23 octobre 2023
Route bidirectionnelle en zone peu dense
Route bidirectionnelle - Pixabay
Le Cerema a mené une étude au sujet de l'accidentologie sur les routes bidirectionnelles, qui concentrent un grand nombre d'accidents de la route. Le projet Sécubidi a été réalisé dans le cadre d'un appel à projets de la Délégation à la Sécurité Routière pour approfondir la connaissance des accidents sur ces routes hors agglomération.

Les routes bidirectionnelles interurbaines constituent un réseau de plus de 400 000 km géré à la fois par l'état et les collectivités locales. Ce réseau assure des fonctions multiples et il présente des caractéristiques diverses en termes d'offre d'infrastructure. Il supporte une part importante des déplacements réalisés pour des motifs diversifiés en mixant des usagers hétérogènes tels que : véhicules de tourisme, poids lourds, usagers vulnérables, engins agricoles.

En termes d'accidentalité, ce réseau représente 89% de la mortalité des routes hors agglomération (1 915 personnes tuées par an), soit 56% de l'ensemble de la mortalité routière. De plus, bien que diffuse le long des itinéraires, il apparaît qu’un quart de ce réseau concentre les deux tiers de la mortalité. Si globalement le fichier BAAC (recueil des accidents de la route en France) peut apporter des éléments de réponse sur l'accidentalité, on observe un déficit de connaissance plus approfondie qui permettrait de poser un diagnostic plus adapté à l'hétérogénéité de ce réseau.

Dans le cadre d'un appel à projets de la Délégation à la Sécurité Routière pour améliorer la connaissance de l'accidentologie et des usages des routes bidirectionnelles hors agglomération, le Cerema a proposé le projet Sécubidi

Ainsi, un des objectifs principaux du projet était d'apporter une connaissance détaillée de l'accidentologie sur les routes bidirectionnelles hors agglomération, avec notamment un accent fort porté sur l’analyse infrastructure, afin de : 

  • Mieux connaître pour agir, en particulier estimer et hiérarchiser les enjeux de sécurité, 
  • Identifier les principaux mécanismes d'accidents pour poser un diagnostic et estimer le rôle de l'infrastructure et des usagers ; 
  • Évaluer la possibilité de proposer une analyse particulière par type de réseau. 

 

Méthodologie et principaux résultats

Les analyses réalisées ont porté sur 2 types de données entrantes : 

  • Les fichiers BAAC 2013/2017 pour le livrable "étude d’enjeu", permettant de mieux estimer et hiérarchiser les enjeux de sécurité,
  • La base de données accidents mortels 2015 du projet FLAM, afin d’identifier les principaux mécanismes et facteurs d'accidents, et en prenant en compte l’hétérogénéité du réseau étudié.

En France métropolitaine, sur 2013-2017, 3 400 personnes sont tuées par an dont 2 400 hors agglomération. Sur ces 2 400 tués hors agglomération, 1 900 (80%) personnes sont tuées sur une route bidirectionnelle. Les routes bidirectionnelles présentent une très forte gravité : 80% des tués hors agglomération, pour 58% des accidents corporels hors agglomération.

Il s’agit par ailleurs d’une accidentalité qui ne décline pas sur la période observée : en 5 ans, le nombre d’accidents corporels sur routes bidirectionnelles hors agglomération a augmenté de 25% (5 points de plus que sur routes non bidirectionnelles), alors que l’ensemble des accidents corporels en France a légèrement augmenté de 3%. 

L’enjeu majoritaire est constitué par les accidents hors intersection, et sans piéton. En effet, le nombre de tués (1 900) par an sur les routes bidirectionnelles hors agglomération se répartit en : 

  • 1 600 tués dans les accidents hors intersection sans piéton (84%),
  • 230 tués dans les accidents en intersection sans piéton (12%),
  • 90 tués dans les accidents avec piéton (4%). 

 

Etude des sorties de voie

Sur le plan de la sécurité primaire, l’analyse des mécanismes d’accidents a montré que 55% des conducteurs impliqués dans les accidents en section courante sur les routes bidirectionnelles hors agglomération ont effectué une sortie de voie. Ces sorties de voies ont lieu en courbes dans 54% des cas. Le côté de la sortie de voie est très majoritairement à gauche (71% contre 29% vers la droite), et ceci que l’usager soit initialement en section rectiligne (73% de sortie vers la gauche) ou en courbes (70% de sortie vers la gauche). 

Ces sorties de voies se répartissent comme suit : 

  • 37% de conducteurs avec défaut de guidage, généralement progressif (endormissement, assoupissement, inattention diverses), etc ..., 
  • 63% de conducteur avec perte de contrôle du véhicule (perte de contrôle dynamique liée à une inadéquation de la vitesse eu égard aux contraintes d’adhérence, perte de contrôle suite à l’évitement ou heurt d’animal). 

En ce qui concerne les sorties de voies liées à un défaut de guidage (hors malaise), il ressort que cette problématique est présente sur tous les réseaux, avec toutefois un enjeu plus fort sur le réseau national.

Par ailleurs, il apparaît que la majorité des conducteurs : 

  • Circulaient en ligne droite (55% des cas, et 180 conducteurs concernés),
  • Circulaient deux fois plus souvent en courbe à droite qu’en courbe à gauche,
  • Ont effectué un premier déport vers la gauche (88% d’entre eux, et 255 conducteurs concernés). 

