Cet article fait partie du dossier : Milieux humides et aménagement urbain : dix expériences innovantes
Voir les 6 actualités liées à ce dossierCet article est le troisième extrait du guide "Milieux humides et aménagement urbain : dix expériences innovantes", publié par le Cerema. Dans cette 3e partie, l'objectif est de mettre en avant des démarches de préservation et de restauration de zones humides menées dans l'objectif d'agir sur la régulation des débits, le ruissellement, le risque d'inondations...
Le rôle tampon d'une zone littorale humide restaurée dans les Landes
La commune de Tarnos dans les Landes, située en bordure d'océan, a un système hydrologique complexe touché par les inondations et marqué par une forte pression foncière. Une zone humide a été restaurée afin de favoriser son rôle de zone tampon.
Une prise de conscience suite à une série d'inondations
Le territoire de Tarnos est composé d'une mixité d'espaces naturels (dunes, marais, zones humides...) qui couvrent 70% de la superficie, et urbanisés. Les milieux humides se trouvent principalement le long du ruisseau de l'Aygas qui traverse la commune.
Ce milieu naturel joue un rôle essentiel dans la gestion des eaux pluviales en collectant 80% des eaux de ruissellement des zones urbanisées. L'eau se déverse en partie dans les marais autour de l'Aygas qui jouent aussi un rôle de zone d'expansion des crues.
Ces milieux humides sont un réservoir de biodiversité. L'Aygas et les espaces naturels préservés autour sont un corridor écologique et la zone humide du Métro, située à l'exutoire du ruisseau près du littoral est en zone Natura 2006. Le milieu est une halte migratoire, de bonne qualité écologique et recèle des habitats d'intérêt communautaire.
Ces espaces sont cependant fragiles. L'urbanisation a entraîné une augmentation du volume d'eau de ruissellement allant vers les marais, qui a accumulé la pollution urbaine. Des espèces envahissantes menacent également l'écosystème.
Suite à des inondations importantes et récurrentes survenues depuis les années 2000 en raison de la saturation des réseaux d'assainissement et du débordement des cours d'eau dans un contexte d'urbanisation sur des zones marécageuses, la collectivité a entamé des démarches de préservation des zones humides.
La commune s'est engagée dans un plan de gestion de la zone humide du Métro et un contrat de rivières pour l'Aygas était lancé en 2002. L'objectif de la démarche était double:
- Protéger les biens et les personnes situés à proximité des milieux humides en préservant les zones tampon pour l'étalement des crues. la maîtrise foncière a été menée à travers PLU et le PPRI.
- Maintenir et valoriser le rôle de réservoir de biodiversité des milieux humides, via une gestion alternative des eaux pluviales et la protection de leur qualité écologique.
Pour les différents volets, la commune a mis en place un comité de pilotage qui est porteur des projets et réunit la communauté de communes, le syndicat de rivières, le syndicat intercommunal de l'Aygas, des syndicats d'assainissement, des propriétaires gestionnaires, des services de l'Etat, l'Agence de l'eau, le conseil général, la Région et la préfecture. D'autres partenaires peuvent être associés ainsi que les riverains.
Une stratégie territoriale pour restaurer les zones tampons
Le PLU est entré en vigueur en 2005, et marque une attention particulière pour la préservation des espaces naturels. 70% du territoire est inconstructible, notamment autour du cours d'eau pour préserver les espaces de divagation qui sont en zonage Ni.
Etabli en 2009, le Plan de prévention du risque inondation (PPRI) a mis l'accent sur le rôle naturel du lit majeur de l'Aygas et des milieux humides associés, et a permis d'affiner le zonage grâce à la modélisation des crues. L'ensemble des milieux humides a été classé en zone rouge.
Une politique d'acquisition foncière a complété les actions permettant de maintenir les milieux humides.
Par ailleurs une réflexion sur la gestion des eaux pluviales a amené à mettre en place un zonage d'assainissement pluvial pour gérer les eaux pluviales au plus près du cycle naturel. Un diagnostic hydraulique a mis en évidence la dégradation de la qualité des eaux de l'Aygas et des enjeux autour des niveaux d'eau dans la zone humide du Métro.
Des actions ont été entreprises afin de réduire l'imperméabilisation des sols pour favoriser l'infiltration des eaux pluviales à la parcelle, en particulier à proximité des espaces naturels.
