Les RMD ont pour objectif de proposer tous les deux ans un espace de rencontres et d’échanges entre les acteurs de la modélisation. Cette réunion de la communauté professionnelle vise à améliorer les modèles opérationnels et leurs usages actuels par les acteurs publics des territoires (collectivités locales, services de L’Etat, opérateurs de transports) et les ingénieries privées et publiques associées. Les modèles statiques et dynamiques y sont abordés.
RMD 2023 : les thèmes abordés
Cette année, les RMD ont souhaité mettre en avant une idée forte :
"La réussite de la transition écologique passe par des diagnostics partagés sur les enjeux, les solutions à mettre en œuvre et les impacts de ces dernières".
Les modèles dans leur double utilité, d’outil et de processus, représentent un instrument important, parmi d’autres, pour construire ces diagnostics :
- Les modèles comme outils apportent des connaissances sur les impacts des politiques et des projets par la simulation. L’enjeu est ici dans la qualité technique du modèle, la transparence et la robustesse des méthodes …
- Les modèles comme processus consolident une vision partagée sur un territoire pertinent pour la gestion des mobilités. La gouvernance des modèles est alors déterminante pour construire des modèles multipartenariaux, intégrés dans les processus d’élaboration des politiques, des projets de transport …
Un "bon modèle" est celui dont la qualité, la construction et les résultats, apportent une connaissance utile à l’élaboration d’une politique ou d’un projet de transport.
Cinq ateliers thématiques comprenant chacun trois présentations techniques et un temps d’échanges avec la salle ont permis de décliner ces orientations. L’ensemble des supports de présentations sont téléchargeables en fin d’article.
Un temps d’échanges autour de stands a eu lieu le lundi soir. Les porteurs de solutions logicielles et les fournisseurs de données ont pu montrer les avancées dans le domaine de la modélisation, et des "serious game" ont complété la soirée.
Session 1 / Modèles et environnement
La première session thématique était consacrée aux liens entre les modèles de transports et les impacts environnementaux. Que ce soit pour évaluer une ZFE, établir un bilan carbone ou construire un modèle de qualité de l’air, les données issues des modèles de transports sont souvent utilisées pour nourrir des études à forts enjeux environnementaux.
L’objectif de la session était de montrer comment les données de la modélisation étaient utilisées et d’inciter à réfléchir aux améliorations à apporter pour rendre les couplages entre les différents outils encore plus efficaces.
L’étude sur Grenoble a présenté la difficulté d’estimer les impacts d’une ZFE-m avec un modèle multimodal de déplacements. Initialement, le modèle n’était pas conçu pour cet usage. Les questions/réponses ont permis de mettre en évidence la nécessité de fiabiliser les données et d’améliorer les techniques de modélisation (impact sur la dé-mobilité, du télétravail, de la distribution, l’évolution rapide du parc routier).
La présentation sur la route de Pornic a permis de montrer une utilisation d’une étude de trafic pour contribuer au calcul du bilan carbone lié à cette opération. Les scénarios de la stratégie nationale bas Carbone ont dû être adaptés localement. Cette présentation a permis de s’interroger sur la manière d’intégrer certaines hypothèses de la SNBC dans les modèles opérationnels.
Enfin, l’intervention d’Atmo France met en évidence la nécessité de complémentarité entre les outils de modélisation des déplacements et les modèles de qualité de l’air pour étudier l’impact possible des projets. Il a été rappelé qu’un travail collaboratif très en amont permet d’anticiper les difficultés et d’améliorer la qualité des analyses.
Session 2 / Modèles et territoires
Les besoins d’évaluation pour les territoires sont nombreux et complexes et pour pouvoir y répondre, des outils et des méthodes sont nécessaires. Les modèles multimodaux de déplacements sont des outils complets permettant d’évaluer des grands projets urbains d’aménagement ou de transport en tenant compte de l’évolution du territoire.
