La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte (TECV) a introduit la notion de bus à faible émission (BFE). Les autorités organisatrices de mobilité (AOM) qui gèrent un parc de plus de 20 autobus et autocars pour assurer des services de transport public de personnes, doivent acquérir ou utiliser des BFE lors du renouvellement de leur flotte : 50 % de BFE parmi les bus renouvelés à partir du 1er janvier 2020 et 100 % à partir du 1er janvier 2025.
Le tableau ci-dessous récapitule les catégories de BFE autorisés à la circulation sur les réseaux de transports selon la catégorie de l’AOM, définies par décret :
Méthodologie de l’étude
Trois ans après la parution du 1er décret d’application définissant les bus à faible émission, le Cerema dresse un panorama de la mise en circulation de ces bus (hors motorisations thermiques), axé sur les stratégies de déploiement des Autorités Organisatrices de Mobilité ainsi que sur les impacts générés ou envisagés sur les réseaux.
Le Cerema a ainsi interviewé une dizaine d’AOM disposant déjà de BFE en circulation, et/ou travaillant sur des projets de déploiement de BFE. Ces enquêtes ont orienté la réalisation d’un questionnaire en ligne diffusé aux collectivités territoriales.
Les 38 retours de questionnaire collectés par le Cerema complètent les données recueillies en face à face.
Des bus A faible émission, surtout au gaz ou électriques, sont en circulation dans les AOM les plus peuplées
Le principal constat de ce panorama est que la moitié des AOM répondantes disposent déjà de BFE en circulation sur leur réseau. Toutefois, la taille de l’AOM est un facteur très discriminant.
En effet, si la totalité des AOM de plus de 250 000 habitants possèdent des BFE, c’est seulement le cas pour 10 % de celles de moins de 100 000 habitants. Les réponses formulées indiquent un déploiement des BFE en progression à l’horizon 2025, mais 60% des AOM de moins de 100 000 habitants et 30 % de celles entre 100 000 et 250 000 habitants sont encore dans l’expectative.
À ce jour, ainsi qu’en 2025, les motorisations au gaz ou électrique sont plébiscitées, loin devant l’hybride électrique aux normes EURO VI. La principale évolution d’ici 2025 est l’apparition progressive de la motorisation hydrogène. Le développement de cette filière énergétique spécifique, qui devrait être accélérée grâce au plan de relance national, devrait permettre de renforcer la maturité de cette technologie.
Enfin, les AOM de plus de 250 000 habitants diversifient leurs motorisations "propres" en saisissant les opportunités d’acquérir des bus à plus faibles émissions lors de renouvellements partiels de la flotte, ou à travers des programmes d’expérimentations pour tester les motorisations.
En revanche, les AOM moins peuplées semblent encore majoritairement indécises sur le choix de motorisation, mais pourraient opter pour une unique motorisation "propre" afin d’éviter la multiplication des surcoûts liés à la diversification énergétique.
Une stratégie de déploiement portée par des choix politiques, la maturité de la technologie et la viabilité économique
Quel que soit le type de motorisation, les principaux critères de déploiement des BFE sur le territoire relèvent d’abord d’une volonté "politique". En effet, les AOM sont particulièrement attentives à une forte visibilité des BFE et à préserver les zones les plus densément peuplées des émissions polluantes. Cela se traduit souvent par une circulation des BFE sur des lignes fortes du réseau qui desservent le cœur de l’agglomération. La gestion des véhicules réalisée à l’échelle du parc peut alors évoluer vers une "logique de ligne".
Les AOM intègrent fortement l’effort financier associé aux choix de motorisation. Les critères les plus considérés portent sur l’équilibre entre la maturité de la motorisation et sa viabilité économique, ainsi que sur la limitation des surcoûts d’infrastructure et de maintenance. Ainsi, les AOM disposant de bus à motorisation au gaz prennent particulièrement en compte l’amortissement de leurs infrastructures et de leur parc existants dans la temporalité et la stratégie de déploiement de bus électriques. Les AOM sont également sensibles aux subventions ou à l’existence d’une fiscalité avantageuse, notamment pour la motorisation électrique.
