30 mars 2020
Gare de Dannemarie Velesmes dans le Doubs
Arnaud Bouissou - TERRA
Afin de comprendre la mobilité quotidienne, des méthodes innovantes sont mises au point en permanence. Ce document présente neuf recherches portant sur des combinaisons originales de méthodes, parfois qualitatives et quantitatives, parfois en utilisant des données massives, afin de mieux appréhender la mobilité quotidienne de différents publics.
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Actualité de l'Equipe projet de recherche ESPRIM : Perturbations et la Résilience des systèmes de Mobilité
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Cet ouvrage du Cerema revient sur des innovations et combinaisons de méthodes qualitatives et quantitatives, le recours à de nouvelles sources de données et de nouveaux outils, afin de connaître les mobilités géographiques à l’échelle du quotidien. 

Focus sur les méthodes hybrides d'analyse de la mobilité

couverture de l'ouvrage

Les méthodes d’enquête et d’analyse des comportements de mobilité se multiplient, s’affinent, se complexifient, afin de s'adapter aux changements importants dans les pratiques de mobilité.

Ce document s'appuie sur des travaux menés depuis près de vingt ans par un groupe de travail sur les mobilités de l'Association internationale des sociologues de langue française, sur les mobilités spatiales et le fonctionnement social. Un appel à articles a été lancé en 2016 pour recueillir des méthodologies innovantes d'analyse de la mobilité géographique quotidienne.

Étant donné l’importance qu’a pris la mobilité dans nos modes de vie, nombreux sont les travaux de recherche qui s’y intéressent. L’idée de lancer un appel à articles à vocation méthodologique part d’un constat fait par les coordinateurs de cet ouvrage (Joël Meissonnier, Stéphanie Vincent, Mathieu Rabaud et Vincent Kaufmann) : de nouveaux dispositifs méthodologiques ont récemment été expérimentés et certains travaux font preuve d’une réelle créativité de ce point de vue. 

Au fil du temps, les études sur les différentes facettes de la mobilité, pratique à la fois individuelle et collective, se sont développées. Les protocoles méthodologiques se sont complexifiés, faisant appel à différents types de méthodes, que nous qualifions d'hybrides. La complémentarité entre approches qualitatives et quantitatives est d’autant plus impérieuse que la tentation d’exploiter des données massives (Big Data) apparaît (données billettique, réseaux sociaux, données issues des véhicules...).

De nouveaux protocoles tentent de faire dialoguer des méthodes quantitatives et qualitatives mais vont aussi puiser dans de nouvelles sources de données. Ils emploient des outils inédits ou entreprennent des articulations innovantes pour renouveler la connaissance dans le champ des mobilités.

Cet ouvrage collectif rassemble donc neuf contributions scientifiques originales aux propositions méthodologiques stimulantes pour une meilleure connaissance des mobilités.

Allier les méthodes qualitatives et quantitatives

Les neuf contributions présentées explorent une forme ou une autre d’innovation et d’hybridation méthodologique afin de porter un regard toujours plus précis, complet et pertinent sur les mobilités du quotidien.


Analyser les mobilités des jeunes à partir de données issues de Twitter, d’un questionnaire Web et d’entretiens approfondis

Jean-François Lucas, Emmanuel Ravalet, Guillaume Drevon

Cette contribution présente une méthodologie mixte conçue pour questionner les pratiques et les représentations de mobilité des adolescents. Elle combine différentes méthodes de manière à contrebalancer les limites de chacune par les atouts des autres.

Celle-ci fait le pari de l’hybridation en associant une première analyse qualitative exploratoire réalisée à partir de millions de données issues de Twitter, une seconde analyse produite à partir d’une enquête quantitative issue d’un questionnaire diffusé sur Facebook, puis une troisième analyse effectuée grâce à une deuxième analyse qualitative fondée sur des entretiens semidirectifs.

Ce chapitre revient notamment sur les différents types de combinaisons réalisés et évoque les enseignements de cette tentative d’hybridation du point de vue du croisement des méthodes et de celui des résultats.


Couplage entre enquête ethnographique et traces numériques : application aux mobilités quotidiennes d’un quartier de Bangkok

Alexandre Cebeillac, Brenda Le Bigot

 Vingt-quatre heures rue Khao San, séquençage photographique des temporalités urbaines (B. Le Bigot, enquête 2014)

L’enjeu de compréhension des coprésences et interactions dans un même espace, qui naissent des mobilités et produisent les lieux, peut largement bénéficier d’une approche méthodologique hybride : la mise en regard de données de différentes natures et d’angles d’approches multiples doit permettre de cerner au mieux la diversité des déplacements et expériences de l’espace.

Cette contribution propose de mettre à l’épreuve le couplage de deux approches, une enquête ethnographique et une analyse de deux années de traces numériques (Twitter), pour comprendre les mobilités quotidiennes qui participent à la production du quartier central de Khao San Road à Bangkok. 

