19 août 2024
Canard sur une mare dans un EcoQuartier
Arnaud Bouissou - TERRA
Le Cerema travaille à création d’une méthode pour définir une trame blanche en cohérence avec la trame verte et bleue. Cette méthode qui sera déclinable en fonction du contexte urbain est expérimentée avec la ville de Lille.

La recherche a montré que le bruit, constitué par les sons d’origine anthropique potentiellement néfastes, modifie le comportement des animaux parfois de manière importante même s'ils peuvent montrer des signes apparents d'adaptation. Comme pour les humains, le bruit entraîne du stress, une baisse du sommeil, des maladies, mais pour la faune sauvage, il perturbe également la communication, la reproduction, la détection des proies ou des prédateurs …

 

Une trame blanche pour favoriser le cycle biologique des animaux

La trame blanche permet de favoriser les continuités écologiques des espèces dépendantes de la communication sonore pour leur cycle de vie (reproduction, navigation de certaines espèces, territorialité, relations sociales…), notamment des oiseaux. Le bruit oblige les espèces à modifier leur comportement naturel, et a un impact sur leur santé.

Le Cerema établit une méthodologie pour construire une trame blanche dans différents contextes urbains, en s’appuyant sur la trame verte et bleue et la trame noire. Cette méthode a été expérimentée dans le contexte de parcs naturels régionaux, et doit être maintenant mise en œuvre dans un contexte urbain avec la ville de Lille. 

Cette expérimentation inclut l'organisation d'une "noise party" fondée sur les sciences participatives, pour recueillir avec le public les données de bruit à l'aide de l'application NoiseCapture développée par le Cerema.

 

 

2 questions à olivier Pichard:

A l’échelle d’une grande ville, est-il possible d'identifier des trames blanches véritablement silencieuses ?

La notion de trame blanche sera traitée différemment s'il s'agit d'un milieu urbain ou d'un espace naturel. La vocation d'une trame blanche en milieu urbain ne sera pas d'exclure les habitants des zonages identifiés pour supprimer tout bruit mais de concilier les différents enjeux afin de maintenir ou restaurer des zones de quiétude favorables à la fois aux habitants et à la faune sauvage. Il s'agira d'identifier les bruits les plus néfastes à la faune sauvage et d'étudier toute possibilité de les réduire, dans le cadre d'une gestion intégrée des espaces urbains

 

Comment une ville peut-elle créer et développer une trame blanche ?

A ce stade, de nombreux défis méthodologiques sont à relever pour définir une trame blanche en milieu urbain. Néanmoins, plusieurs outils sont déjà mobilisables comme la mise en place d'enregistreurs en continu, l'écoacoustique, la réalisation de mesures de bruit ou encore les cartes de bruit stratégiques pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Il est quoi qu'il en soit important de faire appel à des organismes ayant des compétences combinées en acoustique et en biologie et idéalement en bioacoustique. Lors de la réalisation de telles démarches, le Cerema mobilise l'ensemble de ces compétences. 

Une méthodologie en 3 étapes :

Etape 1 : Le diagnostic

Parc de la Citadelle à Lille

La première action consiste à recueillir toute information liée à l'urbanisme, à l'environnement, à la biodiversité, au bruit et toute information utile à la prise en compte des paysages sonores.

Les seuils d’audition et de perception des sons varient d’une espèce à l’autre : il faut intégrer le spectre perçu par les différentes espèces présentes sur le territoire pour croiser ces données avec la carte du bruit et la carte de la trame verte et bleue, afin d’identifier les zones d’intérêt pour construire la trame blanche. Toutefois cette approche est insuffisante pour la trame blanche car les cartes de bruit existantes ont été exclusivement conçues pour l'humain alors que la perception du bruit et ses effets, tant du point de vue quantitatif que qualitatif varie considérablement d'un groupe d'espèce à un autre (oiseaux, insectes, chauves-souris, batraciens..). 

Le diagnostic de l'état initial peut être complété en première approche par une analyse croisée des données de bruit, avec les données sur la trame verte et bleue et sur la biodiversité présente localement. 
 

Etape 2 : Caractériser les paysages sonores

La méthode propose des indicateurs et des indices acoustiques pour caractériser les paysages sonores, en s’appuyant sur des enregistrements en continu pendant 24 heures minimum afin d’identifier et caractériser les événements sonores potentiellement dérangeants pour la faune. Différents types de paysages sonores peuvent ainsi être identifiés. 

Cela permet notamment de prendre en compte le paysage sonore en tant que composante sociale, culturelle, historique pour les habitants : la trame blanche "urbaine" nécessite en effet d'intégrer la perception des paysages sonores par les habitants dans une perspective d'aménagement urbain. Dans cet objectif, l'équipe projet du Cerema comprend un responsable scientifique pour le volet science humaine et sociale des paysages sonores.
 

Etape 3 :  Passer à l'action

La dernière étape consiste à déployer le plan d’action :

  • Réalisation de la carte qui définit la trame blanche et les points de conflit.
  • Définition d’un plan d’action incluant la sensibilisation des publics
  • Définition d’indicateurs de suivi à long terme
  • Intégrer des préconisations dans les documents de planification
  • Formulation de recommandations générales à destination des gestionnaires d’espaces verts, des CAUE, des services instructeurs et des particuliers.
     
 
 
Des promenades 

 

à la découverte 

 

des paysages sonores naturels

Le Cerema organise régulièrement des animations de type conférence ou balade sonore pour sensibiliser le public aux paysages sonores naturels et à l'impact que peut avoir le bruit sur la biodiversité. Ces animations sont l'occasion de faire découvrir au public la richesse des sonorités urbaines et apprendre à développer notre sens de l'écoute. Il s'agit aussi de sensibiliser aux politiques publiques liées à la prévention de la pollution sonore, particulièrement dans le domaine de son impact sur la biodiversité (oiseaux, amphibiens, insectes...). 

Ces animations offrent une large place aux expériences d'écoute et au décryptage de l'ensemble des informations recueillies. Des notions sur le patrimoine sonore, la bioacoustique, l'écoacoustique, l'audio-naturalisme sont abordées. Sont également suggérées des mesures concrètes, tant à l'échelle de la planification urbaine que dans les gestes quotidiens des habitants. Ces mesures peuvent par exemple être une déclinaison de la trame blanche (sonore), une trame écologique visant à maintenir des zones calmes et réduire le bruit pour des paysages sonores favorables à la biodiversité et aux habitants.

En 2024, 3 animations de ce type ont été réalisées à Gennevilliers (17 avril 2024), Bayonne (24 avril 2024), Lille (17 août 2024).

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