Ce webinaire à destination d'un public large de collectivités, services de l'Etat, entreprises, associations notamment, a permis d'aborder les différents aspects du conseil en mobilité, de son évolution et de son rôle dans la transition écologique des mobilités.
La conférence a tout d’abord été introduite par Alice Marquette (INSET de Dunkerque) pour le Cnfpt et Stéphane Chanut (Direction technique Territoires et Ville) pour le Cerema. Outil emblématique et déjà "ancien" du management de la mobilité, le conseil en mobilité (ou CeM) répond de manière croissante à de nouveaux enjeux et/ ou est prodigué sous des formes renouvelées. Les présentations de retours d’expérience et les échanges entre acteurs proposés dans le cadre du webinaire visaient à illustrer ces mutations en cours.
Retrouvez la vidéo des échanges sur le site du CNFPT :
Le conseil en mobilité, un outil empirique
A leur suite, Joris Marrel (Cerema) a opéré un rapide panorama du CeM, rappelant ses principes et donnant un aperçu des nouvelles opportunités liées à cet outil, introduit en droit français notamment à travers la loi Solidarité et Renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000. La notion même de CeM n’a pas été précisément arrêtée par la loi, ce qui a conduit à des tentatives de définition évolutives dans le temps, notamment par le Cerema (ex-CERTU) ou par l’Agence de l’Environnement d’Île-de-France (ARENE IdF). Il en ressort que la notion de CeM est empirique (multitude de formes, acteurs divers…) mais que ses objectifs peuvent être synthétisés ci-après :
- Accompagner (des habitants, des employeurs, des personnes en difficulté sociale…) pour aider à changer de comportement de mobilité ;
- Rendre lisible l’offre de transport disponible (information multimodale) ;
- (In)former sur les solutions alternatives à la voiture solo ;
- Evaluer des actions menées, des campagnes… pour pouvoir adapter le service prodigué.
Le contexte actuel apparaît enfin plus que jamais favorable au développement des CeM : installation des nouvelles autorités organisatrices des mobilités issues de la LOM, besoin croissant d’animations locales, objectif de décarbonation des mobilités… En apportant des outils et des clefs permettant à tout un chacun de changer de comportement de mobilité vers des solutions plus durables, le CeM permet potentiellement de changer d’échelle, en "faisant faire" les habitants et les acteurs économiques.
Des illustrations de conseil en mobilité appliqué à des publics particuliers : entreprises et publics précaires
Après cette première présentation, deux retours d’expérience ont été proposés aux participants du webinaire.
Le premier retour était réalisé par Cécile Toppart, Directrice adjoint des Mobilités de la Communauté d’agglomération d’Epinal (CAE). Dans le cadre de son Plan de Mobilité (PM) adopté en 2022, la CAE s’est en effet dotée d’une stratégie de management de la mobilité ambitieuse matérialisé notamment au travers de trois actions phares :
- Accompagner les entreprises sur le territoire de l’EPCI pour les inciter à réaliser des plans de mobilité employeur (PdME). A cet effet la CAE, en contrepartie de la signature d’une charte d’engagement des entreprises à réaliser un PdME, leur apporte un appui "clef en main" important : réalisation de diagnostics "flashs", conseil sur les actions à mettre en place, veille réglementaire, kit de communication sur les services de mobilité disponibles, gratuité de l’abonnement au service communautaire de location de vélos "Vilvolt" pour les salariés de ces entreprises, mise en relation avec d’autres entreprises engagées au sein d’un "club PdME"… Le résultat est rapide et visible, avec 3 PdME déjà réalisés (1500 salariés concernés) et beaucoup d’autres en cours représentant jusqu’à 10% des salariés de l’agglomération en 2023 !
- Soutenir l’apprentissage de l’écomobilité scolaire. Comme pour les employeurs, la CAE propose un kit "clef en main" aux établissements scolaires du territoire spinalien : diagnostics "flashs", accompagnement technique des gestionnaires de voirie pour apaiser ces dernières autour de écoles et y produire des animations, mise à disposition d’un vélobus… A ce jour, 3 établissements ont déjà été accompagnés en 2021-2022, et quatre sont programmés à partir de la rentrée de septembre 2023 !
- Créer et développer une Agence des Mobilités de l’agglomération, avec le projet d’essaimer ce nouveau service au sein de différentes communes membres de la CAE.
