La journée technique reproductible "Optimiser le fonctionnement des bâtiments tertiaires : pour une gestion et une occupation éco-responsables" a été organisée par le Cerema et le comité de pilotage du réseau "performance des bâtiments publics" de la région Grand Est [1].
Destinée principalement aux maîtres d’ouvrages et gestionnaires immobilier, elle a permis aux 52 participants de découvrir des retours d’expériences locales et nationales et de participer à des ateliers autour de la thématique "éco-gestion et éco-occupation des bâtiments tertiaires".
Après l’introduction de la journée par M. Jacques LE BERRE, directeur territorial Est du Cerema et par une présentation vidéo de M. Emmanuel ACCHIARDI sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction à la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (Ministère de la Transition écologique et solidaire), l’auditoire été invité à participer à une animation participative permettant de mieux cibler son profil et ses attentes.
Les participants étaient majoritairement des gestionnaires de parc immobilier ou des représentants d’une institution porteuse de la politique publique relative à la transition écologique des bâtiments. Les gestionnaires avaient en charge majoritairement des parcs immobiliers de taille importante (conseils départementaux, métropoles, etc.), dont ils déclarent connaître les principales caractéristiques.
Leur première préoccupation déclarée, dans un contexte de rigueur budgétaire, est de réduire les coûts. Viennent ensuite les enjeux d’image de marque et d’exemplarité. Globalement les personnes présentes indiquent qu’elles sont déjà dans la définition ou la mise en œuvre d’un plan d’action et souhaitaient que la journée leur apporte des éléments concrets (outils, méthode) pour mener à bien une démarche d’économies d’énergie à faible investissement.
Les retours d'expériences nationales et locales
Le Cerema a présenté en préliminaire les leviers permettant de mener la transition énergétique à moindre coût : intervention sur le pilotage et la maintenance des installations (par exemple, suivi des contrats), l’exploitation des bâtiments (par exemple actions de régulation des systèmes) et les actions avec les occupants (tels que la promotion d’écogestes ou la diffusion d’informations d’ordre technique permettant de mieux maîtriser son environnement de travail : fonctionnement des thermostats, etc.).
Mme Fabiola LESSA-VIANNA, représentante de l’IFPEB, a ensuite présenté les Concours CUBE 2020 et CUBE.S qui incitent les acteurs à lancer des actions à faible investissement dans leur bâtiment, associant en particulier les occupants, sous forme d’un défi qui leur est lancé sur une durée d’un an (CUBE2020) ou de 1 à 5 ans (CUBE.S). En témoignant de quelques clés de réussite et grands enseignements qui ressortent des premières éditions, elle a montré que les économies sont à la portée de tous et souvent significatives (en moyenne supérieure à 10% sur l’ensemble des précédentes éditions). Ces concours s’adressent à tout type de bâtiment qu’il soit performant ou non.
M. Smaïn HAMZA, a ensuite présenté la démarche engagée par le Groupe La Poste.
Le groupe La Poste a pris la décision de s’engager dans une démarche responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui lui permette également de maintenir la valeur de ses actifs immobiliers tout en réduisant sa facture énergétique : il a mis en place une stratégie immobilière ambitieuse lui permettant d’améliorer la performance énergétique de son parc. Cette stratégie s’est traduite par : un renouvellement du patrimoine, la renégociation des contrats d’énergie, la formation de la fonction immobilière, et des actions sur les usages et la gestion. La participation au concours CUBE 2020 a permis de valider la démarche.
Cette démarche a abouti en 2016 à la création de SOBRE : une coentreprise qui regroupe l’expertise de 3 acteurs pour servir la transition énergétique : Post Immo, EGIS et la Caisse des Dépôts et Consignations. Cette nouvelle structure dispose d’un ancrage territorial qui lui permet d’intervenir sur un parc immobilier aussi diffus que celui du groupe La Poste.
M. Peter SCHILKEN, représentant d’Energy Cities a présenté plusieurs campagnes européennes de sensibilisation du grand public aux économies d’énergie. Energy Cities est une association européenne des acteurs locaux (collectivités) engagés dans le domaine de la transition énergétique.
La campagne Display, menée depuis 2004 sur plus de 22 000 bâtiment à travers l’Europe, repose sur l’affichage du DPE et la sensibilisation des usagers aux consommations de fluides ainsi qu’à leur évolution dans le temps. La campagne Engage, consiste en la diffusion de posters de sensibilisation au développement durable dans une logique de mobilisation des citoyens.
