La mise à l’agenda politique des « mobilités du quotidien » par le Président de la République lors de son discours d’inauguration de la ligne à grande vitesse Bretagne – Pays de la Loire du 1er juillet 2017 engage une inflexion dans la politique des transports et de la mobilité en France. Plus exactement, elle ouvre le champ à une redéfinition des outils dont disposent les collectivités pour répondre aux besoins de mobilité de leurs administrés.
En effet, dans un contexte d’accroissement des inégalités sociales et territoriales et de lutte contre les effets du changement climatique, agir en faveur d’une mobilité plus durable constitue un enjeu de taille.
DES AOM SUR TOUT LE TERRITOIRE
L’une des réponses apportées par la LOM réside dans la volonté de rendre obligatoire, sur l’intégralité du territoire national, l’exercice de la compétence mobilité par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM). En effet, jusqu’à présent, seules les communautés d’agglomération, communautés urbaines et métropoles étaient obligatoirement AOM, les communautés de communes pouvant faire le choix d’exercer cette compétence de manière facultative.
De la sorte, il s’agit de garantir que, sur chaque territoire, un acteur public est compétent pour organiser des services de mobilité alternatifs à l’usage individualisé de la voiture (services réguliers ou à la demande de transport public de personnes, services de transport scolaire, services relatifs aux mobilités actives et aux usages partagés des véhicules terrestres à moteur).
Ainsi, après la mise en application de la LOM, chaque communauté de communes devra faire le choix de prendre cette compétence d’AOM ou d’en laisser l’exercice à la région.
Plus précisément, la LOM dispose qu’au 31 décembre 2020, les communautés de communes aujourd’hui non AOM devront avoir délibéré sur leur volonté de prendre la compétence d'orientation de la mobilité le cas échéant. Cette date est repoussée au 31 mars 2021 par l'article 9 de l'Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19.
Le III de l'article 9 de cette ordonnance mentionne : Au III de l'article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, les mots : « 31 décembre 2020 » sont remplacés par les mots : « 31 mars 2021 ».
Dans le cas contraire, la région, qui dispose désormais également du statut d’AOM, exercera cette compétence en lieu et place de la communauté de communes.
Toutefois, dans une optique de souplesse dans la prise de compétence AOM, la loi offre la possibilité aux communautés de communes qui le souhaiteraient de confier cette compétence à un syndicat mixte ou à un pôle d’équilibre territorial et rural (ex Pays). Par cette disposition, c’est la recherche de la meilleure adéquation entre des besoins de mobilités observés sur un territoire et l’échelle de gouvernance la plus adaptée qui est visée.
DES OUTILS D’ACCOMPAGNEMENT
Pour accompagner cette évolution, le versement mobilité (ex-versement transport) pourra être prélevé par chaque AOM (existante ou nouvellement créée), mais à condition que celle-ci organise des services de transport réguliers ou à la demande. Ainsi, si la LOM est en passe de mettre fin à l’existence de territoires dépourvus d’AOM, elle ne garantit pas l’extension sans condition de la recette fiscale qu’est le versement mobilité aux services qui seront susceptibles d’être organisés en territoires peu denses tels que le covoiturage, l’autopartage ou les modes actifs.
Par ailleurs, afin de les inciter à définir une stratégie de mobilité sur leur territoire, les nouvelles AOM créées dans des territoires de plus faible densité pourront choisir d’élaborer un plan de mobilité simplifié, démarche volontaire et non opposable à destination des AOM non soumises à l’obligation d’élaborer un plan de mobilité (ex-PDU) Si un tel outil ne dispose donc pas de la portée juridique d’un plan de mobilité, il offre l’opportunité pour l’AOM de se doter d’un projet de mobilité susceptible de fédérer les acteurs publics et privés pouvant contribuer à la mise en oeuvre d’actions de mobilité sur le territoire de l’AOM.
UN RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION
Dans l’optique d’accélérer le développement de services de mobilités actives ou partagées là où ils peuvent constituer une réponse appropriée aux besoins de mobilité des territoires, la LOM dispose que les régions voient leur champ de compétences élargi aux mobilités actives et partagées, au-delà de leurs compétences interurbaines routières et ferroviaires. Ainsi, auparavant autorités organisatrices des transports (AOT), ces collectivités deviennent également AOM « régionales ».
En outre, dans la lignée des lois MAPTAM (modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles) et NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) et en vue de faciliter l’intermodalité, la LOM renforce le rôle des régions comme chef de file des mobilités à l’échelle régionale. À l’échelle de bassins de mobilité qu’elles doivent définir en association avec les AOM de leur territoire, les syndicats mixtes de coopération (SRU) et les départements, elles pilotent les modalités de l’action commune des AOM.
Parmi celles-ci, l’articulation des dessertes, des horaires, des tarifications, des systèmes d’information, la création et l’aménagement des pôles d’échanges multimodaux, la gestion des situations dégradées constituent autant d’objets sur lesquels la région sera chargée de piloter les modalités de coopération.
Pour y parvenir, un contrat opérationnel de mobilité doit être conclu à l’échelle de chaque bassin de mobilité par la région avec les AOM, les syndicats mixtes SRU, les départements et les gestionnaires de gares ou de pôles d’échanges multimodaux. Dans une optique de facilitation du développement de nouveaux services de mobilité, ce contrat définit également les modalités de la coordination des AOM avec les gestionnaires de voirie et d’infrastructures.
UN CADRE FAVORABLE AUX ITS ?
Généralisation de la compétence d’AOM sur tout le territoire, élargissement des compétences des régions à l’organisation de services de mobilités douces et partagées, renforcement de la coopération entre collectivités AOM, gestionnaires de voiries et gestionnaires d’infrastructures, ces dispositions de la LOM constituent autant de leviers au service des collectivités pour leur permettre d’agir sur leur territoire, en coordination avec l’ensemble des acteurs publics du champ de la mobilité et des transports.
S’il ne fait aucun doute que ces avancées auront un impact positif sur la capacité des collectivités à agir en faveur de la meilleure interopérabilité de leurs ITS, la régulation des offreurs privés de services de mobilité risque de demeurer une zone d’ombre dans la simplification des parcours de mobilité alternatifs à l’usage individualisé de la voiture. En effet, au-delà des progrès techniques notables réalisés ces dernières années sur la mise en compatibilité des systèmes publics d’information, de réservation et de billettique, les enjeux de gouvernance entre acteurs publics, mais également privés demeurent bien souvent les points d’achoppement vers un partage des données efficace et au service d’une mobilité servicielle digne de ce nom.
De ce point de vue, gageons que les dynamiques partenariales à l’oeuvre ces dernières années, à l’instar de la démarche France Mobilités, sauront constituer autant d’aides à la recherche de synergies entre organisateurs, régulateurs, offreurs et innovateurs au service d’une mobilité pour tous et partout.
Auteur :
Bertrand DEPIGNY, chargé de projet gouvernance de la mobilité au Cerema
Article publié dans la revue TEC Mobilité intelligente : le n° 244 de janvier 2020