Cet article fait partie du dossier : Les journées techniques 2018/2019 du Cerema : la gestion et l’occupation écoresponsables des bâtiments
Voir les 5 actualités liées à ce dossierUne matinée d’information pour sensibiliser les acteurs aux enjeux d’une gestion et d’une occupation éco-responsables, réels vecteurs d’économies dans nos bâtiments
La loi ELAN fixe des objectifs ambitieux de réduction des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires : d’ici 2030, les gestionnaires de ces bâtiments doivent parvenir à faire baisser leur consommation de 40 %. Comme l’a souligné Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction à la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (Ministère de la Transition écologique et solidaire), pour atteindre ces objectifs, il ne faut pas compter exclusivement sur des travaux lourds. Des actions à faible investissement, portant à la fois sur l’exploitation et l’occupation des bâtiments, permettent en effet de faire un pas plus que significatif, à hauteur de 20 % d’économies d’énergie. C’est notamment ce qu’a pu démontrer le Concours Cube 2020, organisé par l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB) et qui, lors de sa 3ème édition en 2017, a poussé ses 236 participants à faire des économies significatives, à hauteur de 10 % en moyenne, et allant jusqu’à 30 % pour les meilleurs, en seulement un an.
Le Cerema Nord-Picardie a donc choisi de revenir sur les étapes qui permettent à de telles démarches de réduction des consommations énergétiques à faible investissement de fonctionner, en les illustrant de retours d’expériences d’acteurs qui les mettent en œuvre au quotidien dans leurs bâtiments.
Connaître son parc et ses occupants : l’importance du diagnostic
La première étape d’un telle démarche est la connaissance de son parc et de ses occupants. Comment réduire ses consommations si nous ne savons pas d’où elles viennent ? C’est pourquoi il est important de diagnostiquer son parc à la fois en tant qu’objet technique, pourvu d’un ensemble de systèmes permettant de le chauffer et d’y travailler, mais aussi en tant qu’objet social, qui n’a de vie que par la présence de ses occupants.
Lucile Bavay, responsable de la thématique Gestion du Patrimoine Immobilier au Cerema Nord-Picardie, nous a présenté les principales étapes d’un tel diagnostic, illustrées d’exemples observés lors des différentes expériences d’accompagnement de gestionnaires menées par le Cerema. Quatre étapes principales ponctuent un tel diagnostic : questionner, observer, mesurer et rendre compte.
Julien Dubeaurepaire, conseiller en énergie partagé du Parc Naturel Régional de l’Avesnois, nous a ensuite fait part de la stratégie développée par le PNR pour repérer les bâtiments publics du territoire les plus consommateurs. Enquêtes auprès des élus, analyse de factures et réalisation de photographies énergétiques leur ont permis d’identifier le patrimoine public sur lequel il est urgent d’agir. Parmi les 245 bâtiments audités, 54 ont été identifiés comme tels. La prochaine étape pour le conseiller en énergie partagé est de définir, avec l’aide du gestionnaire, les pistes d’amélioration qui leur permettront de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments.
Mettre en place un plan d’actions et les mener à bien
L’état des lieux réalisé lors de l’étape du diagnostic va ensuite permettre au gestionnaire de définir les actions à faible investissement qui lui permettront de faire baisser la consommation de son bâtiment.
Plusieurs outils, présentés par Christophe Huet, responsable opérationnel "réhabilitation du patrimoine immobilier de l'État" au Cerema Nord-Picardie, existent pour venir en aide aux gestionnaires de bâtiment et leur permettre de définir et de mettre en œuvre leur plan d’action. Ils peuvent être externes et relever de la contractualisation à l’instar du Contrat de Performance Énergétique ou du contrat d’entretien-maintenance avec intéressement. Mais d’autres font appel à des compétences à développer en interne comme le métier d’économe de flux ou la mise en place d’un fonds interne s’alimentant des économies réalisées : l’intracting.
Fanny Van Heems, chargée de mission développement durable à l’Université de Lille, nous a fait part de son retour d’expérience suite à la participation de la Faculté de Pharmacie à la troisième édition du Concours Cube 2020. L’établissement est entré dans le concours en se fixant l’objectif de faire 10 % d’économies. La constitution d’une Green Team, en charge de l’animation de la démarche, la communication, l’organisation d’évènements forts comme le « Barbecube » et les actions techniques mises en place leur ont permis de surpasser cet objectif et de décrocher un Cube de bronze ainsi que la troisième place de la catégorie « Établissements d’Enseignement Supérieur ».
Impulser des dynamiques avec les occupants
Toute démarche de recherche d’économies d’énergie à faible investissement ne peut se faire de manière satisfaisante sans y associer les occupants qui sont, la plupart du temps, les premiers consommateurs des bâtiments tertiaires.