Les fonctions hydrauliques de l'Aygas ont été restaurée, notamment en connectant les milieux humides au ruisseau, en désencombrant le lit majeur ou en entretenant et en développant la végétation des berges.
La commune a également sensibilisé les habitants aux enjeux concernant les milieux humides et le risque d'inondations. La zone humide du Métro est ouverte au public et regroupe différents usages: promenade à pied ou à vélo, chasse, vélo, observation des oiseaux...
Gérer les eaux pluviales en restaurant un milieu humide
La zone humide sur le territoire de Montbéliard a été restaurée de manière à développer le rôle tampon, dans un système hydrographique complexe.
Problématiques à l'origine d'une stratégie de gestion des eaux pluviales
Situé au carrefour des Vosges et du Jura, le territoire de Montbéliard est à la confluence de 7 rivières avec de nombreux canaux, plans d'eau, zones humides, et comprend 40% d'espaces forestiers.
Des réseaux de collecte des eaux pluviales ont été créés lors de forte urbanisation des années 60, au détriment des zones humides qui ont été déconnectées de leurs bassins-versants et se sont asséchés. Deux conséquences principales ont été observées:
- Une dégradation de la qualité physico-chimique et morphologique des cours d'eau du bassin-versant de la Lizaine,
- L'imperméabilisation des surfaces et le choix du tout-tuyaux a mené à la saturation des réseaux et à l'augmentation du risque inondation.
Des inondations dans les années 90 ont eu un fort impact sur la vie économique du territoire et ont conduit à redéfinir la gestion des eaux pluviales au niveau de la communauté d'agglomération.
A partir de 1995, une politique d'incitation à la gestion des eaux pluviales a été mise en place, reposant sur 3 piliers:
- Limiter l'imperméabilisation,
- Privilégier l'infiltration de l'eau pluviale,
- Stocker l'eau avant de la rejeter à débit régulé.
Dans les années 2000, le projet de ZAC dans la plaine de la zone humide des Jonchets qui a été largement asséchée, a été l'occasion de rendre sa fonction de milieu humide au site. Une gestion alternative des eaux pluviales a été mise en place, et le milieu humide a été réhabilité tout en étant accessible aux riverains.
La maîtrise d'ouvrage a été assurée par le pays de Montbéliard et de nombreux acteurs locaux et nationaux ont été impliqués.
Un projet à deux échelles: le bassin-versant et le milieu humide
Le rétablissement du milieu humide a reposé sur la réalimentation en eau de la plaine des Jonchets qui jouxte la ZAC. L'aménagement du site a visé à protéger le coeur de la zone humide du contexte urbain.
La réhabilitation des fonctions hydrauliques résulte d'une part de l'interception des sources et des réseaux pluviaux en amont de la zone, et d'autre part sur la rétention de l'eau par les techniques alternatives.
En matière d'aménagement:
- Les nouvelles opérations d'urbanisme ne peuvent pas aggraver le déficit d'eau sur le milieu humide.
- Des chaussées poreuses permettent l'infiltration de l'eau en retenant la pollution chronique sur place.
- Des noues régulent et temporisent le débit d'eaux pluviales et filtrent la pollution.
L'ensemble des eaux pluviales est recueilli sur le périmètre de la ZAC et restitué au milieu humide de manière progressive en 48 à 72h.
Le coeur du milieu humide réhabilité permet de stocker 17.000 mètres cubes d'eaux pluviales, ce qui correspond à une pluie d'occurrence décennale. La route est utilisée comme digue en cas de très fortes pluies, jusqu'à une surverse qui permet d'évacuer l'eau.
Un bassin de rétention des pollutions accidentelles de la zone artisanale a été aménagé sous le forme d'une mare.
Le parc des Jonchets qui recouvre la zone humide est accessible par les modes actifs uniquement et est conçu pour permettre la visite, tout en faisant passer inaperçu le rôle de stockage et d'épuration du site. Il propose différentes ambiances, notamment des lieux de découverte et de nature avec un parcours dialectique, un jardin expérimental, ou encore un verger conservatoire.
Le site est géré de manière différenciée et végétalisé par des espèces locales.
