Depuis avril 2019, l’autorisation préalable aux travaux de division concerne les propriétaires bailleurs mettant des biens en location dans tout ou partie de 22 communes de la MEL (l’obligation s’est ensuite étendue à d’autres territoires). Ce dispositif juridique, rendu possible pour les collectivités territoriales grâce à l’article 91 de la Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), a pour objectif de prévenir la mise sur le marché locatif de biens indignes.
Un besoin d’observation des phénomènes de division de logements élargi à l'ensemble des restructurations
La Métropole constate que le nombre de dossiers relatifs au permis de diviser demeure faible et suppose que des pratiques de divisions se font sans passer par cette procédure, intentionnellement ou par manque d’information.
En vue d’objectiver ces hypothèses mais aussi d’affiner la connaissance du phénomène (secteurs concernés, profil des propriétaires et des logements, dynamique…), la Métropole Européenne de Lille a confié au Cerema une mission de création d’un observatoire de la division de logements.
Il est très vite apparu que la méthode d’observation aurait à distinguer les divisions de logements parmi les diverses restructurations qui affectent le parc de logements (réunions, changements de destinations…). Or, l’enjeu de mesurer l’ensemble de ces phénomènes, de les quantifier et d’observer leur évolution, de les territorialiser finement et de les apprécier au regard de la production de logements dans son ensemble est important pour la Métropole, à l’heure où les enjeux de sobriété foncière invitent à porter une attention renforcée au recyclage urbain.
Méthode : un observatoire qui repose sur les millésimes 2014 à 2023 des fichiers fonciers
Base annuelle d’origine fiscale, les données foncières décrivent la composition des parcelles, des locaux ainsi que leurs propriétaires. Une méthodologie en deux temps a été mise en place afin d’identifier et de qualifier les restructurations au sein du parc ancien :
1/ Identification des numéros des locaux apparus ou disparus entre deux millésimes consécutifs au sein de bâtiments préexistants
Chaque local des Fichiers fonciers dispose d’un numéro unique (idlocal), qui demeure stable dans le temps, sauf en cas d’évolution substantielle. Ainsi, un logement qui devient un local d’activité change de numéro. C’est également le cas pour une maison qui est divisée en appartements. L’idlocal de la maison disparaît tandis que des nouveaux numéros de locaux apparaissent pour les appartements issus de la division de la maison.
Dans un premier temps, toutes les évolutions de numéros de locaux dans du bâti ancien contenant au moins un logement en année N ou N-1 ont donc été identifiées.
2/ Qualification des évolutions à partir des informations sur les locaux
En second lieu, ces évolutions sont classées à partir d’informations disponibles à l’échelle des locaux :
- Augmentation, diminution, stabilité du nombre de locaux et de leur surface par type (appartement, maison, activité, dépendance) ;
- Usage de la variable DNATCG qui donne la cause de la dernière évolution de la taxe foncière et notamment la division de local, la réunion de locaux et le changement d’affectation.
Des retours de terrain ainsi qu’un croisement avec la base Sitadel des permis de construire ont enfin permis de consolider la méthode.
Des résultats inédits sur les restructurations qui affectent le parc de logements de la MEL
Les résultats de l'étude ont révélé que sur une période de neuf ans, environ 7 800 logements ont été créés par restructuration, tandis que 4 800 logements ont disparu suite à des réunions ou des transformations en locaux d'activité.
Ces restructurations représentent 12% des logements créés entre 2014 et 2023, dont au moins la moitié par division de logements.
Hors démolitions et constructions de logements, le patrimoine de logements a donc tendance à augmenter structurellement sur le territoire de la MEL du fait des restructurations internes, selon un ratio de 2 logements qui apparaît pour un logement qui disparaît.
Le volume de la construction de nouveaux logements est déduit selon cette méthode comme correspondant aux cas d’apparition de logements ne relevant pas de restructuration. Les volumes obtenus sont comparés avec les données Sit@del et le recensement de l’INSEE et apparaissent relativement cohérents :
- Le recensement indique 5 415 nouveaux logements par an en moyenne entre 2018 et 2022, quand nous en recensons 5 488.
- Sit@del met en évidence 4938 logements neufs par an en moyenne sur les 10 dernières années (hors résidences), soit un volume de construction un peu inférieur à nos chiffres. En incluant les résidences (personnes âgées, étudiants, tourisme, travailleurs, casernes...), dont une partie sont sans doute inclus dans nos chiffres, on obtient 7141 logements neufs par an, toujours selon Sit@del, soit un volume un peu supérieur à nos chiffres. Les ordres de grandeur apparaissent en accord.
Il s’agit de phénomènes en baisse avec presque deux fois moins de restructurations pour la période 2020-2023 par rapport à 2014-2017. Cette baisse affecte a priori tous les types de restructurations de manière similaire.
Il convient néanmoins de rester prudent sur les dates car il a été observé un décalage pouvant être de plusieurs années entre la restructuration d’un bâtiment et sa prise en compte dans les bases fiscales. C’est d’ailleurs ce qui explique sans doute que les divisions ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation accordées par la MEL ne figure pour beaucoup d’entre elles pas encore dans les bases fiscales : le permis de diviser ayant été introduit en 2019, il est vraisemblable que seuls les dossiers les plus anciens ont déjà fait l’objet de travaux et donné lieu à une mise à jour de la DGFIP.
Principaux enseignements de la démarche
En conclusion...
Innovante et nécessitant une connaissance approfondie des données foncières, la méthode d’élaboration de cet observatoire fait l’objet d’une transmission aux services de la MEL par le Cerema afin qu’ils puissent actualiser le repérage des divisions dans les prochaines années. Permettant une analyse fine et la plus exhaustive possible des phénomènes de restructuration, cette approche multi-millésimes des Fichiers fonciers pourrait être reproduite dans d’autres territoires français également confrontés à ces enjeux de transformation de leur parc de logements.
Ces travaux sont également susceptibles d’alimenter les démarches d’évaluation des besoins en logement, et en particulier le projet Otelo, porté par la DGALN et le Cerema. En effet, le rythme des créations de logements par restructuration (changements de destination de l’activité vers le logement., division) et des disparitions de logements par démolition et/ou restructuration (changements de destination du logement vers l’activité, réunion de logements) et les hypothèses sur l’évolution de celui-ci impactent le volume de logements neufs nécessaires pour répondre aux besoins locaux.
Enfin, les réflexions qui entourent la conciliation des objectifs de réponse aux besoins en logement et de sobriété foncière invitent à un intérêt nouveau en direction de ces phénomènes, que la puissance publique pourrait être amenée à encourager ou à réguler, selon la qualité des logements ainsi produits et leur adaptation aux aspirations résidentielles. En ce sens, des travaux plus qualitatifs pour éclairer la diversité des logiques à l’œuvre dans ces phénomènes. Si certaines sont susceptibles de générer des logements de mauvaise qualité (d’où la pertinence d’outils comme le permis de diviser), d’autres pratiques peuvent aussi exister et participer d’une optimisation de l’usage du bâti existant.