Les modèles font intervenir un nombre élevé de paramètres dans leur conception ce qui en fait des outils complexes, exigeants d’un point de vue technique. Leur complexité tend à les associer à de grands territoires (métropoles, départements, régions). La modélisation multimodale, si elle répond à un certain nombre d’exigences académiques, est avant tout un ensemble d’outils techniques, modulables et adaptables aux besoins d’évaluation, y compris de territoires moins denses.
Les présentations des modèles de Saint-Nazaire et d’Avignon et les échanges au cours de la session ont permis d’illustrer le travail nécessaire sur les données, parfois manquantes au départ. En s’appuyant sur des données récentes observées de fréquentation et de circulation, pour actualiser les résultats d’une EMC² datant de plusieurs années ou pour transférer les données présentes sur d’autres territoires équivalents, ces exemples ont mis en évidence la complémentarité des données mobilisables et la capacité d’adaptation des méthodes. La connaissance de la mobilité sur le territoire national par le biais des EMC² est cependant jugée indispensable, car c’est la disponibilité de ces données, même anciennes sur le territoire, qui rend possible la réalisation de ces outils.
Les modèles constituent également un enjeu d’animation. Leur processus de création implique un recueil de données important et la constitution des scénarios prospectifs nécessite la définition d’hypothèses partagées sur un territoire. Ceci suppose l’intervention et la coopération d’un grand nombre d’acteurs. Cette problématique est renforcée par l’intérêt de mutualiser un outil au service de plusieurs structures (villes et agglomérations) et de plusieurs thématiques (mobilité, environnement, logistique, etc.).
Un modèle est un outil d’aide à la décision, et aussi d’aide à la communication. La présentation autour du modèle MODEOS a permis d’illustrer les enjeux d’appropriation du modèle par les acteurs qui y contribuent, notamment par le biais de la visualisation. Les discussions ont mis en évidence que le bon niveau d’association des élus ou la gouvernance sont des enjeux communs à tous les modèles.
Session 3 / Modèles et nouvelles mobilités
La session sur la modélisation et les nouvelles mobilités s’attache à répondre à des questions pour lesquelles, traditionnellement, les modèles ne peuvent pas répondre. Les présentations s’articulent autour de l’adaptation des modèles existants et des méthodes pour la prise en compte des nouvelles mobilités comme le vélo et le covoiturage.
Dans la première présentation, Fabien Tshiteya chef de l’unité Donnée, Observation et Modélisation des mobilités à la métropole de Lyon a présenté l’utilisation du modèle de la métropole (Modély) pour estimer l’évolution de la pratique du vélo avec l’ouverture du réseau des voies cyclables lyonnaises. Si l’intervention a montré tout l’intérêt de mieux intégrer le vélo dans le processus de modélisation, elle a montré les pistes d’amélioration à développer pour que les simulations puissent encore davantage accompagner l’essor du vélo.
Dans la deuxième présentation, Aurélien Chanut chef de projet chez Egis et Cyril Edmond responsable d’opération à la DREAL Nouvelle-Aquitaine ont présenté la méthode de prise en compte du mode covoiturage dans un modèle statique pour évaluer la fréquentation prévue d’une voie de covoiturage sur l’A63 à Bordeaux. Les VR2+ se développent de plus en plus, les modèles de transports permettent d’évaluer leur potentiel et mener des bilans socio-économiques associés. Il sera intéressant de suivre le résultat de ces mises en place pour voir si les évaluations a priori étaient conformes aux comportements constatés. Les retours d’expériences sur le sujet permettront d’améliorer la prise en compte du covoiturage dans les modèles.
Dans la troisième présentation, Guillaume Czura, chef de projet à la métropole de Rouen et Laurent Guimas, directeur de projet chez Explain ont présenté la méthode de création d’un modèle statique désagrégé sur le périmètre de l’enquête de Rouen et comment celui-ci intègre les P+R et le vélo. La présentation montre tout le défi d’implémenter de nouvelles méthodes de modélisation et en même temps d’intégrer de manière plus précise des nouveaux modes. Chaque élaboration de modèles nécessite des adaptations aux contextes et spécificités locales.
