Le 17 janvier 2019, le Cerema a organisé une journée technique sous l’égide de la Cotita, sur le thème « des outils pour la GEMAPI » à Aix-en-Provence. Cette journée a permis de partager des exemples d’outils utiles à la mise en oeuvre de la compétence : diagnostic territorial, aide à la décision, guides méthodologiques…
Une nouvelle compétence dévolue au bloc communal depuis 2018, amène à repenser l’organisation du territoire autour d’enjeux forts liés à l’eau.
Préserver le patrimoine naturel, prévenir le risque d’inondation et de submersion…Comment identifier et gérer les multiples enjeux d’un territoire ?
La journée technique du 17 janvier a été ouverte par Karine Brulé de la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN), et par Renaud Balaguer du Cerema Méditerranée.
Anne Laure Moreau du Centre Européen de prévention de Risque d'Inondation (CEPRI) a proposé en introduction une réflexion sur l'intégration de l’eau dans les politiques d’aménagement pour prévenir les risques d’inondation. Ont été présentés des exemples concrets d’aménagements urbains à Périgueux (24), Romorantin (41), ainsi qu’aux Pays-Bas.
Diagnostic territorial
Outils cartographiques
Frédéric Pons du Cerema Méditerranée a proposé des exemples d’outils développés par le Cerema et accessibles sur Internet, fondés sur des traitement de données LIDAR IGN, dans l’objectif de faire ressortir des éléments de topographie caractéristiques : détection de remblais, de cuvettes, de thalwegs… Ces méthodes à grand rendement nécessitent tout de même une expertise ou un contrôle terrain pour vérifier la donnée.
Courbures : L’analyse des courbures du terrain permet de détecter les ruptures de pente et de faire ressortir des obstacles aux écoulements, cordons dunaires….
Détection de remblais : La méthode consiste à détecter des points hauts et une hauteur de proéminence de part et d’autre de chaque point, de façon à faire ne faire ressortir que les formes de remblais.
Détection de cuvettes : Permet notamment d’identifier les zones karstiques, les zones potentiellement protégées en zone littorale (submersion marine)…
Exzeco : Pour détecter les thalwegs secs et les zones sensibles au ruissellement (surface drainée). Cette méthode a été utilisée pour compléter les zones inondables connues pour l’EPRI lors de la mise en œuvre de la Directive Inondation.
Cartino : Utilisation du MNT pour lancer des modélisations hydrauliques (1D) en semi-automatique avec une grande densité de profils en travers
Base de données ouvrages et outils de terrain
François Thevand de la DDT04 a présenté un projet de compilation de données existantes sur les tous les ouvrages hydrauliques, via un outil de partage et de mise à jour de données. Cette base de données est départementale, et a été mise au point en différentes étapes, sous QGIS :
- Structuration des données attributaires (groupe de travail DDT 04 et 05, RTM, SMAB)
- Alimentation de la base de données (Etat, collectivités)
Les ouvrages recensés sont les digues, protections de berges, épis, protections de routes, protections de culées de pont.
Cette base de données est alimentée :
- par des informations des syndicats de gestion lorsqu’ils existent.
- grâce à un repérage à partir d’orthophotos sur les zones dépourvues de syndicats de gestion
- suite à l’exploitation d’archives papier (inventaires anciens, …)
- par l’intégration de données du RTM (en cours)
Cette base de données sera partagée avec les collectivités et les différents services (Ex : RTM). La question technique du partage de ces données sur internet est en cours d’étude.
Etude hydraulique et hydromorphologique du bassin versant du Gapeau
Vincent GERMANO du Syndicat mixte du bassin versant du Gapeau a présenté une démarche en cours sur le bassin du Gapeau. Le (SMBVG) porte à la fois un Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et un Programme d’action pour la prévention des inondations (PAPI.)
Les sujets d’actualité sont la labellisation « Etablissement public territorial de bassin » (EPTB) et la prise de compétence Gemapi.
Etude hydraulique et hydromorphologique du bassin versant :
Cette étude est réalisée dans le cadre du PAPI d’intention. A été mis en place un groupement de commande avec la DDTM, qui doit élaborer 8 PPRI sur le BV.
Les études terminées sont les études hydrauliques et hydromorphologiques (espaces de bon fonctionnement), y compris l’analyse des dysfonctionnements et des enjeux.
La stratégie de « travaux » est en cours d’élaboration, en 5 axes :
- Concilier réduction aléas/restauration morphologique
- Protection des enjeux exposés (sans solution alternative)
- Mieux gérer les écoulements (seuils, barrages, …)
- Agir sur les têtes de bassin versant (ralentissement dynamique, ...)
