7 février 2024
Allée arborée à Lyon
Cerema
Le processus d’évapotranspiration est complexe, surtout en ville, et pourtant il est au cœur de divers enjeux pour des villes agréables, durables, et résilientes. Le Cerema et ses partenaires ont organisé un séminaire pour échanger avec une centaine d’acteurs d’horizons professionnels divers autour du sujet.

L’équipe TEAM de recherche du Cerema, l’université Gustave Eiffel, l’Office Français de la Biodiversité, l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées via son programme de recherche OPUR, et l’association Arceau IdF ont organisé le 5 décembre 2023 à Marnes-la-Vallée un séminaire sur l’évapotranspiration et ses rôles dans les villes

 

L'évapotranspiration, levier de l'adaptation des villes au changement climatique

La journée ouverte à tous les acteurs opérationnels et chercheurs a consacré une large place aux échanges entre acteurs, et a été organisée autour de présentations sur le processus, sur des projets appliqués, et sur l’état des connaissances issu de la recherche. Des temps de témoignages d’acteurs opérationnels et un atelier de perspectives ont aussi été organisés.

D’immenses défis concernent les villes de demain souhaitées agréables à vivre et durables, avec un fort besoin de résilience. Leur développement dans un contexte de changement climatique nécessite, entre autres, de bien gérer le cycle de l’eau, d’assurer un confort thermique lors des épisodes de chaleur, et de réintégrer la nature en ville.

L’évapotranspiration représente la transformation d’eau liquide du sol et des végétaux en vapeur dans l’atmosphère. Ce processus indispensable à la bonne santé des végétaux permet également de réduire le ruissellement et d’abaisser les températures locales. Maîtriser voire favoriser l’évapotranspiration est donc un enjeu important pour le milieu urbain.

 

En ville, le processus d'évapotranspiration est particulièrement complexe à représenter et à prévoir car il est à l’interface entre les compartiments sol, végétation et atmosphère, et il dépend du couplage entre les bilans hydriques et énergétiques. L’évapotranspiration peut y être significative bien que réduite du fait de l’imperméabilisation.

 

Après un accueil et une présentation du programme, la journée a commencé par une introduction scientifique et technique du processus et ses déterminants, par deux chercheurs. Une table ronde s’est ensuite tenue regroupant quatre acteurs opérationnels autour de leurs besoins et attentes. Un sondage interactif a ensuite été proposé permettant de mieux connaître les intérêts des participants. 

 

La présentation et le sondage :

3 projets de recherche action

Rue Garibaldi à Lyon

Des projets appliqués de recherche-action, menés par un duo de chercheurs et d’opérationnels, ont ensuite été présentés autour d’aménagements végétalisés favorisant l’évapotranspiration (toiture végétalisée, jardin, et arbre). 

  • Le jardin de pluie urbain alimenté par les eaux pluviales de toiture, stockées et restituées en période de sécheresse afin de maximiser l'évapotranspiration. L'objectif de ce projet mené par la start-up Source Urbaine est de parvenir à un bâtiment zéro rejet pluvial en combinant gestion des eaux pluviales et végétalisation urbaine.
  • L'étude menée par Hydrasol et le Grand Lyon sur l'évapotranspiration de la végétation, en comparant la végétation de la rue Garibaldi, un ancien boulevard de centre-ville réaménagé pour les modes actifs et transports en commun, des arbres de pluie et des plantations classiques le long d'une rue. Une instrumentation a été placée pour mesurer les transferts hydriques dans le continuum sol - arbre- atmosphère et l'impact de l'arrosage
  • Une étude sur l'évapotranspiration des jardins de pluie menée par le Cerema, l'Agence de l'eau Seine Normandie et la ville de Paris, pour approfondir la connaissance du comportement hydrologique d'un jardin de pluie étanche, notamment pour mieux dimensionner les dispositifs.