Puis un second témoignage a été assuré par Luc Bousquet, directeur adjoint de l’association Transition qui gère une plate-forme de mobilité chargée de prodiguer un "accompagnement à la mobilité" pour des publics précaires en recherche d’emploi. Cet accompagnement des bénéficiaires se déroule en 3 phases successives :
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Phase 1 : réalisation d’un diagnostic personnalisé de mobilité. A cette occasion, la personne bénéficiaire est évaluée dans ses capacités à "pouvoir" bouger et "savoir" bouger (évaluation de son autonomie mobile) et sur son projet professionnel. Elle est également interrogée sur ses projets de mobilité et, notamment, sur ses propres représentations de la mobilité.
- Phase 2 : élaboration d’un plan d’actions individualisé pour cette personne, visant notamment à renforcer son autonomie mobile. Des actions individuelles (information sur l’offre de services de mobilité disponible, initiation éventuelle aux outils de navigation numérique…) et collectives (participation à des ateliers "Transports collectifs" d’apprentissage et de mise en pratique de l’utilisation des TC, ou a des ateliers "véhicules sans permis B" destinés à découvrir une panoplie de moyens de transport de nécessitant pas la possession du permis de conduire) sont proposées.
- Phase 3 : clôture de l’accompagnement réalisé, avec le souci d’une inscription des effets dans le temps long. Les conseiller(e)s de Transition sont chargé(e)s de produire, pour chaque bénéficiaire suivi, un rapport de positionnement final et les actions à poursuivre dans la durée.
L’outil CeM connaît un renouveau dans ses modalités et dans son champ d’intervention
La seconde partie du webinaire consistait en une table ronde revenant sur les évolutions récentes de la notion de CeM et des solutions nouvelles qu’il peut concrètement apporter. Pour ce faire, 4 expertes du conseil en mobilité sont intervenues (sous l’animation de Marie HUYGHE, consultante) :
- Céline Mouvet, Cheffe du pôle "Territoires" à la Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (Ministère de la Transition écologique);
- Laurence Nogues, chargée de projet mobilité au réseau Chantier-école ;
- Morgane Regnier, directrice de Dromolib ;
- Laure Wagner, administratrice de l’Association des Professionnels du Conseil Climat (APCC) et fondatrice de 1km à Pied.
Tout d’abord, les intervenantes sont revenues sur la définition même du CeM, encore aujourd’hui sujette à débats et interprétations. Ainsi, si l’on sait facilement caractériser le "vrai" conseil en mobilité par ses objectifs particuliers (accompagner les changements de comportement), il apparaît nettement plus compliqué d’en établir une typologie définitive au regard de ses modalités multiples :
- multitude d’acteurs différents (conseillers en mobilité et insertion pour les publics précaires ; conseillers en mobilité dans les collectivités ; CeM porté par les services de développement économique pour les employeurs, etc.)
- variété des statuts (associations, chambres de commerce et d’industrie, régies publiques portée directement par des collectivités publiques, etc.) ;
- nombreux outils d’accompagnement et de sensibilisation mobilisables (information, campagnes ciblées, marketing individuel, évènements, formation…).
En revanche, à travers les différents publics (entreprises, particuliers, personnes précaires, élus…) susceptibles d’être accompagnés par du CeM, certains traits communs de réussite des actions menées par des CeM ressortent : favoriser la pédagogie pour amener les usagers à comprendre pourquoi et comment agir sur ses habitudes de mobilité ; mener des actions tout au long du processus de changement de comportement – jusqu’à la proposition de certains services de mobilité (ex : location de vélos) –, aller à la rencontre directe des usagers pour approfondir l’impact des mesures engagées…
Il est difficile d’avoir une mesure exacte du développement des services de CeM aujourd’hui en France. Néanmoins, ce type d’outil semble en progression constante (ex. du covoiturage : on ne développe plus de service de covoiturage sans penser à l’accompagnement au changement !).
Parmi les freins identifiés au développement du CeM, on peut citer un manque d’information global (y compris au regard de certaines obligations légales) des acteurs qui pourraient le mettre en place ou en bénéficier. De même, les collectivités territoriales pourraient encore renforcer leurs actions de sensibilisation à l’égard des employeurs notamment, pour y démultiplier les démarches de plans de mobilité employeurs. Au global, face à la diversité des situations de CeM, la solution réside sans doute moins dans la création d’un cadre règlementaire rigide, que dans le renforcement des ressources disponibles – au premier rang desquelles, le déploiement de formations adaptées et qualifiantes pour les acteurs du CeM et les collectivités publiques concernées.
Le webinaire des RNMM 2023 s’est enfin conclu par une courte présentation des ressources en ligne et des formations du Cnfpt (Marie Betremieux) sur le management de la mobilité et les politiques de mobilité durable. Ces ressources sont plus particulièrement destinées aux techniciens et élus des collectivités territoriales qui sont chargés de mettre en œuvre ces politiques et outils.