Michel Neugnot,
Président-délégué de la commission mobilité, transports, infrastructures de Régions de France, 1er vice-président en charge des mobilités, des transports scolaires, de l’intermodalité et des infrastructures du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté
Antoine Chéreau,
Vice-président Mobilités d’Intercommunalités de France, Président de la communauté d’agglomération Terres de Montaigu, 1er Vice-Président de la Région Pays de la Loire
Question 1 : En 2019, la Loi d’Orientation des Mobilités a exigé une couverture totale du territoire par des Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM). Afin d’atteindre cet objectif, les communautés de communes se sont vu proposer la compétence mobilité. En cas de refus de leur part, ce sont les Régions qui sont devenues AOM locales sur ces territoires. Quelles ont été pour vos adhérents respectifs, les conséquences de cette prise de compétence ?
► Michel NEUGNOT (Régions de France) : La prise de compétence « AOM » dans le cadre de la LOM a entraîné une évolution significative du rôle et des responsabilités des Régions en matière de mobilité, avec une adaptation de leurs politiques et de leurs pratiques. Une grande partie du débat national s’est focalisé sur la prise de compétence, alors que l’unique enjeu est la mise en œuvre. Ce débat est principalement juridique et ne reflète pas nécessairement une politique effective de mobilité. Les actions entreprises par les communautés de communes compétentes et non compétentes sont diverses, démontrant que la mise en œuvre des politiques de mobilité est souvent complexe et non binaire. Les Régions, les communautés de communes, et l’ensemble des intercommunalités deviennent des interlocuteurs incontournables et une coopération se met progressivement en place. Les choix régionaux en matière de mobilité se doivent ainsi d’être de plus en plus expliqués, concertés et définis en lien avec les autorités locales. Ainsi, quel que soit le débat sur la prise de compétence, les Régions ont mis en place des dispositifs d’accompagnement pour aider les nouvelles AOM à développer leurs compétences. Cela comprend des recrutements de chargés de mission et d’autres ressources humaines dédiées à la mise en place et au suivi des contrats opérationnels de mobilité.
► Antoine CHÉREAU (Intercommunalités de France) : Aujourd’hui, 747 intercommunalités sont AOM dont 461 communautés de communes. La prise de compétence par les communautés de communes a permis de développer les services de mobilité au plus près des territoires. Entre 2022 et 2023, on note une nette progression des actions pour les mobilités actives, les services de covoiturage, l’usage partagé de l’automobile et l’accompagnement personnalisé des personnes en situation de précarité. Les services réguliers de transports, le transport scolaire, le TAD et les mobilités actives restent les services et infrastructures les plus déployés. C’est souvent un bouquet de mobilités qui est déployé, dans l’esprit de la loi LOM de 2019 dont l’un des objectifs principaux est de promouvoir l’intermodalité.
Question 2 : La LOM a instauré divers outils pour mieux articuler et coordonner les actions et services de mobilité, tels que les bassins de mobilités, les Contrats Opérationnels de Mobilités, les Plans d’action en commun pour la Mobilité Solidaire ou les comités des partenaires. Alors qu’ils se mettent progressivement en place, quel regard portez-vous sur ces outils ?
