13 juillet 2018
accotement route idf
terra
Cette thèse soutenue le 06 juillet 2018 et co-encadrée par le Cerema porte sur la mesure et modélisation du devenir des micropolluants dans un ouvrage de biofiltration des eaux de ruissellement de voirie.

Problématique des eaux de ruissellement des routes

Les eaux de ruissellement de voirie sont un vecteur important de micropolluants en milieu urbain, dont certains identifiés comme polluants prioritaires par la Directive Cadre sur l’Eau de l’Union Européenne. Une approche possible pour maîtriser cette pollution à la source est celle de la biofiltration, au moyen de systèmes végétalisés conçu pour le stockage, la filtration et éventuellement l’infiltration de l’eau. La capacité de ce type de système à réduire les flux de macropolluants, tels que les matières en suspension et les nutriments, via une amélioration de la qualité du ruissellement combinée à une réduction de son volume, est avérée. Cependant, le comportement des micropolluants dans ces systèmes reste relativement peu documenté.

mieux comprendre la rétention des micropolluants et le rôle des différents processus possibles pour le devenir de ces polluants

Ce travail de thèse s’intéresse donc à caractériser la rétention et le devenir des micropolluants dans un système de biofiltration des eaux de ruissellement. Il s’articule principalement autour du suivi in situ d’un panel diversifié de micropolluants caractéristiques des eaux de voirie (métaux traces, hydrocarbures totaux, HAP, alkylphénols, bisphénol-A, phatalates) et d’indicateurs globaux dans deux ouvrages de biofiltration situés en bordure d’une route départementale : un accotement filtrant et une noue filtrante. Ce suivi comporte des mesures débitmétriques et de qualité d’eau en continu, un travail d’échantillonnage et d’analyse du ruissellement brut et des eaux traitées par les deux ouvrages (dix-neuf événements pluvieux étudiés au cours d’une période de un an et demi) et un travail d’échantillonnage et d’analyse du sol. Il a été couplé à des travaux de caractérisation du substrat filtrant et des matériaux de construction en laboratoire et à une approche de modélisation stochastique pour évaluer le bilan de masse annuel des polluants dans la noue filtrante.

Les résultats ont été interprétés en termes d’efficacité de l’ouvrage (rétention et qualité des eaux en sortie), de processus en jeu dans la rétention et le transfert des micropolluants et de bilan de masse du système. Ils démontrent la capacité de ce type de système à réduire de façon significative les concentrations totales en micropolluants à l’échelle de l’événement pluvial. Le traitement est particulièrement efficace pour les contaminants associés majoritairement aux matières en suspension (MES), tels que le zinc, le plomb et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) pour lesquels la réduction médiane des concentrations événementielles est supérieure à 90% dans les deux ouvrages. Pour le cuivre, le chrome, le nickel et l’octylphénol les des réductions médianes des concentrations sont bonnes, supérieures à 70%. L’efficacité est moindre et plus variable pour les autres micropolluants organiques.

Trois événements, caractérisés par une performance dégradée vis-à-vis des MES et des polluants particulaires, ont néanmoins été observés pendant la période hivernale lors de l’application du sel de déglaçage. La comparaison de la nature des particules entre les eaux de voirie et les eaux traitées indique que ce comportement ne serait pas dû à une érosion des particules du sol mais à une mauvaise filtration de particules issues de la route en combinaison avec la formation d’écoulements préférentiels à travers le substrat filtrant du fait de la fissuration de celui-ci. La mauvaise rétention des particules est probablement liée à l’abondance exceptionnelle de particules fines (<10 μm) dans les eaux de voirie pendant cette période.
La rétention de la phase dissoute des micropolluants est généralement moins efficace que celle de la phase particulaire; des concentrations élevées ont notamment été observées pour certains micropolluants dissous (bisphenol-A, alkylphénols, phtalates) pendant les premiers mois de fonctionnement de la noue filtrante.

Le transport des ETM dissous semble être facilité par leur association avec le carbone organique dissous. Ces contaminants sont aussi susceptibles d’être lixiviés à partir du sol contaminé ou des particules issues de la route. La rétention des micropolluants organiques dissous est limitée essentiellement par la contamination du substrat filtrant, dont l’origine est soit antérieure à son installation dans le biofiltre (cas des HAP), soit liée à des émissions de polluants depuis les matériaux de construction (cas probable pour BPA, OP, NP, DEHP).

Dans l’objectif de mieux comprendre l’efficacité du système à réduire le flux polluant et de caractériser le devenir des polluants dans le substrat filtrant, un bilan de masse a été évalué à l’échelle annuelle pour une sélection de polluants étudiés. Ce travail, qui s’est appuyé sur le couplage du travail expérimental avec une approche de modélisation stochastique, montre que l’abattement du flux polluant annuel est plus faible que la réduction médiane des concentrations observée à l’échelle évènementielle, du fait d’une surverse fréquente de l’ouvrage. Il a également mis en évidence l’ampleur des émissions de micropolluants organiques depuis les matériaux de construction de l’ouvrage, qui dépassent largement le flux polluant intercepté au cours de la première année.

Ce travail met en évidence l’intérêt des systèmes de biofiltration pour la gestion du flux polluant associé aux eaux de voirie mais aussi la nécessité de produire et diffuser un guide pour encadrer la conception et la maintenance de ces ouvrages. Il fait ressortir également les difficultés méthodologiques associées à l’évaluation de l’efficacité épuratoire de ces systèmes et met en avant l’intérêt d’un observatoire pérenne d’un système de biofiltration dédié au suivi sur le long terme, conçu à cet effet et comportant une instrumentation lourde.