Enfin, l’autonomie des BFE est un critère de choix essentiel, à la fois pour le déploiement et l’exploitation du réseau, particulièrement pour les motorisations électrique et hydrogène. En effet, l’autonomie des batteries actuelles n’est pas toujours suffisante pour assurer la totalité du service, surtout en cas de fonctionnement du chauffage ou de la climatisation. Ainsi, ces bus desservent aujourd’hui souvent des lignes "courtes" et / ou à proximité des dépôts.
En revanche, exceptées quelques problématiques relatives à l’installation de stations d’avitaillement ou de stockage d’énergie sur l’espace public ainsi qu’à la création ou l’agrandissement de dépôts de bus ou centres de maintenance, la question de la mise à disposition du foncier nécessaire s’avère secondaire dans les stratégies mises en place par les AOM.
Des impacts sur les dépôts, la formation des personnels d’exploitation
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Motorisation au gaz
Les AOM constatent assez peu d’impacts lors du déploiement de bus au gaz. En effet, ce type de motorisation est mature et donc maîtrisé depuis longtemps.
Il convient cependant de considérer les aménagements (mur anti-déflagration) pour "sécuriser" les stations d’alimentation et parquer les bus au dépôt ou à l’atelier de maintenance, notamment en cas de cohabitation avec d’autres types de motorisations. Compte tenu de leur plus grand gabarit, il est parfois nécessaire, soit de dévier une ligne, soit de procéder à des travaux de mise au gabarit pour permettre le passage de ces bus sous certains ouvrages d’art.
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Motorisation électrique
Le déploiement de bus à motorisation électrique est assez récent. Il existe plusieurs technologies de recharge des batteries (au dépôt, au terminus ou en ligne) qui génèrent chacune des impacts sur l’organisation du service.
Ainsi, une recharge au dépôt peut compliquer la dernière rotation des bus en cas d’autonomie insuffisante, notamment lorsque les batteries deviennent moins performantes ; une recharge d’opportunité au terminus nécessite quelques minutes avant que le bus reprenne son parcours et une recharge en ligne nécessite d’installer les équipements nécessaires sur l’espace public.
Quel que soit le système de recharge, il est indispensable d’aménager les dépôts ou l’atelier de maintenance et de spécialiser les techniciens aux habilitations électriques. De plus, il faut former les chauffeurs aux spécificités de la motorisation, notamment à la "nervosité" au démarrage.
Enfin, bien que les AOM interviewées n’aient pas recensé d’accidents graves, plusieurs d’entre elles attirent l’attention sur la cohabitation entre des bus quasi silencieux et les autres usagers de l’espace public, notamment les piétons.
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Motorisation à l’hydrogène
Compte tenu du faible échantillon de collectivités positionnées sur des projets de bus à hydrogène, dont aucun n’est effectif à ce jour (les réseaux de Pau-Pyrénées et Arthois-Gohelle ne sont pas dans l’échantillon de l’étude), il est délicat de lister les impacts sur les réseaux.
Les principaux impacts envisagés par les AOM ayant des projets de déploiement de ce type de bus concernent l’aménagement des dépôts et des ateliers de maintenance ainsi que la formation des personnels d’exploitation.
Précisons enfin que selon les AOM interrogées, tous les types de BFE sont accueillis favorablement par les usagers ou les riverains, que ce soit en termes d’image de la ville, de réduction des émissions polluantes ou de réduction des nuisances sonores.
Prochaines étapes...
Dans le cadre de la transition énergétique de leur flotte de bus, les AOM doivent acquérir des connaissances et développer des compétences spécifiques pour déployer des BFE sur leur réseau, tout en assurant une qualité et un niveau de service satisfaisant pour les usagers.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que de nombreuses AOM soient encore indécises concernant leurs futures stratégies. Aussi, un accompagnement réglementaire, technique et des analyses économiques, permettrait de faciliter la transition énergétique des flottes de bus des AOM, notamment pour celles disposant de capacités d’ingénierie limitées.
Pour favoriser les échanges entre collectivités et spécialistes du domaine, et partager les retours d’expérience, le Cerema organise un webinaire sur la transition énergétique des flottes de bus le 24 novembre 2020 :