20 mars 2025
chantier de construction
Pixabay
Suite à une première comptabilité des flux de matières en Centre-Val de Loire dressée pour l’année 2014, le Cerema a été de nouveau missionné, par le Conseil régional et la DREAL, pour effectuer une mise à jour de cette comptabilité pour l’année 2021. Le pas de 7 ans entre les deux millésimes a vocation à permettre de visualiser les évolutions dans l’utilisation des ressources par le système socio-économique régional, et identifier des enjeux pour alimenter la stratégie économie circulaire en cours d’élaboration.

Photographie du métabolisme régional 

Les études de flux de matières appartiennent à la famille des études de "métabolisme territorial". Cette notion repose sur l’idée qu’un territoire, comme un être humain, a besoin de matières pour fonctionner, et rejette dans la nature, ce faisant, les déchets et polluants résultant de ce fonctionnement. La comptabilité des flux consiste en une photographie de l’ensemble des matières entrant et sortant du territoire au cours d’une année (ainsi que celles stockées), exprimées en tonnes, comprenant matières brutes, produits semi-finis et produits finis. L’exercice est mené à l’échelle régionale, mais également à l’échelle nationale, afin de disposer de références permettant de situer la région par rapport à la moyenne nationale.

 

Bilan matières du Centre-Val de Loire en 2021, précisant les progressions par catégorie de flux par rapport à 2014

 

 

Quelques-unes des caractéristiques de la région Centre-Val de Loire soulignées par l’étude

  • Un rôle de fournisseur de produits agricoles pour les autres régions : 

    avec une extraction de 5,2 tonnes/habitant de produits agricoles en 2021, contre 2,0 tonne/habitant à l’échelle nationale, l’activité agricole est prépondérante dans l’économie régionale. Sur cette quantité extraite, environ 90 % sont exportées vers l’extérieur du territoire (avec une large majorité vers les autres régions françaises et une petite part vers l’étranger) : avec 97 % de la production agricole issue de grandes cultures, le Centre-Val de Loire écoule majoritairement ses produits agricoles vers les marchés nationaux et internationaux ;

     

  • Une exploitation sylvicole en hausse entre 2014 et 2021, mais en-dessous du potentiel forestier : 

    le Centre-Val de Loire extrait 5,5 % de la biomasse sylvicole nationale, pour une superficie régionale de forêt de production qui représente 6,2% de la surface nationale. Par ailleurs, l’extraction sylvicole, est, davantage qu’en moyenne nationale, et de façon croissante, tournée vers le bois-énergie et le bois de trituration (fabrication de pâte à papier, panneaux de particules, etc.), à l’inverse de l’exploitation de bois d’oeuvre qui représente moins de 4 % de la quantité récoltée en France ;

     

  • Les matériaux de construction représentent un enjeu de taille : 

    avec une production régionale de granulats (2,6 tonnes/habitant) inférieure à la moyenne nationale (5,5 tonnes/habitant), et des besoins estimés à 6,2 tonnes/habitants, la région fait face à un important enjeu de ressources minérales. Derrière ces ressources et besoins globalisés, une grande disparité existe entre les départements, auxquels les flux d’échanges régionaux et nationaux répondent. Réemploi, recyclage, et utilisation de matières biosourcées, représentent des solutions incontournables pour l’avenir de la rénovation et de la construction.

     

Ces données chiffrées sont complétées, dans l’étude, par des analyses sur les causes de ces constats, à l’appui d’une dizaine d’entretiens menés auprès d’acteurs régionaux spécialisés.

 

Augmentation des échanges de matières avec l’extérieur du territoire, au détriment de flux internes en baisse

Importations et exportations Centre-Val de Loire/extérieur de la région, distinction entre échanges avec les autres régions françaises et échanges avec les pays étrangers

L’étude montre une tendance à l’accroissement des échanges avec les autres régions françaises entre 2014 et 2021 (+ 10,2 % d’importations, + 11,3 % d’exportations), et à l’inverse une baisse des flux internes à la région (- 18,9 %) : autrement dit, les distances de transport s’allongent pour fournir le territoire. Croisées avec l’observation des flux par type de matière, les données montrent une dépendance à l’extérieur accrue concernant les produits manufacturés, la biomasse agricole (l’importante production agricole en région est majoritairement exportée vers l’extérieur du territoire), et les minéraux et produits métalliques.

