Les projets de Voies Réservées aux Transports Collectifs (VRTC) s’envisagent sur les sections congestionnées des autoroutes et dans la grande majorité des cas, doivent répondre aux objectifs suivants :
- A court terme, réduire le temps de parcours total et améliorer la fiabilité totale des temps de parcours des usagers de l’axe (par des gains pour les véhicules de transports collectifs aux taux d’occupation plus élevés que ceux des autres véhicules) ;
- A moyen et long terme, réduire l’impact environnemental de ces voies structurantes d’agglomération en incitant les usagers de la voiture particulière à se reporter vers les services de Transports Collectifs en leur donnant un avantage concurrentiel, en permettant le développement de l’offre Transports Collectifs, grâce à un meilleur niveau de service offert aux Transports Collectifs.
Une évaluation socio-économique en amont des projets
Toutefois, des projets d’aménagement de VRTC sont proposés sur des sections présentant un nombre réduit de cars en circulation ou une congestion limitée, simplement parce que la place pour l’aménagement est facilement disponible.
Face à la croissance de ces projets nécessitant un investissement financier de l’Etat, la Direction Générale des Infrastructures des Transports et de la Mer (DGITM) du Ministère de la Transition écologique a souhaité se doter d’un outil permettant de justifier et prioriser les investissements.
Le Cerema développe actuellement un guide d’évaluation socio-économique des projets de voies réservées aux transports collectifs sur autoroute, décliné selon le référentiel d’évaluation des projets de transport français. Ce guide traite des projets de VRTC sans prise de voies sur la section courante (aménagement de VRTC sur la bande d’arrêt d’urgence) ou par ajout d’une nouvelle voie (élargissement de la plate-forme) et propose une évaluation a priori qui doit permettre de justifier de la pertinence et de l’utilité du projet et ainsi de prioriser les investissements.
Le principe est de calculer un indicateur de rentabilité à l’année de mise en service du projet de VRTC, défini par le rapport entre les effets (avantages/inconvénients) procurés par le projet au cours de sa 1ère année d’exploitation et son coût de construction.
Les avantages induits par le projet se calculent par différence entre une situation sans la VRTC aménagée (option de référence) et une situation avec VRTC aménagée (option de projet).
L’analyse monétarisée traite des effets induits par un projet de VRTC sur les temps de parcours des usagers des transports collectifs et des autres véhicules circulant sur les voies générales de la section aménagée, mais aussi sur la régularité de ces temps de parcours, effet plus innovant à quantifier nécessitant la prévision fine de l’évolution et de la variabilité des conditions de circulation (allongement de la durée de la congestion). Les gains procurés par le projet pour les transporteurs sont également calculés. Enfin, les impacts liés à l’usage des véhicules (entretien, consommation de carburant) et environnementaux (émission de GES, pollution atmosphérique) générés par le report modal d’usagers de véhicules personnels vers des transports collectifs complètent le calcul des avantages induits par le projet.
Cette méthode permet de relativiser les investissements au regard des différents effets du projet, et estimés sur la première année de fonctionnement.
Le guide propose l’évaluation de 2 types de projets :
- Projet de VRTC ne concernant que des travaux d’infrastructures, à offre TC constante : dans ce cas, les principaux retours d’expériences ont montré que le report modal et le report d’itinéraire s’avèrent limités à court terme. Ces seuls aménagements d’infrastructures doivent permettre des gains pour les usagers déjà dans les Transports Collectifs mais n’augmentent pas leur fréquentation. Le nombre de véhicules empruntant l’autoroute reste inchangé avec ou sans aménagement de VRTC.
- Projet de VRTC avec modification de l’offre de Transports Collectifs : dans ce cas, une hausse de fréquentation des services de TC est constatée. Elle provient notamment d’un report modal d’usagers de voiture particulière. Le nombre de véhicules empruntant l’autoroute est alors modifié à la baisse. L’évaluation prend alors en compte l’effet de la décongestion, liée à la baisse du trafic, pour les véhicules restants sur la route.
Afin de s’adapter aux différents stades d’études, le guide prend le parti de définir pour chaque configuration (offre constante et augmentation de l’offre) une méthodologie simplifiée et une méthodologie détaillée. Cela permet à chaque porteur de projet de proportionner les investigations socio-économiques au niveau d’avancement des études. 5 cas sont proposés dans le guide pour le calcul des avantages procurés par l'aménagement d'une VRTC à l'année de MES :
- Cas n°1 : calcul simplifiée des avantages à offre de Transports Collectifs constante
- Cas n°2 : calcul complet des avantages à offre de Transports Collectifs constante
- Cas n°3 : calcul simplifié des avantages avec hausse de l'offre Transports Collectifs et sans prise en compte de la décongestion
- Cas n°4 : calcul complet des avantages avec hausse de l'offre de Transports Collectifs et sans prise en compte de la décongestion
- Cas n°5 : Calcul complet des avantages avec hausse de l'offre de Transports Collectifs et avec prise en compte simplifiée de la décongestion
Le calcul simplifié ne prend pas en compte la fiabilité des temps de parcours contrairement au calcul complet.
Le tableau qui suit présente les 5 cas de calculs proposés dans le guide avec leurs caractéristiques et les acteurs concernés :
(2) Le calcul des effets avec report modal nécessite de connaitre le nombre d’usagers de Transports Collectifs supplémentaires et leur origine (report depuis les voitures particulières ou depuis d’autres Transports Collectifs existants). Dans les cas n°3 et n°4, ces données d’entrée sont issues de retours d’expérience (REX) et de jeux d’hypothèses alors que dans le cas n°5, elles proviennent de résultats de modélisations.
(3) Dans le cas n°4, la prise en compte de la décongestion est simplifiée : elle considère son effet sur les seuls usagers de voitures particulières de l’axe sur lequel la section avec VRTC est aménagée
Une démarche pour prioriser les projets de VRTC
Le calcul de l’indicateur de rentabilité à l’année de mise en service proposé par le guide participe à justifier la pertinence des projets de VRTC. Par analogie au taux de rentabilité immédiate (rapport des avantages de l’année de mise en service sur le coût d’investissement), et dans les cas les plus fréquents de croissance des avantages nets dans le temps, l’intérêt à réaliser le projet de VRTC apparait dès que l’indicateur de rentabilité à l’année de mise en service est égal au taux d’actualisation. Le taux d’actualisation étant actuellement pris à 4% conformément aux préconisations du référentiel dans les cas de projets non significativement risqués.
Le calcul de l’indicateur de rentabilité peut également être utilisé pour prioriser et hiérarchiser des projets de VRTC à l’échelle d’un schéma territorial d’un point de vue de l’intérêt public. L’illustration ci-après met en évidence les projets les plus opportuns à réaliser pour la collectivité sur les trois corridors autoroutiers aux entrées de Marseille. Les projets ont été classés selon 4 groupes de priorité établis en fonction de l’indicateur de rentabilité calculé.
Ces travaux ont permis de hiérarchiser les investissements du maitre d’ouvrage en faveur des projets les plus opportuns pour la collectivité, et de planifier ses investissements sur un temps long en commençant par les aménagements les plus efficients.
En conclusion, le guide d’évaluation socio-économique des projets de voies réservées aux transports collectifs sur autoroute développé par le Cerema propose :
- Un cadre d’évaluation permettant d’apprécier la pertinence et l’efficacité des projets de VRTC aux différentes phases d’étude
- Une méthodologie proportionnée à ce type de projet, centrée sur l’analyse monétarisée, respectant la structure du référentiel d’évaluation des projets de transports de la DGITM et simple d’application
Le guide sera publié en début d’année 2024.