- Agir sur les enjeux : réduction de vulnérabilité
D’autres mesures sont prévues « hors travaux » dans le cadre du PAPI.
Aide à la décision
Prioriser les actions de préservation et de restauration des zones humides
Joris Biaunier du Cerema Centre Est a présenté un outil développé pour le syndicat de bassin versant de la Bourbre, à l’est de Lyon. Il est basé sur la méthode nationale d’évaluation des fonctions des zones humides (fonction « ralentissement des ruissellements »), grâce à l’automatisation de traitements SIG. Sont notamment utilisées des données LIDAR (laser aéroporté qui permet d’obtenir un relevé précis de terrain sur une grande surface).
Il s’agit de calculer des indicateurs :
- de site : Pente, rareté des fossés, rugosité du couvert végétal,
- relatifs au cours d’eau voisin : sinuosité, distance au cours d’eau, incision du lit mineut (hauteur des berges)
Une « équation », à créer de toutes pièces, et partagée avec les collectivités afin d’éviter l’effet boîte noire lors du mélange entre les indicateurs, permet d’aboutir à une note globale sur un quadrillage du terrain, de « bon état morphologique de la zone humide ».
L’objectif à terme est de mélanger cet indicateur qui consiste notamment à évaluer le ralentissement des ruissellements, et une qualification des zones humides du point vue biologique et biogéochimique, afin de pouvoir déterminer la vocation à venir des zones humides (celles en meilleur état à préserver à tout prix, celles en moins bon état où une restauration pourrait être plus complexe...)
Outil d’aide à la décision intégrant des indicateurs environnementaux et morphologiques sur le Buëch
Sur le bassin versant du Buëch, la problématique est celle de la gestion d’endiguements construits à l’époque napoléonienne pour gagner de la terre agricole sur le lit majeur, globalement fortement dégradés.
La question était : Comment aider les élus à prendre une décision ? Sachant que la question du « qui prend la décision » n’est pas encore définie, le transfert de la compétence Gemapi au syndicat n’est pas actée.
Exemple sur un cas pratique : La traversée du village de la Faurie. La végétalisation et dégradation d’une digue construite au départ pour créer des terres agricoles dans le lit majeur du Buëch, provoque un problème d’incision du lit mineur, qui déstabilise les berges du cours d’eau. Plusieurs scénarios d’aménagements ont été élaborés :
- Reconstitution des digues (sans végétation)
- Arasement des digues
- Élargissement du lit via la création de banquettes
- Élargissement du lit (sans banquettes)
Les analyses mettent en avant certains scénarios en fonction du critère : protection contre les inondations, protection des sols, environnement, coût,…. Comment mélanger ces critères pour comparer les scénarios ?
Le partenariat avec l’Irstea a consisté en la réalisation d’une analyse multicritères hiérarchique (« AHP »), et a permis de concevoir des indicateurs environnementaux et morphologiques pour compléter cette analyse.
Analyse multicritères hiérarchique :
L’AHP, par une comparaison de critères 2 à 2, permet de combiner ces différents critères et indicateurs afin d’obtenir une note pour chaque projet. Cela passe par un « arbre hiérarchique ». En pratique, il s’agit d’affecter des préférences (en questionnant les élus) entre les différents critères (ex : est-il plus important de « protéger l’environnement » ou « protéger les constructions »?), en fonction de ces réponses, la méthode permet d’obtenir une note pour chaque projet.
Indicateur de qualité hydrogéomorphologique du cours d’eau :
L’Irstea s’est basé sur le « MQI » (index de qualité morphologique), adapté aux rivières en tresses. Il s’agit d’une note basée sur différentes informations permettant d’obtenir une note de bon état morphologique sur chaque tronçon de rivière, qui peut être réalisée par un technicien de rivière (ex : mesure de la largeur en eau et de la largeur du lit mineur, ...)
Indicateurs environnementaux :
Ces indicateurs permettent d’obtenir des tendances, pas une note absolue des effets. On détermine les effets de l’aménagement sur le milieu (lors des travaux, et à différentes échéances), ce qui permet d’arriver à des effets sur les espèces clés du milieu. Ces indicateurs sont ensuite agrégés sous la forme d’un critère unique (« impact négatif », « impact positif », ...)
