Évènement initial et conséquences immédiates pour la vallée de la Romanche
Le déclenchement d’un grand glissement de terrain (environ 600 000 m³ de schistes) a entraîné la fermeture totale à la circulation du grand tunnel du Chambon à Mizoën (Isère) le 10 avril 2015 et, par conséquent, de la route RD1091 reliant Grenoble et Briançon par la vallée de la Romanche. La coupure de cet axe routier sensible, car unique en fond de vallée et sans déviation possible, pour une longue période, a eu de lourdes conséquences sur la vie quotidienne des habitants et sur l’économie locale de la haute vallée de la Romanche. De plus, le pied du glissement de terrain baigne dans la retenue du barrage hydroélectrique du Chambon, géré par EDF. L’éventuelle rupture brutale aurait pu engendrer une vague haute de plusieurs mètres à la surface du lac et un phénomène de run-up sur une hauteur de plusieurs dizaines de mètres sur le versant opposé.
Contribution du Cerema
Fin juin 2015, après l’abandon des travaux de confortement engagés en urgence par le Conseil Départemental de l’Isère (CD38), la Préfecture de l’Isère a sollicité le Cerema pour apporter son expertise technique sur deux points :
l’amélioration de la compréhension du phénomène géologique,
le suivi de son évolution dans le temps.
Le Cerema Centre-Est a mobilisé dans un délai très court une équipe de géologues et de géotechniciens du Département Laboratoire de Lyon pour répondre aux attentes de la Préfecture de l’Isère et des autres parties prenantes (CD38, EDF).
Gestion des « crises » de juillet 2015
Les collaborations entre les techniciens des différents services mobilisés (CD38, EDF, RTM, Cerema) ont permis d’appréhender précisément le mécanisme de rupture et d’identifier son stade d’évolution. Ces connaissances, réactualisées par les observations de terrain et l’analyse en quasi temps réel des mesures fournies par le système de surveillance mis en place par le CD38, ont permis d’anticiper deux phases de grands déplacements du glissement de terrain au cours du mois de juillet 2015. Une rupture brutale du glissement de terrain a été redoutée pendant ces deux phases, mais ne s’est finalement pas produite. Les vitesses de déplacement atteintes en surface ont pourtant été très élevées (supérieures à 7 m par jour fin juillet 2015).
L’anticipation de ces « crises » a permis l’adoption de mesures de sécurité supplémentaires par la Préfecture de l’Isère en temps opportun (interruption des navettes lacustres, interdiction d’accès aux berges du lac et aux sentiers de randonnée). Ces mesures ont cependant rendu encore plus difficiles les communications entre les deux parties de la vallée, malgré le déploiement de mesures exceptionnelles pour rétablir la continuité des déplacements locaux (navettes héliportées).
Poursuite du suivi et rétablissement de la RD1091
L’expertise du Cerema a ensuite été mobilisée pour étayer le choix parmi les solutions de rétablissement définitif de la RD1091 étudiées par le CD38 : le Cerema a notamment étudié la faisabilité technique d’une suppression totale ou partielle du volume en glissement selon des techniques conventionnelles (minage à l’explosif et terrassements).
Le Cerema a poursuivi en 2016 l’analyse quasi-quotidienne des données du système de surveillance pendant la phase de requalification du barrage du Chambon au printemps 2016 (élévation progressive du niveau d’eau de la retenue jusqu’à la cote maximale d’exploitation) et pendant la phase de creusement du tunnel de dérivation profond (jusqu’à fin octobre 2016).
Communications externes
La contribution du Cerema à l’expertise du phénomène géologique et à la gestion de crise a fait l’objet :
- d’une conférence invitée aux Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur qui se sont tenues à Nancy du 6 au 8 juillet 2016,
- d’une conférence invitée au colloque international Rock Slope Stability (RSS) qui s’est tenu à Lyon du 15 au 17 novembre 2016,
- d’un article technique dans la Revue Française de Géotechnique n°148 (novembre 2016),
- d’une communication dans la revue mensuelle Transflash du Cerema n°409 (décembre 2016 / janvier 2016).
Développement méthodologique
Le suivi du glissement de terrain du Chambon a permis de valider une nouvelle méthode fiable et peu onéreuse développée par le Cerema pour quantifier les déplacements 3D en surface des mouvements de versants rocheux à partir de photographies terrestres lors de différentes campagnes d’acquisition. Cette méthode a été baptisée PlaS (Photogrammetry-based method for Landslide Study).
Contact : Laurent Dubois