Cet aspect pourrait, pour partie, ne pas être spécifique à la région Centre-Val de Loire, et correspondre à l’essor de la vente en ligne et à la perte de traçabilité des derniers kilomètres de transport. D’autres causes sont spécifiques à la région, comme l’absence d’extraction de minerais métalliques en région en parallèle de nombreuses industries métallurgiques présentes sur le territoire (aéronautique, ferroviaire, automobile, défense).

 

Mise en exergue des "flux cachés"

Les études de flux de matières permettent de mesurer le poids des flux entrant et sortant du territoire, mais également d’estimer les flux prenant place à l’extérieur au territoire lors de la fabrication et du transport des produits consommés sur le territoire : ce sont les "flux indirects". Ainsi, alors que la consommation "apparente" d’un habitant de la région est de 14,7 tonnes/an, sa consommation "totale" est en réalité 42,4 tonnes/an, si l’on inclut les phases préalables à l’usage du produit (extraction, fabrication, transport). 

 

Enseignements de la comparaison des comptabilités 2014 et 2021

La consommation moyenne de 14,7 tonnes citée précédemment est restée inchangée entre 2014 et 2021. Pareillement, le niveau d’extractions intervenues sur le territoire n’a quasiment pas évolué. Toutefois, ces indicateurs globaux masquent en réalité une augmentation des extractions de minéraux non-métalliques et une diminution de la production agricole (ces deux catégories d’extraction représentent près de 80 % de l’extraction intérieure), qui se compensent.

Il est à noter que sur l’ensemble des matières extraites sur le territoire régional (biomasse agricole et sylvicole, minerais et minéraux), 59,5 % sont d’origine renouvelable, contre 40,5 % à l’échelle nationale : il s’agit d’un atout spécifique aux régions rurales et productives, à l’inverse de zones plus urbaines qui disposent ainsi de moins de marges de manœuvre pour maîtriser la pérennité de leurs extractions.

 

Le lien avec la stratégie économie circulaire en cours d’élaboration

L’étude a permis de relever les atouts de la région en termes de déploiement de l’économie circulaire : territoire de production, la région dispose d’un tissu industriel à fort potentiel de synergie dans des domaines spécialisés. Par ailleurs, riche en biomasse agricole et forestière, le Centre-Val de Loire bénéficie des ressources renouvelables nécessaires à la maîtrise de filières d’approvisionnement, notamment alimentaires et énergétiques. 

Au-delà de ces caractéristiques globales, des filières à potentiel intéressant ont pu être identifiées, comme la culture de plantes médicinales et à parfum, en lien avec la "Cosmetic Vallée", l’émergence de cultures de légumes cultivés pour le fruit, au profit d’une alimentation locale, le démontage et recyclage de matières métalliques, en lien avec les industries ferroviaires, automobiles et d’armement, etc.

Parallèlement, en portant un regard transversal, l’étude a également permis d’identifier de potentiels enjeux de compétition d’usage sur des matières inutilisées issues de la production agricole ou sylvicole, ainsi que l’importance des enjeux de transition écologique au service de ces ressources renouvelables.

 

Ce type d’étude permet de disposer d’un panorama transversal, mesurant les besoins et les impacts de l’activité socio-économique d’un territoire, ainsi que sa dépendance vis-à-vis des territoires extérieurs. Il s’agit d’un outil diagnostic de plus en plus utile dans un contexte d’attention portée à la finitude des ressources et à la relocalisation des filières, dans un objectif de souveraineté matérielle, et de robustesse économique et écologique des territoires. 

Fiche d'identité de l'étude