Espaces publics et voirie, supports de cette "mobilité pour tous"
En introduction, Brigitte Thorin, déléguée ministérielle à l'accessibilité (DMA) et Hervé Brulé, adjoint au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), ont rappelé les principaux enjeux de la loi d'orientation des mobilités (LOM), votée le 19 novembre dernier : une mobilité plus durable et plus inclusive. Les nouvelles dispositions viennent renforcer l'accessibilité des services de mobilité.
Dans une première table ronde consacrée aux évolutions relatives aux espaces publics et à la voirie, la Direction de la sécurité routière (DSR) a présenté les mesures récentes qui permettent de rééquilibrer le partage de la voirie en faveur des piétons et des autres modes actifs. En faveur des piétons, on retiendra les sanctions majorées en cas de stationnement sur trottoir, ou encore l'interdiction de stationner à moins de 5 mètres d'un passage piéton. La récente réglementation des engins de déplacements personnels (EDP) motorisés permet d'encadrer ces pratiques et a réaffirmé la sanctuarisation du trottoir "pour les piétons". Pour compléter ce tableau des évolutions, la DGITM et la DMA sont revenues sur 2 mesures de la LOM : la garantie d'accès des personnes handicapées aux zones à faible émission (ZFE) et l'accessibilité du service public de bornes de recharge électrique, sujets sur lesquels des groupes de travail sont lancés.
Le Cerema a évoqué un autre défi majeur pour demain : encourager la mobilité des séniors et leur offrir la meilleure autonomie possible. Quelles sont les difficultés rencontrées par les seniors dans leur déplacements à pied ? Comment éviter le risque de chute, qui est le principal frein évoqué ? Le Cerema a présenté les pistes qui, en matière d'aménagement, permettent d'apporter un certain nombre de réponses : sécuriser les traversées piétonnes, installer régulièrement du mobilier d'assise, prendre en compte les aléas climatiques, conserver des contrastes visuels et adapter l'éclairage, assurer un confort des revêtements, travailler sur le guidage et sur la lisibilité pour faciliter l'orientation, etc.
Toujours sur le thème du vieillissement, le CGET a mené un travail collectif avec quatre territoires qu'il a suivis pendant un an, autour de différentes thématiques : idées reçues, attentes et points de crispation, repères méthodologiques, bonnes pratiques. Ces enseignements, rassemblés dans un ouvrage, visent à accompagner l’adaptation des territoires périurbains et des quartiers prioritaires au vieillissement de leur population et à favoriser la mise en place de politiques favorables aux seniors.
Mobilier urbain accessible et matériaux adaptés aux usages
En introduction de cette deuxième table ronde, le Cerema et la métropole Européenne de Lille sont revenus sur une étude exploratoire menée à Lille pour mieux comprendre les difficultés de déplacement que pouvaient rencontrer certaines personnes. Il s'agissait de suivre et d'observer des personnes ayant des déficientes visuelles, auditives ou encore des personnes âgées, dans un déplacement qui leur était imposé dans un quartier récemment aménagé. A partir de l'analyse de ces "parcours commentés", le Cerema a pu pointer les aménagements / les manques posant des difficultés (coupures urbaines, secteurs en chantiers...), ainsi que ce qui était facilitateur et aidait les personnes à s'orienter (grands axes, signalétique...). Pour la métropole Européenne de Lille, cette étude a permis de repérer des points de vigilance, qui ont été pris en compte lors de la deuxième phase d'aménagement du quartier.
Au niveau des équipements et du mobilier urbain, le témoignage d'un fabricant de mobilier urbain a permis de faire ressortir les enjeux liés à la normalisation. Même s'il n'est pas toujours facile de parvenir au consensus, la normalisation est un gage de qualité. De plus, elle se construit dans un cadre partenarial qui permet de mieux comprendre les besoins des uns et des autres.
Ces approches de "co-construction" ont aussi été mises en avant par des représentants de la ville de Besançon, qui a créé un "groupe d'experts d'usage" associé en amont aux projets d'aménagement. L'anticipation des usages et de l'accessibilité permet à la fois d'apporter une réponse plus qualitative que la simple application de la réglementation, et d'autre part de rationnaliser l'espace et les coûts.
En ce qui concerne les matériaux, la prise en compte des usages est également primordiale. Le Cerema et la ville d'Amiens sont intervenus à deux voix sur l'enjeu particulier liés à l'adhérence des revêtements. Ce critère n'est pas souvent pris en compte en amont et il est parfois considéré comme moins prioritaire que la qualité esthétique par exemple. Lorsqu'il a été sous-évalué, les mécontentements des usagers s'expriment fortement, allant parfois jusqu'à des contentieux. Les actions réparatrices, permettant après coup d'améliorer l'adhérence du revêtement, sont coûteuses.
Le Cerema a présenté les leviers permettant de mieux prendre en compte cet enjeu d'adhérence : dans la rédaction des marchés, lors de la livraison des matériaux et lors de la réception des travaux. Certaines collectivités ont expérimenté des plateformes de tests et réalisent des essais avec les usagers en amont.
L'ouverture des données d'accessibilité dans les transports et en voirie
Comment mieux informer sur le niveau d'accessibilité ? L'après-midi a été principalement consacrée aux enjeux liés à l'ouverture des données. Après une présentation du cadre légal par la DGITM, la DMA est revenue plus en détail sur l'ouverture des données accessibilité. Ce chantier va non seulement permettre de donner l’information sur l’accessibilité des réseaux de transport collectif, mais aussi celle des cheminements autour des arrêts de bus ou de cars prioritaires. Cette obligation, qui va principalement concerner les autorités organisatrices de la mobilité et les gestionnaires de voirie, vise à permettre l'émergence de système d'informations multimodaux et de guidage prenant en compte les familles de handicap.
Comment décrire l’accessibilité des transports en commun, de la voirie, des espaces publics et des bâtiments dans un SIG ? Comment s'assurer de l'interopérabilité des systèmes développés sur chaque territoire ? La normalisation de l'accessibilité dans le monde des transports est déjà disponible avec un "profil accessibilité" sous NeTex. Du côté de la description de la voirie, un premier travail permettant d'harmoniser les référentiels a été réalisé par le Cerema en partenariat avec trois collectivités. L'enjeu est à présent d'aller vers de la normalisation.
Quelles en seront les applications ? Trois acteurs du numérique sont venus ensuite présenter les services pouvant être développés : apporter des précisions sur la qualité de l’accessibilité des cheminements piétons (GPS piétons adaptés aux PMR), compléter ces GPS par des balises numériques pour "guider" les personnes, en extérieur comme en intérieur (grands ERP).
En conclusion...
Pour conclure cette journée, Sonia Lavadinho, experte en mobilité et cadre de vie, est revenue sur certaines actions lui semblant devoir être menées dans la prochaine décennie devant l'urgence climatique. Elle a pointé en particulier l'effort restant encore à faire sur l'apaisement des vitesses, tout en le considérant non comme une "fin en soi" mais comme un "moyen". L'objectif est bien de créer une ville qui permette les rencontres, qu'il s'agisse des échanges entre les personnes elles-mêmes, ou encore du contact avec la nature. Pour cela, il faut selon elle déployer les bonnes initiatives et ne pas en rester à des "expérimentations", sans cesse "revenir à la charge" et penser les espaces comme des "espaces-temps", des lieux de vie, des "destinations" à rendre attractives.
Ressources
Accédez au site internet du ministère (partie DIRE : colloques DMA, présentations et actes) pour télécharger le programme du colloque, les supports de présentation des intervenants et les "fiches LOM" produites par la DMA :