Des bassins paysagers de gestion des crues à Dol-de-Bretagne
La commune de Dol-de-Bretagne, située dans une zone de marais et sujette à des inondations régulières, en entrepris de mettre en valeur le Guyoult, une fleuve côtier qui la traverse. Celui-ci était totalement endigué et des travaux ont permis d'aménager des espaces de divagation accessibles aux riverains.
Un aménagement destiné à réduire le risque inondation
La ville de Dol-de-Bretagne se trouve dans la baie du Mont-Saint-Michel, entre bocage et littoral, et domine un marais de 120 km². Elle est traversée par le Guyoult dont les méandres bordent la partie sud de la ville.
Le Guyoult a été endigué dès le XIIIe siècle pour évacuer plus rapidement les eaux vers la mer.
Au milieu des années 90 une section du fleuve a été canalisée dans les quartiers bas du centre ville et des espaces de loisirs ont été aménagés. En parallèle une réflexion sur la gestion des épisodes pluvieux exceptionnels puis sur la gestion des crues s'est engagée.
Une étude hydraulique réalisée en 2002 à l'initiative du syndicat du Guyoult a préconisé de créer deux réservoirs d'expansion des crues, avec 80.000 mètres cubes et 300.000 mètres cubes de capacité de stockage.
Le bassin au sud ouest de la commune de Dol a été aménagé sur un espace de prairies de 18 hectares asséché et coupé du fleuve par des digues. La réflexion a été menée par la commune avec l'appui des services de l'Etat, ce qui a permis d'inscrire le projet dans le processus de protection des milieux humides.
L'objectif premier de l'aménagement de la vallée du Guyoult était de réduire le risque d'inondation en écrétant les crues de fréquence rare par la création d'espaces de divagation. Deux autres objectifs se sont ajoutés:
- favoriser l'installation de niches écologiques en créant une mosaïque de milieux
- ouvrir le site au public en proposant des cheminements de découvertes variés et des points d'observation.
Les premières acquisitions foncières ont été menées dans les années 90, mais il a été nécessaire de recourir à l'expropriation de terrains non-constructibles. Le PLU révisé en 2004 a classé le site en zone NPb (espace naturel à protéger).
Le projet a été réalisé en synergie entre les acteurs, et a été conçu, pour les aspects paysagers par l'Atelier du Marais, et pour les aspects hydrauliques par le bureau d'études SAFEGE. Deux réservoirs de 20 et 60.000 mètres cubes ont été créés en 2008.
Le réservoir principal se remplit automatiquement par une vanne à clapet asservie au débit du Guyoult. Lors d'importantes crues d'occurrence cinquantenale le second bassin se remplit, puis l'eau est progressivement évacuée vers le Guyoult dès que son débit est inférieur au seuil de 17,5 mètres cubes par seconde.
Des milieux différents sur un même site
Différents milieux ont été recrées sur le site :
- Marais, où de l'eau stagne en permanence, et qui constitue le réservoir principal
- Mares permanentes sur l'ancien lit du Guyoult, à l'autre bout du site, le long du cours d'eau. Elles sont reliées au fleuve pour renouveler et oxygéner l'eau. Lorsque les eaux sont hautes tout le secteur est inondé.
- Espaces de divagation le long du fleuve,
- Prairie où il y a de l'écopâturage qui contribue à la gestion différenciée du site..
- Frayère à brochets, une espèce en voie de disparition.
- Un grand pré proche des habitations, permettant la détente et des activités.
Le site est entretenu par une gestion différenciée, et il y a une dimension sociale avec la participation de travailleurs handicapés.
Le Guyoult, redevenu visible des habitants, a retrouvé l'activité qu'il accueillait auparavant.
Huit portes d'entrée vers le site ont été aménagées, et relient le site à la ville. Un réseau de voies douces permet un cheminement sur 5 km, des ponts et pontons de s'approcher de l'eau.
Les riverains et habitants, notamment les écoliers, sont sensibilisés à la protection des milieux humides et à leur fonctionnement, ainsi qu'à la biodiversité présente sur le site et au mode d'entretien. Des animations sont régulièrement organisées pour le grand public, autour des actions menées sur le site ou de la découverte de la biodiversité.
Sept moutons d'Ouessant et sept chèvres assurent l'entretien d'une partie d'une partie des espaces verts, aucun produit phytosanitaire n'est utilisé, et seules deux fauches tardives sont nécessaires.
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