M. Daniel LEFORT, maire de la commune de Champneuville dans la Meuse, accompagné de Mmes Agnès RIÈS (architecte) et Maud TELLIER de la région Grand-Est a présenté le projet de réhabilitation de la mairie et de la salle polyvalente de son village.
Ce projet, le maire explique en avoir fait un projet de territoire à l’échelle de sa commune, qui a permis de fédérer ses concitoyens.
Connaissant son patrimoine et des contraintes budgétaires, des exigences en termes de coût de fonctionnement ont été posées dès le début et ont permis l’émergence d’un projet très performant pour un coût de travaux maîtrisé.
Le maire constate que les entreprises parties prenantes de ce projet ambitieux et novateur se sont pleinement engagées dans les travaux ce qui a largement contribué au respect des délais, à la réussite du chantier et à l’atteinte des performances prévues.
Ce projet a également permis de rétablir l’usage des locaux tout en maîtrisant les consommations énergétiques et généré de nouvelles ressources pour la commune (location de la salle polyvalente).
La matinée s’est achevée par la présentation de M. Philippe JACGLIN (Pôle Fibre Energie-Vie) sur le Building Information Modelling en exploitation. Le recours aux outils numériques est un vecteur d’optimisation du fonctionnement des bâtiments tertiaires. Pour l’exploitation et la gestion, le BIM permet une meilleure connaissance du patrimoine bâti et ainsi d’anticiper l’entretien, l’exploitation et la maintenance d’un ou de plusieurs bâtiments. Cela permet de réduire généralement les coûts d’exploitation et de mettre en lien les différents services intervenant dans l’exploitation : services opérationnels et services support.
Les ateliers de la journée
Atelier 1 : Comment s’organiser pour lancer et faire vivre une démarche d’économie d’énergie ?
Les participants à cet atelier se sont attachés aux points clés permettant de pérenniser la démarche avec les usagers d’un bâtiment :
- Donner un cadre, légitimer la démarche en rappelant les objectifs de la loi pour la transition énergétique, les enjeux pour la maîtrise d’ouvrage. Fournir des exemples de démarches similaires pour montrer son efficacité.
- Montrer que la démarche est portée par la hiérarchie au plus haut niveau, faire de ce projet un projet politique cohérent avec la vision de l’organisation au-delà du simple enjeu d’économie budgétaire.
- Commencer par un état des lieux associant les usagers et valoriser le travail du gestionnaire qui se fait généralement dans l’ombre.
- Déployer une communication efficace et miser sur la convivialité en débutant la campagne par un événement fort (effet d’entrainement).
- S’appuyer sur des "ambassadeurs" volontaires, appréciés et charismatiques qui vont relayer les bons gestes auprès de l’ensemble des usagers.
- Expliquer les consommations et leur évolution, montrer que l’on connait bien le fonctionnement du bâtiment et que l’on optimise déjà sur l’aspect technique.
- Faire des points réguliers pour montrer les progrès (consommations, amélioration du confort, …).
Il est possible de s’appuyer sur un animateur externe (service civique par exemple), car il est difficile d’imposer des éco gestes à des collègues (restriction, censure…).
Atelier 2 : Comment financer les actions de réduction des consommations énergétiques ?
Mener des actions à faible temps de retour sur investissement permet d’enclencher un cercle vertueux : la réduction des consommations engendrant des gains immédiats, il est possible de réinjecter les économies dans de nouvelles actions (logique budgétaire reliant l’investissement au fonctionnement, prémisse d’une approche en coût global).
Il est important d’objectiver les besoins par des audits techniques permettant de bâtir un plan d’action entre capacité technique, capacité financière et rythme des économies pour assurer l’équilibre budgétaire interne du plan d’actions (charge financière neutre une fois l’opération amorcée).
Évaluer le coût de l’inaction : Lorsque les économies espérées ne sont pas au rendez-vous et que la facture énergétique augmente, il convient de toujours se référer à ce qu’elle aurait été sans la mise en œuvre du plan d’action.
La Caisse des Dépôts et Consignations finance 50 % du coût des audits et 50 % des actions de performance énergétique. Les économies engendrées permettent à l’acteur public de rembourser l’avance de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Les temps de retour restent variables et la performance énergétique ne finance pas la totalité des travaux (GER, mises aux normes, etc.). Il est nécessaire d’articuler ce plan d’actions à un plan de rénovation globale de long terme (offre Marchés de Partenariats de Performance Energétique - MPPE) : Les subventions de la Dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL) (500M€/5ans dans le cadre du Grand Plan d’investissement) et l’offre de prêt de la Caisse des Dépôts et Consignations (2Mds€/5ans).
Atelier 3 : Comment bien exploiter avec les outils numériques ?
