Pour faciliter leur reconversion, les partenaires du réseau Teddif ont organisé le 29 mars, en visio, un Atelier "Reconquête des friches urbaines, quels accompagnements pour les collectivités ?" destiné à partager éléments de méthodes, outils, pistes d’action et de financements.
Les friches urbaines sont des terrains qui connaissent une rupture d’activité dans un environnement urbain constitué. Le contexte de rareté foncière et de pression immobilière particulièrement tenduu en Ile-de-France impose une réflexion sur le devenir de ces espaces dans le cadre de la mise en œuvre du Zéro Artificialisation Nette (ZAN).
Reconvertir une friche urbainE potentiellement polluée répond à de nombreux enjeux et objectifs de l’aménagement durable du territoire urbain
La reconversion permet de limiter la destruction et le mitage des espaces naturels et agricoles, de redynamiser le centre urbain, de favoriser les retombées économiques locales, de développer des circuits courts, de prendre en compte les impacts de la pollution sur la santé et les écosystèmes…
Quelques éléments de définition
La loi Climat et Résilience avec ses objectifs de diminution par deux du rythme d’artificialisation des sols pour 2030 et l’objectif de zéro artificialisation nette d’ici 2050 met en exergue ce sujet. Pour atteindre ces objectifs, la reconquête des friches apparaît comme un levier puissant qui explique l’intérêt ressenti chez les collectivités de l’aborder.
Une friche constitue "tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables" selon l'article L111-26 de la Loi Climat et résilience
L’idée globale de la reconquête d’une friche est de valoriser des espaces qui aujourd’hui ont perdu leur usage, sont sous exploités ou laissés à l’abandon, la loi Climat et résilience insistant sur le principe d’aménagement ou de travaux préalables au réemploi de ces zones.
Les friches en Île-de-France
Comme l’a rappelé D. Delaville de l’Institut Paris Région en charge de l’observatoire des friches, ces friches peuvent être des objets très hétérogènes, que ce soit par leur taille, leur localisation, leur fonction, les milieux qu’elles abritent, ou encore leur statut de propriété. Il peut y avoir aussi des difficultés à trouver un consensus pour qualifier un site en friche ou non selon la sensibilité des acteurs interrogés, leur rapport au territoire et au site.
Au total, 2 700 friches ont été recensées (4200 hectares). Parmi elles, 1 058 concernent des espaces ouverts, 885 de l’habitat, 511 de l’activité économique, 134 des activités de loisirs, 93 des équipements, 65 des carrières, 61 de l’agriculture.
Plusieurs types d’accompagnements, techniques et financiers, permettent de guider les collectivités dans leurs projets
Les accompagnements financiers disponibles ont été présentés par les principaux acteurs institutionnels franciliens : DRIEAT, Région IDF, Ademe, qui en ont montré les spécificités et les complémentarités.
Quelques chiffres à retenir en matière de financement :
- Sur les deux premières sessions de l’appel à projet de l'Etat « Recyclage foncier des friches en Île-de-France » : 85 lauréats, 108 millions d’euros et près de 570 hectares de friches traitées.
- Sur les quatre premières sessions de l’appel à manifestation d’intérêt du Plan Régional pour « Reconquérir les friches franciliennes » de la région : 104 lauréats, 39,9 millions d’euros de subvention et 1300 hectares de friches traitées.
- Sur les deux premières sessions de l’appel à projet « Fond Friches » de l’Ademe : 6 aides aux travaux pour 9 M€, 8 aides aux études pour 338 000€et 2 dossiers en liste complémentaire
Stratégie d’intervention du Cerema
Priscille Genesco, du Cerema, a ensuite présenté la stratégie d’intervention en matière de sobriété foncière de l'établissement et son accompagnement auprès des territoires qui vise à fonder le projet de territoire comme la rencontre entre des besoins (en matière d’habitat, d’activités, de commerces, services, infrastructures diverses, etc.), la protection de l’environnement et des écosystèmes et le maintien d’une certaine qualité du cadre de vie.
Cela implique en priorité de préserver les ressources naturelles et d’agir majoritairement en renouvellement urbain par la reconquête des friches qui en est l’un des leviers.
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A titre d'illustration, la méthodologie de travail mise en place dans le cadre de l’AMI ZAN avec la Ville de Ris Orangis a été présentée.
