.
Face à des situations où ce seuil est dépassé, deux options principales s’offrent à l’aménageur pour garantir la cyclabilité de la solution technique retenue :
- Créer des aménagements cyclables séparatifs : cette option suppose de créer des aménagements suffisamment qualitatifs pour être plus attractifs que la chaussée générale. Ils devront notamment être dimensionnés de manière adéquate.
- Prévoir un usage mixte de l’espace mais agir sur le plan de circulation pour faire baisser le trafic motorisé en dessous des seuils précités : c’est souvent la solution qui s’impose dans les rues étroites où la création d’aménagements séparatifs conformes aux standards de largeur n’est pas possible. Pour autant, on veillera à conserver autant que possible une largeur permettant une bonne cohabitation entre cyclistes et automobilistes, notamment en situation de dépassement.
2 - la vitesse réellement pratiquée par les automobilistes
La modération de la vitesse en ville est une nécessité tant pour la sécurité routière que pour la qualité de vie et la convivialité. C’est une condition nécessaire (mais non suffisante) pour envisager de faire circuler les cyclistes et les usagers motorisés sur un même espace. Et ce sont les vitesses réelles des véhicules motorisés et non la vitesse limite autorisée qui conditionnent la sécurité et le ressenti de sécurité vécu par les cyclistes.
3 - le trafic cycliste
Le trafic cycliste, constaté ou désiré, est également à prendre en considération, de même que le niveau de service visé pour les cyclistes. Par exemple, si une zone 30 à faible trafic motorisé (<4000 VL/jour) peut parfaitement admettre la mixité pour un trafic cycliste jusqu’à 750 cyclistes / jour, cette mixité peut se révéler problématique si le trafic cycliste atteint plusieurs milliers de passages par jour, à fortiori sur un réseau cyclable à haut niveau de service.
Quel type d'aménagement ?
L’examen de ce tableau donne en général une idée assez précise du choix à opérer entre mixité et séparation des modes. Pour autant, d’autres paramètres pourront être également examinés :
- présence de dispositifs de modération de la vitesse pour les véhicules motorisés
- voirie en pente générant, dans le sens de la montée, une augmentation du différentiel de vitesse entre les vélos et les voitures
- étalement ou resserrement de l’heure de pointe
S’agissant des pistes et bandes cyclables, celles-ci devront nécessairement être conçues suivant les recommandations en vigueur afin de garantir leur fonctionnement optimal.
La prise en compte du contexte local et la concertation avec les usagers permet, notamment dans les cas où les contraintes techniques sont fortes, de choisir les solutions les plus adaptées. La mise en place d’aménagements réversibles et ajustables permet également d’aider au choix d’aménagements définitifs.
La zone 30 est-elle un aménagement cyclable?
Il découle de ces principes qu'une zone 30 dépourvue d'aménagement séparatifs ne peut tenir lieu d'aménagement cyclable que si les critères de trafic énoncés plus haut sont respectés. En particulier, une vitesse constatée inférieure ou égale à 30 km/h n’est pas une condition suffisante pour qu’une zone 30 soit cyclable.
Afin de pouvoir rendre compte de l’impact du volume de trafic motorisé sur l’attractivité de la voirie pour les cyclistes, nous avons sélectionné et filmé, à l'heure de pointe, 4 zones 30, en partenariat avec la métropole de Lyon. Dans ces rues, la vitesse maximale autorisée est respectée[1], mais les niveaux de trafic motorisés sont sensiblement différents.
[1] Source des comptages et mesures de vitesse : Métropole de Lyon
Trafic motorisé = 1000 véhicules par jour
Zone 30 à moins de 1000 VL/Jour
Dans une telle rue, les modes actifs sont les modes dominants, la probabilité de rencontre entre cyclistes et véhicules motorisés est faible, les cyclistes utilisent le même espace que les usagers motorisés pour circuler.
Trafic motorisé = 2300 véhicules par jour
Zone 30 à 2 300 VL/Jour
Ici, la présence motorisée est plus forte (renforcée par la présence des emplacements de stationnement), mais la mixité cyclistes/voitures reste acceptable. Les cyclistes circulent avec aisance et décontraction et n’hésitent pas à transporter leurs enfants à vélo.
Trafic motorisé = 7000 véhicules par jour
Zone 30 à 7 500 VL/Jour
Dans cette zone 30, le seuil d’acceptabilité de la mixité est manifestement dépassé. Bien que les usagers motorisés circulent pour la plupart à une vitesse inférieure ou égale à 30 km/h, peu de cyclistes empruntent cette voirie, certains préférant même utiliser le trottoir, probablement jugé plus confortable.
Trafic motorisé = 12 000 véhicules par jour
Zone 30 à 12 000 VL/Jour
Un tel niveau de trafic dans une zone 30 sans espace réservé aux cyclistes pénalise non seulement leur sécurité ressentie et leur confort, mais réduit également l’efficacité du mode vélo. En effet, en situation de quasi-congestion, comme c’est le cas ci-dessus, les cyclistes se retrouvent entravés par les véhicules motorisés sans pouvoir profiter des avantages de la bicyclette, comme circuler sans effort en descente.