Cette approche repose sur une conception du lieu, ici Khao San Road, comme "relationnelle" : loin d’être une portion figée de l’espace, le quartier est considéré ici comme un espace-temps recomposé continuellement par les relations sociales qui s’y établissent et qui se réfèrent à des échelles spatio-temporelles multiples.

L'étude présente aussi les résultats obtenus à partir de deux axes de questionnement :

  • les temporalités quotidiennes du quartier ;
  • l’emprise spatiale, à l’échelle de Bangkok, des mobilités des différents groupes présents à Khao San Road, et la place de ce quartier au sein de leurs pratiques urbaines.

Méthodes mixtes de l’analyse de discours pour comprendre la mobilité des ménages non motorisés

Dominic Villeneuve

La recherche présentée dans ce chapitre explore les mobilités et la perception du territoire par des individus provenant de ménages non motorisés à l’échelle de la vie quotidienne ainsi que l’exclusion sociale et les liens avec les politiques publiques mises en place sur différents territoires. Elle compare les régions de Québec au Canada et de Strasbourg en France, car elles présentent des situations contrastées et des politiques publiques de mobilité bien différentes, voire divergentes.

Afin d’appréhender les phénomènes en question, l’étude adopte une approche comparatiste basée sur les méthodes mixtes, prenant en compte les données recueillies d’un point de vue qualitatif et quantitatif, afin de comparer les deux régions urbaines.

Il s'agit d'une méthode hybride, car elle conjugue pour les mêmes données deux analyses différentes : l’analyse de discours plus traditionnelle assistée par ordinateur et l’analyse lexicométrique.


Variabilité spatiale des comportements modaux : quel est l’intérêt de la GWR (Geographicaly Weighted Regression) pour construire des actions publiques ciblées ?

Christophe Enaux, Philippe Gerber, Marius Thériault, Samuel Carpentier-Postel

 Structures spatiales issues de l’analyse en composantes principales sur les coefficients βk locaux
Structures spatiales issues de l’analyse en composantes principales sur les coefficients βk locaux

Parmi les enjeux contemporains, la question de la mobilité soutenable, qui vise à limiter les externalités négatives telles que la pollution ou la congestion, relève de la conjonction de trois dimensions fondamentales : se déplacer de façon plus efficace, se déplacer autrement, se déplacer moins.

Outre le fait qu’un système de mobilité quotidienne qui a longtemps privilégié un mode, à savoir la voiture, ne se déconstruit pas du jour au lendemain, le comportement modal prend ses racines dans un système complexe de facteurs qui crée de véritables habitudes.

Cependant, le rôle et l’intensité de ces différents facteurs individuels et contextuels sur le comportement modal demeurent largement discutés.

La piste d’une variabilité spatiale des relations d’un lieu à un autre entre les facteurs concourant au comportement est une approche innovante guère développée dans le domaine des transports, et c'est celle-ci qui a été retenue dans cette étude. 

La méthode de la GWR présente un intérêt indéniable pour analyser et révéler une influence spatialement variable de toute une série de facteurs sur une variable dépendante.

C’est une approche innovante permettant d’affiner les politiques de mobilité à l’échelon notamment local en identifiant des facteurs spécifiques (infrastructures liées au système de transport, organisation de l’espace, caractéristiques sociales et pratiques comportementales des habitants…) sur lesquels l’accent pourrait être mis pour produire une mobilité plus soutenable. Cependant, la finesse des résultats dépend de la qualité des informations.

Il s'agit en particulier de voir comment une méthode d’analyse d'enquêtes mobilité permet de dégager des éléments de connaissances inédits permettant d'identifier certains leviers opérationnels pour favoriser le report modal.


Méthodes d’enquête en mouvement : les professionnels mobiles ‒ Confrontation des données d’enquêtes quantitatives et qualitatives

Reinhard Gressel, Fabrice Hasiak, Samuel James, Patrick Palmier

Les professionnels mobiles sont des actifs qui, pour exercer leur métier, doivent se déplacer de façon autonome en dehors de leurs entreprises ou structures d’appartenance pour se rendre chez un "client" sur un site particulier où leurs compétences et leur intervention sont requises. 

Bien que des recherches ont été menées sur ce sujet, la mobilité des professionnels mobiles, assez banale, quotidienne, plutôt locale et qui implique un grand nombre de métiers ordinaires, reste largement méconnue alors que les enjeux sont importants, notamment en raison de la charge environnementale qu'elle entraîne.

Pour répondre à cette lacune, cette étude propose une démarche avec une double approche, à la fois quantitative et qualitative.


Les perceptions des environnements chez les piétons : utilisation qualitative et quantitative du support photographique pour saisir et comparer les espaces de traversée

Marie-Axelle Granié, Marie-Soleil Cloutier, JuanTorres

 Exemple de planche présentée aux participants : site « zone commerciale »
Exemple de planche présentée aux participants : site "zone commerciale"

Les perceptions de l’environnement routier par le piéton ont fait l’objet de nombreuses recherches dans les dernières décennies. Ces travaux permettent de mieux comprendre les déterminants généraux de la mobilité piétonne. Toutefois, ils apportent peu d’éléments de compréhension sur les comportements du piéton dans des situations particulières, comme les traversées de voie.