Au cours de cet atelier, la technique d’animation "banque de questions" a été utilisée. Chaque participant a noté sur un bout de papier une question en lien avec la thématique. Les questions ont été regroupées puis lu aléatoirement par l’animateur. Les participants ont ensuite échangé sur chacune des questions. Trois questions ont été abordées :
- Comment initialiser le processus ?
- Comment gérer la donnée ?
- Comment se former au BIM ?
Au final, l’exploitation est une des utilisations possibles du BIM. En effet, le BIM peut être une méthode pour conduire une démarche plus globale de gestion de patrimoine. BIM ou pas, cette démarche doit être initiée pour connaître son patrimoine, définir et planifier les interventions et réduire les coûts liés à l’exploitation.
Les participants ont donc bien perçu l’intérêt du BIM en exploitation, et plus globalement en gestion de patrimoine, mais se posent beaucoup de questions quant à sa mise en place opérationnelle.
Plusieurs réflexions doivent être menées en amont, afin de structurer la mise en place du processus : que ce soit en termes de formation du personnel, d’organisation et de gestion de la donnée.
Atelier 4 : Quelles actions concrètes peuvent être mises en place ?
Les réflexions de l’atelier se sont organisés autour de deux axes : la méthode et les outils.
Pour ce qui est des éléments de méthode, les participants ont pointé les éléments suivants :
- La stratégie énergétique de la structure doit être portée à l’échelon politique : la commande légitime la démarche.
- Elle repose sur des moyens humains, par exemple : référent énergie, équipe dédiée ou AMO.
- Il est nécessaire d’avoir une connaissance suffisante de l’état énergétique de son bâtiment (audit énergie et utilisation, suivi des consommations, occupation) et de son évolution : les données peuvent être obtenues par un système simple (relève, etc.) et doivent être partagées (les indicateurs de suivi sont des outils de sensibilisation tant pour la direction que pour les usagers). Le diagnostic doit permettre de hiérarchiser le parc et de proposer un plan d’actions cohérent qui donne du sens à la démarche et qui suscite l’adhésion des parties prenantes.
- La mise en réseau des maitres d’ouvrages impliqués dans ces démarches est un facteur de réussite (groupement de commandes, partage d’expériences, etc.).
Les actions ont été classées en deux catégories : celles liées à l’utilisation et celles liées au cadre bâti.
Utilisation :
- Une communication adaptée : comme par exemple : dressing code hiver, un écogeste du mois, mise a disposition de notice, affichage des consommations et des performances.
- Réorganisation des services, intensification des usages.
Gestion du bâti :
- Motiver les prestataires par des contrats d’intéressement (type CPE) ou au moins leur donner des objectifs de résultat.
- Identifier des tiers ressources qui sont sensibles à l’optimisation des systèmes (ce qui n’est pas toujours le cas des entreprises qui assurent la maintenance qui ont d’autres enjeux).
- Comparer ce qui est comparable (une passoire que l’on a renoncé à chauffer <> bâtiment réhabilité).
en Conclusion
M. Michel HUEBER de la DREAL Grand Est a conclu cette journée. Il a rappelé l’intérêt d’anticiper sur le domaine de la performance énergétiques des bâtiments pour être prêts à répondre aux objectifs de réduction fixés par le législateur (-60% de consommation énergétique en 2050).
L’inaction n’étant plus possible, les maitres d’ouvrages doivent se mettre en mouvement. Une obligation fixée par la loi ne suffit pas à faire bouger les choses, les techniciens doivent également être ambassadeurs de cette démarche et apporter les bons éléments d’appréciation et de méthode à leurs décideurs.
Le concours CUBE2020 est un bon moyen de se lancer dans la démarche. Travailler sur la connaissance du parc pour définir une stratégie immobilière cohérente est une démarche rentable à court et moyen terme que ce soit avec des outils tels que le BIM ou non.
Le réseau performance des bâtiments publics piloté par la DREAL permet de travailler ensemble sur ces thématiques et d’échanger des bonnes pratiques (une plateforme informatique avec des ressources xx sera bientôt disponible pour l’ensemble des membres du réseau). Le réseau bénéficie de l’appui technique du Cerema qui met à disposition ses moyens humains et également ses ressources documentaire (guides, méthodes, etc. )
[1] Le réseau "performance des bâtiments publics" de la région Grand Est regroupe la DREAL Grand Est, la Région Grand Est et l’ADEME associés dans le cadre du programme Climaxion, la Caisse des Dépôts et Consignations, le Pôle Fibre-énergivie, Envirobat Grand-Est Arcad LQE et des représentants des collectivités territoriales et maîtres d’ouvrages publics.