L’accompagnement du Cerema se fonde sur un diagnostic territorial innovant qui croise l’analyse urbaine avec l’analyse de la qualité potentielle des sols vue à travers leur multifonctionnalité et une analyse urbaine et environnementale du territoire. Ce diagnostic territorial sera accompagné d’un diagnostic agro-pédologique réalisé par un bureau d’étude.
L’objectif, à terme, est de pouvoir définir 3 types de zones dont les sols présentent des fonctionnalités importantes au regard des enjeux du territoire, des zones plus propices à l’aménagement et des zones à potentiel de renaturation.
Au-delà de ces approches transversales pour définir une stratégie de sobriété foncière, les outils et méthodes développés par le Cerema ont également été présentés :
- données foncières et immobilières pour mieux caractériser les enjeux locaux (https://datafoncier.cerema.fr/),
- observatoire de l’artificialisation pour évaluer la consommation d’espaces (https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr),
- Urbansimul pour mieux connaître le foncier et faciliter l’élaboration de stratégies opérationnelles, le site et outil de l’aménagement pour mieux passer en phase opérationnelle (https://outil2amenagement.cerema.fr/),
- Cartofriches pour inventorier les friches et les fonciers en renouvellement urbain (https://cartofriches.cerema.fr/),
- UrbanVitaliz pour faciliter la reconversion de foncier complexe (https:///www.urbanvitaliz.fr).
Trois projets de collectivités franciliennes à l'honneur
Le projet du Pont des Gains de la Ville de Breuillet (Essonne) :
Ce projet, situé en entrée de ville d’une commune lauréate du dispositif Petites Villes de Demain, répond aux obligations réglementaires de construction de logements (300 logements dont 30% de logements sociaux) inscrit dans le SCOT et le PLH.
Pour bénéficier des financements des partenaires, la collectivité a dû retravailler le périmètre de son opération qui se concentre désormais uniquement sur la friche et ne consomme pas de terrains agricoles, naturels et boisés situés aux abords.
Ce projet, en mobilisant une ingénierie forte et en coordonnant les différents acteurs, parvient à composer avec les contraintes du site (topographie, risques de ruissellement, pollution).
L’accent est mis néanmoins sur le coût de cette opération en recyclage foncier, et le déficit restant à charge pour la collectivité qui ne peut pas être comblé par de la densification à outrance.
Le Val d'Ezanville de la Communauté d'Agglomération de Plaine Vallée (Val d'Oise) :
Ce projet vertueux du point de vue de la sobriété foncière a été ramené à 15,5 ha alors qu'il était prévu initialement sur 21 ha avec une partie sur des terres agricoles.
Un débat politique soutenu et complexe a permis de relancer le projet de reconversion de la friche. Il reposait sur quatre points majeurs : le périmètre opérationnel, le devenir des bâtiments existants, l’accessibilité sur site et la programmation qui a abouti en particulier à exclure toute programmation d’habitat.
Plusieurs aspects notables sont donc à retenir de ce projet : un projet de reconversion d’une zone commerciale monothématique en une zone à vocation économique diversifiée, un projet combinant là encore un certain nombre de contraintes du site (pollutions notamment) en préservant autant que faire se peut du patrimoine bâti, une concertation poussée avec les riverains et associations.
Le Laboratoire Eclair de la Ville d'Epinay-sur-Seine (seine Saint Denis) :
Ce projet combine développement économique (développement de filières, artisanat), social et culturel en lien avec l'histoire et l'identité du site. C'est un projet d'urbanisme transitoire qui prévoit une activation progressive du site et une réflexion poussée sur le maintien possible des bâtiments et leur requalification. Le projet vise à remettre en valeur le site dans son environnement naturel plus large (trame écologique) et prévoit un traitement sur site des questions de pollution.
Ces trois témoignages montrent qu’il est possible et nécessaire d’agir en recyclage foncier mais que plusieurs conditions sont à réunir
- Se doter d’une ingénierie forte
- S’inscrire dans une démarche partenariale
- Disposer d’aides financières à pérenniser dans la durée
sans quoi cela requestionne la soutenabilité financière et politique des projets.
Retrouvez tous les supports des intervenants, le compte-rendu complet ainsi que le replay sur le site du réseau Teddif.