 

4 projets de recherche :

Un état des connaissances scientifiques a ensuite été proposé via la présentation de quatre projets scientifiques menés en France par des équipes de recherche:

  • Mesures et estimations, de l’échelle de l’espace végétalisé au quartier, par différentes techniques - David Ramier - Cerema, Fabrice Rodriguez - Université Gustave Eiffel
  • Bénéfices apportés par les arbres, Julien Thierry - AgroCampus-Angers
  • Estimation et modélisation à l'échelle de l'ouvrage végétalisé de gestion des eaux pluviales, sur une toiture végétalisée démonstratrice comprenant différentes configurations - Ahmeda Assan Ouedraogo - Cerema
  • Modélisations des flux d'évapotranspiration aux échelles quartier et ville avec le modèle hydro-climatique TEB et le modèle hydrologique distribué URBS - Xénia Lafaille - Université Gustave Eiffel

Enfin, la journée s’est conclue par l’organisation d’ateliers prospectifs, en sous-groupe, autour des attentes et freins identifiés par chacun et des perspectives de suite à donner. La journée a été clôturée par un grand témoin. 

 

 

Les ateliers :

 
 
Conclusions des 5 ateliers :

 

  • Favoriser l’évapotranspiration (ET) par une approche systémique, globale et transversale (multibénéfices, intégration des trames verte/bleue/grise). Lien entre ET et rafraîchissement : évaluation des performances par le partage des expériences (fiches techniques) 
  • Sensibiliser et former tous les publics (enfants, élus, agents, citoyens etc.). Améliorer le levier réglementaire tout en restant simple et intelligible, que cela ne devienne pas un frein. Lier le réglementaire avec des incitations. 
  • Agir sur les outils techniques et juridiques en faveur de l’ET Former, informer, transférer les connaissances et les bonnes pratiques
  • Besoin d’outils prenant en compte l’ET pour le dimensionnement d’ouvrages/aménagements ; Réponses pour améliorer les usages/pratiques : de l’arrosage à l’aménagement
  • Besoin de formation-transfert sur le sujet, d'objectiver les co-bénéfices, décloisonner, favoriser l'acculturation interservices afin d'avoir une stratégie plus partagée.

Un enjeu grandissant qui nécessite des échanges réguliers et des outils techniques

D’abord considérée comme un enjeu lié à un signal faible (souvent lié à l’abattement du ruissellement ou à la renaturation de la ville), la prise en compte de l’évapotranspiration revient de plus en plus souvent dans les questionnements liés à l’adaptation des villes au changement climatique. Cette prise de conscience a amené les gestionnaires et opérationnels à lancer de nombreuses initiatives partout sur le territoire, dans différentes conditions et avec des objectifs spécifiques, autour de cette question. 

Cette journée a donc permis de révéler un vrai besoin d’échanges réguliers sur cette thématique, notamment pour rester au fait de ces initiatives menées dans les différentes agglomérations et essayer de les connecter entre elles. Mais aussi pour suivre les avancées de la recherche scientifique en la matière et imaginer des actions communes de science-gestion. La constitution de groupes de travail thématiques et/ou la tenue d’un événement régulier d’échanges pourrait éventuellement répondre à ce besoin.

Pour de nombreux acteurs, le besoin d’outils de modélisation facilement mobilisables, d’aide au dimensionnement et à l’évaluation des volumes, et d’expérimentation via des sites pilotes, a été exprimé tout au long de la journée. Dans cette perspective, il paraît essentiel de renforcer les initiatives de recherche-action sur cette thématique, et de continuer à soutenir les travaux scientifiques en matière de développement de modèles, d’outils techniques et d’instrumentation.

Certains acteurs ont également exprimé un besoin de soutien, d’aide, de production d'argumentaires permettant la sensibilisation d’un large public (élus, autres services, citoyens, etc.) à cette question. La mise en place de politiques publiques et d’investissement liés à l’évapotranspiration est souvent confrontée à d’autres objectifs (économiques, logistiques, sanitaires, etc.) de gestion urbaine. 

 

L’arbitrage en faveur de ces aménagements nouveaux doit pouvoir être soutenu et intégré dans une perspective plus globale d’évolution de la ville face aux nouveaux enjeux de résilience. 

La mobilisation des sciences humaines et sociales, voire des sciences politiques sur ce sujet a ainsi été évoquée, et le transfert de connaissances a également été identifié comme ayant un grand rôle à jouer dans la mise en place de politiques publiques volontaristes sur le sujet.