Ils ne nous éclairent pas non plus au sujet des attentes du piéton sur l’anticipation du comportement des autres usagers de la rue. Les connaissances sur la perception qu’a le piéton de son environnement et l’influence de celle-ci sur sa gestion du déplacement et de la traversée (notamment la prise de décision) sont limitées.

Cette étude propose une méthode de recueil des perceptions des piétons qui s’inscrit dans la tradition des méthodes visuelles de recherche en sciences sociales, par photo-élicitation, une méthode consistant à déclencher des réactions, généralement verbales, de la part de participants face à des stimuli visuels (photos, dessins, films) et à utiliser ces réactions comme données de recherche. La méthode par photo-élicitation est combinée ensuite à des approches quantitatives.


Comment réarticuler les différentes dimensions de la marche urbaine ?

Edna Hernández-González, Florian Guérin, Jérôme Monnet

Pour des motifs tenant, entre autres, à l’environnement, à la santé et à l’attractivité, les acteurs urbains donnent aujourd’hui une importance renouvelée à la marche. Mais s’ils disposent d’une expertise sur l’offre de lieux pour la marche-loisir (espaces verts, secteurs piétonniers dans des quartiers commerciaux ou patrimoniaux, etc.), ils maîtrisent mal les aménagements favorables à la marche-déplacement et à son insertion dans le système de transports.

Pour restituer son unité à la marche, cette étude présente une méthodologie hybride dans l’étude du fonctionnement d’une partie de la rue du Faubourg du Temple à Paris choisie, en accord avec les services municipaux, à cause de l’intensité des usages et du dysfonctionnement d’aménagements récents en faveur de la mobilité pédestre. Cette contribution montre comment l’articulation des méthodes a été mise en œuvre pour rendre compte de la complexité et des temporalités de la marche en ville.


Mobilités et dynamiques des espaces publics : une méthodologie associant enquête par questionnaires et observations

William Berthomière, Marie Chabrol, Maria Mercedes Di Virgilio, Françoise Dureau, Jean-Pierre Lévy, Thierry Lulle

 Plan de localisation et photographies de la gare de Lugano (Buenos Aires)
 Plan de localisation et photographies de la gare de Lugano (Buenos Aires)

L’étude des mobilités quotidiennes, comprises comme "l’ensemble des pratiques de déplacement d’une population dans son cadre habituel" s’inscrit dans des questionnements de plus en plus diversifiés, à l’origine de nombreuses avancées méthodologiques. Au-delà de la production de connaissances sur les pratiques de déplacement, les collectes mises en œuvre peuvent avoir pour objectif d’analyser et de comprendre les dynamiques des territoires urbains et des lieux qui le composent.

Cette contribution présente un dispositif de collecte dans les espaces publics associant une enquête par questionnaires courts et des observations in situ. Plus récemment, dans une recherche portant sur les recompositions sociospatiales en cours depuis les années 1990 dans les anciennes périphéries de métropoles latino-américaines, l’approche a été complétée par la seconde composante du dispositif : la constitution d’un corpus photographique et vidéo.


Une approche relationnelle des mobilités quotidiennes

Thierry Ramadier

Cette contribution cherche à poser quelques éléments méthodologiques d’une approche relationnelle des déplacements géographiques qui seront aussi désignés par mobilité géographique. Cette approche privilégie les aspects sociomorphologiques de l’espace géographique.

Elle présente la méthodologie pour décrire et comprendre les mobilités quotidiennes, à partir du postulat suivant : si la restriction de nos déplacements géographiques s’apparente à une véritable atteinte à notre liberté au sens le plus large comme le plus restreint de son acception, il n’en reste pas moins que nos déplacements quotidiens ne sont ni le signe ni le vecteur d’une quelconque liberté qui se définirait à l’échelle individuelle. 

En effet, enserrées dans un faisceau de significations valorisées (c’est-à-dire "positives"), les mobilités seraient plutôt le signe et le vecteur d’une liberté qui se définirait à l’échelle collective et se construirait à l’aune de nos rapports sociaux.

Relever les mobilités quotidiennes à partir de la relation entre la situation géographique et les dispositions sociocognitives de la personne suppose d’élaborer des outils dont certains serviront à l’enquête alors que d’autres seront utilisés uniquement pour l’analyse. Ainsi, le relevé des caractéristiques habituelles des mobilités quotidiennes (lieu de départ et de destination, horaire, mode, activité associée, etc.) et les indicateurs sur la manière de s’engager dans le déplacement font partie des outils qui servent à questionner l’échantillon de personnes. En revanche, la situation géographique et sa relation avec les manières de faire avec l’espace sont totalement opaques à l’enquêté, car ces outils ne sont manipulés qu’au moment de l’analyse.


Contacts Cerema : Joël Meissonnier, Mathieu Rabaud



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