► Antoine CHÉREAU (Intercommunalités de France) : La LOM, mais aussi la mise en place des ZFE et la loi SERM appellent à toujours plus d’intermodalité et pour cela de coordination entre les acteurs de la mobilité. Dans la foulée de la délimitation des bassins de mobilité par les régions s’engage la définition des contrats opérationnels de mobilité. Ces COM conduisent les intercommunalités et les régions à formaliser leur coopération en matière de mobilité et à promouvoir une meilleure lisibilité et interopérabilité de leurs services de mobilité ; avec un dialogue enrichi lorsque l’intercommunalité est AOM. L’enquête Mobilités menée en 2023 par Intercommunalités de France révèle que faire du bassin de mobilité le cadre efficace d’une coordination région – intercommunalités nécessite que le périmètre du bassin soit bien approprié par les intercommunalités. Les COM recensent les services existants et en projet des AOM locales. Un réexamen régulier permettra de construire dans le temps une vision commune des services à l’échelle du bassin de mobilité et d’augmenter leur cohérence. À travers l’élaboration du COM, Intercommunalités et régions identifient des axes de travail commun (SERM, intermodalité, etc.). Les comités des partenaires permettent d’échanger sur les politiques de mobilités menées par l’intercommunalité et s’inscrivent dans l’animation des politiques de développement économique menées au niveau local. D’après l’enquête 2023, le comité des partenaires est installé ou en cours d’installation pour deux tiers des intercommunalités. En 2022, 54 % des intercommunalités répondantes à l’enquête d’Intercommunalités de France n’avaient pas encore connaissance du Plan d’Action commun en matière de Mobilité solidaire (PAMS). Elles ne sont plus que 17 % en 2023. Ces travaux sont à poursuivre.
► Michel NEUGNOT (Régions de France) : Toutes les Régions ont, en concertation avec les acteurs locaux, défini les bassins de mobilité, qui peuvent s’étendre sur le territoire d’une ou de plusieurs intercommunalités, entraînant une variabilité significative de leur taille d’une région à l'autre et parfois même au sein des régions en raison des contextes locaux. En tant qu’AOM régionales, toutes les Régions ont établi leur comité régional des partenaires, mais l’installation de ces comités à l’échelle des communautés de communes n’ayant pas pris la compétence, et même pour celles qui l’ont, apparaît plus fastidieuse. Il faut toutefois souligner l’engagement sans faille des agents territoriaux, des élus de tous les territoires, sur d’importants processus préparatoires à la mise en œuvre de tous les outils de la LOM, qui, sous l’œil myope des administrations nationales, sont trop souvent invisibilisés. Les modalités de création des contrats opérationnels de mobilité diffèrent d’une Région à l’autre, offrant diverses options telles que des comités de pilotage, des comités techniques ou des comités mixtes de bassin, combinant aspects techniques et politiques. Outre les acteurs prévus par la LOM, les Régions incluent fréquemment les syndicats d’énergie dans leurs démarches, chargés notamment du déploiement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques et parfois même des services d’autopartage et covoiturage.
Question 3 : En 2020, le Cerema a lancé un appel à partenariat pour accompagner 15 territoires (communauté de communes ou PETR) dans leur réflexion sur la prise ou non de compétence. Il a aussi élaboré divers documents (guide, mode d’emploi pour les communautés de communes en lien avec Intercommunalités de France et pour les PETR et syndicats mixtes en lien avec l'ANPP). A l’heure de la mise en œuvre de cette loi, comment voyez-vous le rôle du Cerema auprès des collectivités ?
► Michel NEUGNOT (Régions de France) : Le cadre juridique de la LOM, lui-même imbriqué dans le cadre juridique de la loi NOTRé, et des précédentes lois de décentralisation, reste complexe. Le CEREMA peut mettre à disposition son ingénierie pour accompagner les collectivités, mais, en gardant en tête que le temps est aujourd’hui clairement à la mise en œuvre. Les réflexions, planifications et même recrutements exigent un investissement en temps, tant pour les agents que les élus, et requièrent une réelle maturation des territoires. Pour assurer une appropriation collective efficace, il faut donc s’accorder le temps nécessaire, toute hâte étant susceptible de nuire à l’efficacité des démarches, et garantir une stabilité du paysage institutionnel, une continuité.
► Antoine CHÉREAU (Intercommunalités de France) : Le soutien des intercommunalités pour la mise en œuvre de leurs politiques de mobilité nécessite un accompagnement dans la durée. Cela doit permettre une compréhension approfondie des projets des intercommunalités et un enrichissement de ceux-ci grâce à l’expertise et aux données du Cerema.