Les 255 accidents concernés par les premiers déports vers la gauche représentent plus de 15% de l’ensemble des accidents mortels sur réseau bidirectionnel hors agglomération. 

 

Sur le plan de la sécurité secondaire, les accidents (hors inter) sans tiers avec heurt d’obstacle aggravant représentent 29% de l’ensemble des accidents du réseau bidirectionnel hors agglomération, soit 497 cas. Dans 1 cas sur 2, l’obstacle heurté est un arbre. La distance des obstacles par rapport au bord de la chaussée a été estimée, et il ressort que 60% étaient situés à moins de 2 m, et 83% étaient situés à moins de 4 m. Par ailleurs, il ressort que les accidents contre obstacles (hors inter, sans tiers) ont majoritairement lieu en courbe (53% des cas). 

Les facteurs humains sont très fortement majoritaires dans les accidents mortels sur réseau bidirectionnels hors agglomération. La pratique d’une vitesse inadaptée ou excessive (38%) ainsi que l’alcoolémie (31%) représentent les principaux facteurs. 

 

Les principaux facteurs liés à l’Infrastructure ou aux conditions de circulation sont : 

 

  • Les défauts de visibilité, majoritairement générés par des masques fixes (7%) liés à l’environnement (4%) et au profil ou tracé de la route (2%), 
  • Les défauts de lisibilité de l’infrastructure qui ne permettent pas à l’usager d’adapter son comportement : mauvaise lisibilité d’une courbe (4%), d’une intersection (2%), 
  • L’inadéquation de l’infrastructure aux contraintes dynamiques : problème d’adhérence sur chaussée mouillée (7%), mauvais état de la chaussée dans 2% des accidents, 
  • Les possibilités de récupération ou d’évitement qui sont limitées par des largeurs insuffisantes des accotements (8%) ou par la présence d’un obstacle sur ce dernier (3%),
  • Le heurt d’un obstacle fixe aggravant sur l’accotement est présent dans 35% des accidents. 

Apport du projet concernant les propositions d’actions

Concernant l’infrastructure, le projet a mis en avant plusieurs éléments : 

  • Implanter des dispositifs d’alerte sonores, principalement en axe de la chaussée pour limiter les sorties de voie qui font suite à des problèmes de guidage (hors malaise). Au moins 328 accidents mortels ont eu lieu dans cette configuration en 2015, soit 19% de l’ensemble des accidents étudiés. Le phénomène est bien plus présent en axe de chaussée (255 accidents : 15%), qu’en rive (39 accidents : 2%). 
  • Engager/ poursuivre les démarches de traitement des obstacles latéraux. Une priorité peut être accordée aux obstacles situés dans les 2 mètres du bord de la chaussée, distance qui couvre 60% des cas de heurts d’obstacles aggravants dans les accidents (hors inter) sans tiers, soit au moins 270 cas de heurts parmi les 1685 accidents étudiés. En relation avec l’enjeu des accidents survenant en courbes, les obstacles en courbe doivent considérés avec une attention importante, puisque 54% des accidents contre obstacle ont lieu en courbe. 
  • Effectuer des mesures d’adhérence pour limiter les accidents avec perte de contrôle par temps humide, facteurs d’accidents rencontrés 121 fois parmi les 1685 accidents étudiés. Les itinéraires avec courbes pourront être traités en priorité. Si le niveau d’adhérence s’avère être faible, proposer éventuellement des baisses de limitation de vitesse dans l’attente d’une réfection de la couche de roulement. 
  • Limiter la présence de masques à la visibilité, en particulier les masques fixes, facteurs d’accidents rencontrés 115 fois parmi les 1685 accidents étudiés. 
  • Porter une attention particulière à la lisibilité de la route, notamment celle des courbes, facteurs d’accidents rencontrés 60 fois parmi les 1685 accidents étudiés. Les courbes serrées après un long alignement droit représentent un enjeu qui semble plus marqué pour les motos. A cet effet, la méthode ALERTINFRA et les principes de signalisation des virages mériteraient d’être déclinés opérationnellement de manière plus systématique. 
  • Vérifier que les sections avec dépassements autorisés offrent de bonnes conditions de visibilité. Les accidents en dépassement représentent 13% de l’ensemble des accidents le réseau principal, et 11% sur le réseau secondaire. Il serait intéressant de limiter les possibilités de dépassement en amont de carrefours présentant des taux de tourne-à-gauche importants, ce qui suppose d’améliorer le niveau actuel de connaissance des trafics.
  • Amplifier la politique de réalisation d’itinéraires ou d’aménagements cyclables sur le réseau secondaire, qui concentre 61% des accidents de cyclistes, soit 43 cas. 

Concernant l’usager, le projet a mis en avant l’intérêt de : 

  • Contrôler les vitesses, l’alcoolémie (notamment de nuit et hors du réseau principal), l’usage de stupéfiants,
  • Réaliser des actions d’information/communication sur les risques liés à la fatigue et à l’inattention, problématique plus présente sur le réseau principal.
  • Renforcer la communication sur le nécessaire partage de la route afin de prendre en compte la présence des usagers vulnérables, en particulier en intersection, en tenant compte notamment de l’augmentation de la pratique cycliste. 

 

Les résultats détaillés du projet Sécubidi sont sur CeremaDoc :