Outil d’aide la décision - Travail expérimental SMIGIBA - IRSTEA
Protection contre les inondations et mise en valeur des atouts environnementaux : le défi du Buëch
Accompagnement des territoires
La FNCCR (fédération nationale des collectivités concédantes et régies)
Laure Semblat a présenté des outils et méthodologies mises en place par la FNCCR à destination des collectivités.
4 outils développés pour répondre aux questions des adhérents :
- interface avec les riverains : une étude a été réalisée qui aborde les questions de DIG, de superposition d’affectations, et propose des déclinaisons d’actions possibles en fonction des catégories de propriétaires, en domaine privé notamment.
- digues propriétés de l’État : cette étude aborde les éléments nécessaires pour un EPCI qui souhaiterait mettre en place une convention avec l’Etat dans l’objectif d’exploiter à terme des ouvrages.
- question des autorisations « IOTA 3260 » : publication prochaine avec France Digues, sous forme d’une note pour donner des outils pour tout ce qui n’est pas ouvrage classé ainsi que sur la gestion de la période transitoire, notamment sur les responsabilités de chacun.
- gestion des eaux pluviales : publication à venir, comprenant un retour sur des expériences de terrain.
L’AFEPTB (association française des établissements publics territoriaux de bassin)
Catherine Gremillet est ensuite venue présenter l’AFEPTB. Cette association permet la mise en réseau de nombreux membres, l’organisation de colloques (« l’eau c’est politique » en octobre 2018 à Mallemort).
En 2018 ont été menés des ateliers territoriaux traitant de problématiques rencontrées par les collectivités (REX inondations, rôle des EPTB/EPAGE, interface avec les riverains…).
Elle fait partie de l’initiative IPANCT - Initiative partenariale d’associations nationales de collectivités territoriales pour une gestion équilibrée, durable et intégrée de l’eau par Bassin Versant.
Le RRGMA (réseau régional des gestionnaires de milieux aquatiques)
Nicolas Metsu de l’ARPE PACA / RRGMA est ensuite venu faire un retour sur les rencontres régionales de la GEMAPI qui ont eu lieu en décembre 2018 à Puyloubier (13).
Elles se sont déroulées en 2 temps :
- 1er temps : partager quelques questions autour d’une table ronde, dont les principaux résultats ont été compilés par le RRGMA.
- 2e temps : le « salon de la Gemapi » : les participants été invités à venir échanger directement avec des porteurs de démarches GEMAPI de la région PACA.
Une douzaine de fiches de retours d’expériences ont été éditées.
Accompagnement méthodologique
Les actions de l’Agence de l’Eau
Vincent MAYEN de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée est venu présenter les actions de l’Agence.
Le 11e programme 2019 – 2024 a démarré et l’accent est mis sur la restauration des milieux aquatiques.
Différentes actions de l’Agence de l’Eau à destination des collectivités, porteurs de projets sont présentés :
- Un appel à projets est en cours sur les trames turquoises, qui allient trames vertes et bleues
- concepts de « l’espace de bon fonctionnement » des cours d’eau : un guide méthodologique très suivi. L’agence propose également un accompagnement sur la rédaction des cahiers des charges pour réaliser la démarche.
- Sortira bientôt une aide à l’élaboration de stratégies foncières
- Questions autour de l’urbanisme et de l’eau
Les livrables des partenariats GEMAPI Cerema-Irstea et collectivités
La dernière présentation, assurée par Sophie Bougard du Cerema Eau Mer et Fleuves, a permis de détailler les livrables qui seront proposés à l’issue de l’appel à partenaires GEMAPI en cours.
Les résultats seront valorisés sous forme de :
- Retours d’expérience
- Outil d’aide à la décision conciliant enjeux milieux aquatiques et prévention des inondations
- Plaquette d’aide à l’organisation de la compétence
- Méthodologie de caractérisation des systèmes d’endiguement
- Outil SIG d’automatisation des calculs d’indicateurs sur les zones humides
- Jeu de rôle autour de la compétence GEMAPI
CONCLUSION
Karine Brulé de la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature synthétise les riches échanges de la journée et propose un acrostiche de la GEMAPI :
G comme gouvernance
E comme élus, Etat, expert : c’est un tryptique indissociable
M comme malentendu : sur la Gemapi, il est important de le surpasser
A comme recherche d’une assurance pour l’action
P comme possible, paradigme
I comme innover : travailler avec l’eau et pas contre l’eau, inventer de nouveaux outils, innover dans les solidarités territoriales et le prise en compte du changement climatique
T comme tiraillements
C comme complexité, compétence, courage