Hervé Barry, sociologue à l’Université Catholique de Lille, a tenu à nous faire part de quelques notions de sociologie du changement dans un contexte de recherche de sobriété énergétique sur le lieu de travail. Il est tout d’abord revenu sur l’origine de nos pratiques de consommation d’énergie, produit à la fois d’un contexte sociétal, de dynamiques sociales, de nos propres dispositions culturelles et de nos pratiques mais aussi du bâtiment dans lequel nous évoluons et de ses équipements. Plusieurs difficultés peuvent se poser lorsqu’il s’agit de faire adopter des pratiques plus sobres : recherche de confort avant tout, déficit de culture énergétique, écart entre les intentions et les actes, prise en compte de motivations variées, mais aussi sentiment d’injustice pouvant rendre réfractaire tout occupant à améliorer ses pratiques de consommation sur son lieu de travail. L’ensemble de ces difficultés nous montre qu’un processus de changement est parfois long, non linéaire et sans garantie. C’est pourquoi il est important de marquer les étapes et de ne pas se précipiter. Plusieurs temps sont nécessaires :
- Temps 1 : Annoncer ce qui va venir et prendre des engagements
- Temps 2 : Faire un état des lieux
- Temps 3 : Élaborer une stratégie
- Temps 4 : Suivi et évaluation
Pour conclure, Hervé Barry a insisté sur le fait que, dans une telle démarche, le diagnostic est primordial, qu’il est important d’agir de manière tactique afin de parer au diverses sources de résistance et qu’il faut s’armer de patience, car le processus peut être long.
Lors de sa participation à la troisième édition Cube 2020, le Cerema Territoires et Ville a tenu à mener une démarche « particip’active », qui nous a été présentée par Noémie Simand, chargée de projet Qualité d’Usage. Plusieurs évènements sont venus marquer l’année de concours au Cerema Territoires et Ville :
- une activité Post’it au cours de laquelle les occupants ont pu faire part de leurs bonnes idées mais aussi de leurs réticences ;
- une tournée des cafés qui a permis de faire connaître la démarche dans les services et de constituer la « Green Team » ;
- une décoration des escaliers, inaugurée par le directeur ;
- ou encore un jeu des consommations qui consistait, sur le temps du midi, à classer des appareils électriques en fonction de leur consommation.
Cette animation active et conviviale, au plus proche des occupants, a permis au Cerema Territoires et Ville de décrocher un Cube d’or et de faire plus de 23 % d’économies.
Et après ? La difficulté de faire perdurer les efforts
Le concours Cube 2020 ne dure qu’un an. Il sert d’accélérateur à la mise en place d’une démarche de recherche d’économies d’énergie à moindre investissement. C’est pourquoi il est parfois difficile de faire perdurer la démarche au-delà du concours.
La Délégation Territoriale du Valenciennois de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer du Nord (DDTM59) a elle aussi participé à la troisième édition de Cube 2020. Jean-Pierre Legrand, chargé de projets de rénovation urbaine et chargé d'études bâtiment et aménagement durable au sein de cette administration nous a fait part de leur « après-Cube ». Après une année de concours ponctuée par l’obtention d’un Cube d’argent et la réalisation de 18 % d’économies d’énergies, la DT du Valenciennois a vu partir sa chef de projet Cube 2020, moteur local de la démarche. Néanmoins, l’aventure ne s’est pas arrêtée : les économies ainsi que le confort des occupants ont continué de s’accroître (réagencement des bureaux, pose de stores, remplacement de robinets thermostatiques, etc.).
Le Challenge CUBE.S, qui s’adresse aux établissements d’enseignement scolaire primaires et secondaires, tente de parer à cette éventuelle difficulté en proposant, suite à l’année de concours, quatre ans de suivi des consommations. En alliant mobilisation sur les bons usages, réglage des installations techniques et éducation des élèves aux économies d’énergie, le challenge vise, la première année, à faire les consommations énergétiques des établissements scolaires. Les quatre années suivantes sont consacrées à l’ancrage des pratiques et à la mise en œuvre d’un programme de travaux définis lors de l’année de concours, tout en poursuivant le suivi des consommations. Outre, les économies d’énergie, le challenge vise notamment à :
- rendre les élèves acteurs de la démarche, et non pas de simples exécutants ;
- améliorer le confort de tous ;
- recréer du lien entre toute la chaîne d’acteurs ;
- professionnaliser le personnel technique.
Dans les établissements d’enseignement secondaire, le recours au CEE permettra de financer un accompagnement de type coaching collectif et un kit de matériel pédagogique.
Nous remercions l’ensemble des personnes présentes pour leur participation. Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information ou proposition de collaboration.
Ressources
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