Session 4 / Intégration des modèles statiques et dynamiques
Pendant longtemps, le lien entre les modèles statiques et les modèles dynamiques était unidirectionnel : les premiers alimentant les deuxièmes en demande de trafic. Traditionnellement les modèles statiques répondaient aux questions de planification des réseaux de transports et les modèles dynamiques aux questions d’exploitation des transports ou d’aménagement détaillé.
L’évaluation des nouvelles solutions de mobilité (MAAS, mobilité partagée, nouveaux engins de déplacement) a rendu nécessaire la mise en place de chaînes de modélisation plus complexes intégrant des modèles statiques, des modèles dynamiques et de nouvelles sources de données.
Ainsi se développent sur de nombreux territoires des modèles de déplacements plus globaux pouvant répondre à des questions très diverses (planification, exploitation, évaluation de nouvelles solutions de mobilité). Si des solutions plus génériques (modèles multi-agents) ont bien été développées par la recherche, leur mise en application pose des difficultés. La réalisation de modèles globaux intégrant des composantes statiques et dynamiques, bien souvent mieux maîtrisés, ont toujours la préférence des collectivités.
Cette approche répond à beaucoup de questions posées : la relative maîtrise des sous-modèles rassure et leurs biais sont mieux connus. Elles atteignent toutefois leur limite lorsqu’il s’agit de tester des scénarios prospectifs en rupture avec les pratiques de mobilité actuelles. Les trois présentations de la session ont permis d’illustrer la construction de ces modèles mixtes. Les retours d’expériences sont positifs et de vrais savoir-faire ont pu être partagés.
Session 5 / Nouvelles données, nouveaux comportements, nouvelles méthodes
La modélisation des déplacements requiert une adaptabilité constante face aux nouvelles données et nouveaux comportements de mobilité. Les méthodes sont en perpétuelle évolution, comme ont pu le démontrer les trois présentations de cette session. Elles ont notamment mis en évidence des évolutions toutes différentes :
- MMUST avec le défi de la coopération transfrontalière,
- Silogues avec la mise en place d'une application web intuitive et interactive pour la modélisation de marchandises,
- La modélisation mésoscopique à large échelle de la ville de Paris, une nouvelle méthode de modélisation plus fine des déplacements.
MMUST a intégré de nouvelles données issues des objets connectés : les Floating Car Data (FCD), et de nouveaux comportements avec la prise en compte du covoiturage et des P+R. La modélisation de marchandises quant à elle fait face à une évolution très rapide des usages.
Les questions de la salle ont par ailleurs mis en avant les perspectives sur les nouvelles données de mobilité comme le traçage des colis, ou l'intégration de la contrainte de capacité des transports collectifs.
On retiendra également le souci de créer des modèles comme vecteur de communication : MMUST en tant qu’outil d’échanges, Silogues pensé pour l’utilisateur comme une application web interactive, et la modélisation mésoscopique prisée pour ses sorties communicantes.
Conclusion
La richesse des échanges et la qualité des débats ont montré toute la pertinence de ces rencontres en présentiel.
Les contenus ont montré tout l’intérêt de considérer conjointement les modèles comme un outil technique, générateur de connaissance et de données pour l’évaluation, et comme un processus facilitant la construction de diagnostics partagés sur les territoires.
Il a pu être constaté la nécessaire "adaptabilité" des modèles pour :
- S’adapter aux différentes échelles territoriales (Etat, région, métropole, villes moyennes)
- S’adapter aux besoins : impacts environnementaux, nouvelles mobilités…
- S’adapter pour coupler des approches de planification et d’exploitation (statique/dynamique)
- S’adapter aux nouvelles données, nouvelles méthodes